Session ordinaire de 2004-2005 -
48ème jour de séance, 115ème séance
2ème SÉANCE DU MARDI 18 JANVIER 2005
PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis
DEBRÉ
.../...
La séance,
suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20 sous la présidence
de M. Le Garrec.
PRÉSIDENCE de M. Jean LE
GARREC
vice-président
ÉGALITÉ DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES
(suite)
L'ordre du jour appelle le vote et les
explications de vote sur le projet de loi pour l'égalité des droits et des
chances, la participation et la citoyenneté des personnes
handicapées.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire
d'Etat aux personnes handicapées - Monsieur le président, mes
premiers mots seront pour vous remercier de l'intérêt que vous en
particulier vous avez porté à ce texte. Je remercie chaleureusement le
rapporteur M. Chossy, qui a soutenu avec talent ce projet de loi, sans
oublier M. Dubernard, président de la commission des affaires sociales,
dont la compétence a contribué à faire évoluer la réflexion.
Au terme d'un dialogue social approfondi avec
l'ensemble du mouvement associatif et des représentants institutionnels,
et d'un riche débat parlementaire, ce projet de loi a atteint son point
d'équilibre : un nouveau paradigme du handicap a été défini. Le
handicap est certes un défi à notre Etat providence, mais c'est également
une chance pour notre démocratie.
Nous vivons un moment fondateur, et cependant
ce n'est qu'une étape dans la poursuite de ce chantier voulu par le
Président de la République. Il y aura un après-la-loi et un au-delà de la
loi. La société tout entière doit changer pour que le handicap ne soit
plus qu'un aspect de cette diversité dans laquelle notre démocratie
s'enracine.
En 2005, je serai particulièrement attentive à
la publication des textes d'application. Nous devrons également étudier la
situation des personnes handicapées mentales vieillissantes afin de leur
assurer une offre médicale qui réponde à leurs besoins. Pour la première
fois, la notion de handicap psychique est définie dans ce projet de loi.
Nous devrons également travailler à la mise en place des maisons
départementales des personnes handicapées en nous appuyant sur l'expertise
des sites pour la vie autonome. En outre, nous avons abordé la question de
la représentativité des associations, encore faut-il y répondre. Nous
devons également nous inspirer des expériences européennes intéressantes
et penser la question du handicap dans un cadre international.
Un dernier mot sur ce que j'ai coutume
d'appeler l'émergence du cinquième risque, le risque dépendance. Il
importe de créer une nouvelle branche de la protection sociale pour que
sortent de l'ombre des millions de personnes. Avec la mise en
œuvre de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, les
Français s'affranchiront de leur peur et la question du handicap ne sera
plus jamais honteuse ou gênante.
Je vous remercie pour la grande qualité des
débats, votre ouverture d'esprit. Je présente à cette nouvelle politique
mes meilleurs vœux pour 2005 ! (Applaudissements sur les
bancs du groupe UMP)
M. Jean-François Chossy, rapporteur de la
commission des affaires sociales - Je suis très satisfait du
travail réalisé dans nos deux assemblées. Je me suis personnellement
engagé pour faire progresser ce projet de loi afin qu'il réponde au mieux
aux attentes des personnes handicapées et des associations. Pour ce faire,
nous avons emprunté plusieurs directions : la prestation de
compensation du handicap est un élément fort, c'est le cœur de
cette loi ; le guichet unique que représente les maisons
départementales des personnes handicapées ; la garantie d'une
ressource dépendance.
Nous avons également cherché à faire progresser
les mentalités en changeant les mots. La proposition de substituer
« scolarisation » à « intégration scolaire » des
personnes handicapées a une importance symbolique.
Ce projet de loi, nous y croyons, avec cœur, avec foi. Nous rencontrerons peu de difficultés en
commission mixte paritaire, nous saurons avec nos collègues sénateurs
faire évoluer ce texte dans le bon sens. Cet engagement que je prends à
titre personnel, je sais qu'il est aussi le vôtre. (Applaudissements
sur les bancs du groupe UMP)
M. Claude Leteurtre - C'est
sans enthousiasme que le groupe UDF votera ce texte. La grande réforme de
la loi de 1975 que nous attendions s'est transformée en un simple
toilettage de façade, qui peine à masquer les insuffisances de notre
politique en faveur des personnes en situation de handicap. A l'évidence,
il n'y a pas assez d'argent pour financer l'ensemble des mesures
annoncées. Madame la ministre, au cours du débat, je vous ai par trois
fois demandé qui paierait...
M. Paul Giacobbi - Les
départements !
M. Claude Leteurtre - Et,
faute de réponse, je vous pose à nouveau la question. En quelques années,
l'effort de la nation en faveur des personnes en situation de handicap a
diminué de 6 milliards, pour ne plus représenter que 1,7% du PIB, contre
2,1% précédemment. Le Gouvernement est-il décidé à inverser la
tendance ? Sachant que le budget global du handicap représente 40
milliards, les 850 millions supplémentaires dégagés par la journée de
solidarité ne permettront pas de rattraper le décrochage. Et il y a tout
lieu de penser que les conseils généraux seront une nouvelle fois mis à
contribution. Quant au tour de passe-passe qui consiste à remplacer le
complément d'AAH par une garantie de ressources relevant du budget de la
sécurité sociale, il ne convainc personne, d'autant que le nombre de
bénéficiaires de l'AAH continue d'augmenter de près de 5% par
an.
Eu égard à la prévalence du syndrome
d'alcoolisation fœtale, j'ai personnellement voté la disposition
introduite par le Sénat visant à mettre en garde les femmes enceintes
contre les risques associés à la consommation d'alcool. Je maintiens
cependant qu'elle n'a rien à faire dans ce texte et qu'elle risque de
stigmatiser certaines mères. Mais, compte tenu du fait que de 400 à
1 500 nouveaux-nés sur les 750 000 naissances annuelles
pourraient être victimes du SAF, je me suis résolu à adopter une
disposition qui constitue l'une des premières mesures concrètes de lutte
contre l'alcoolisme dans ce pays.
Malgré ces défauts, ce texte comporte de
nombreuses avancées, qu'il s'agisse du droit à compensation - bien que
nous déplorions que les barrières d'âge n'aient pas été levées -, du droit
à être scolarisé en milieu ordinaire, de l'accessibilité ou de la garantie
de ressources à hauteur de 80% du SMIC. L'UDF veillera à sa bonne
application et à la rapidité de parution des décrets d'application. Nous
entendons également que le budget de l'éducation nationale permette la
scolarisation de tous les enfants en situation de handicap et que le
programme pluriannuel de création de places en établissement se déroule
selon le rythme annoncé. Il importe que toutes les familles en attente de
place aient rapidement satisfaction.
Les personnes en situation de handicap
attendaient beaucoup, et le texte qui nous est aujourd'hui soumis reste
insuffisant à bien des égards. Il ne permet pas de leur offrir l'espérance
de la vie meilleure à laquelle ils ont droit (Applaudissements sur les
bancs du groupe UDF).
M. Daniel Paul - Nous arrivons au
terme de la deuxième lecture d'un texte attendu depuis plusieurs
décennies, et je tiens d'emblée à saluer la mobilisation exemplaire des
associations pour infléchir l'action du Gouvernement. Nous aurons eu fort
à faire, Madame la ministre, pour vaincre vos réticences à agir
(Exclamations sur les bancs du groupe UMP).
Un député UMP - Et vous,
qu'avez-vous fait ?
M. Daniel Paul - Au reste, les
personnes handicapées et les associations qui les représentent restent
très inquiètes, et votre obstination à retenir de la situation de handicap
une définition désuète et inopérante n'est pas de nature à les rassurer.
Vous avez refusé de choisir une approche globale, prenant en compte
l'environnement dans lequel vit la personne en situation de handicap, et
la France continue de se singulariser par sa vision restrictive. A cet
égard, la substitution à l'ACTP de la nouvelle prestation de compensation
ne nous semble que très partiellement opérationnelle. Les associations
estiment que 60% seulement des besoins en compensation liés à l'existence
d'une situation handicapante seront couverts. De même, vous avez, aux
termes d'un raisonnement fallacieux, supprimé le complément d'AAH sans
être en mesure de démontrer que la garantie de ressources censée le
remplacer améliorerait réellement la situation des intéressés. A cet
égard, vous vous êtes refusée avec constance à envisager la création d'un
revenu minimum d'existence équivalent au SMIC. Au final, on est bien loin
de la simplification annoncée et rien ne permet d'avancer que le nouveau
dispositif permettra aux personnes en situation de handicap d'accéder à
une citoyenneté pleine et entière.
S'agissant du droit à la scolarisation en
milieu ordinaire pour tous, il est inacceptable de renvoyer la décision
finale d'orientation de l'enfant à la commission des droits et de
l'autonomie. Il faut remettre les parents au cœur du processus de
décision et croyez bien que nous ne renonçons pas à obtenir cette avancée
dans la loi sur l'avenir de l'école.
Le principe d'accessibilité générale des locaux
reste entaché de trop nombreuses dérogations. Nous regrettons aussi la
création de la CNSA en ce qu'elle parachève l'éclatement de notre
protection sociale, les transferts de charges aux départements et le fait
que la rémunération des salariés handicapés des CAT reste inférieure au
SMIC.
Grâce à l'exceptionnelle mobilisation du monde
associatif et à la détermination de nombreux parlementaires sur tous les
bancs, le texte initial a été sensiblement amélioré et un nombre
particulièrement conséquent de nos amendements a été adopté. Nous restons
loin cependant de la réalisation d'une citoyenneté de plein exercice pour
toute personne en situation de handicap vivant sur notre sol. Le projet de
loi témoigne d'une approche dépassée et minimaliste des enjeux, tendant à
maintenir des personnes en situation de handicap dans un régime
d'assistance, cependant que l'engagement public diminue et que notre
système de protection sociale continue d'être démantelé.
Notre groupe votera contre ce texte. En cette
période de vœux, je souhaite que les associations et les personnes
en situation de handicap elles-mêmes restent extrêmement vigilantes. C'est
avec elles que nous préparerons la loi progressiste dont le pays a
besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés
communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe
socialiste ; murmures sur les bancs du groupe UMP)
Mme Geneviève Levy - Ce texte
répond à l'objectif fixé par le Président de la République de faire de
l'intégration des personnes handicapées l'une des trois premières
priorités de son quinquennat. Depuis 2002, le Gouvernement mène une
politique du handicap extrêmement active : les crédits sont en
augmentation constante et ils ont été « sanctuarisés ». Le
projet de loi que nous nous apprêtons à voter tend à améliorer la vie
quotidienne des personnes handicapées et de leurs familles. Placé sous le
signe du pragmatisme et de l'ambition, il s'appuie notamment sur les 850
millions supplémentaires dégagés au profit des personnes handicapées par
la journée de solidarité.
Il faut saluer le travail de la commission et
de son rapporteur, mais aussi la qualité des propositions du Gouvernement
et le déroulement des débats qui nous ont permis d'adopter près de 150
amendements.
Je citerai en particulier l'amendement à
l'article 3 qui crée, dés 2005, une garantie de ressources pour les
personnes handicapées qui ne peuvent pas travailler. Elle représentera
140 euros de plus que l'allocation adulte handicapé actuelle et
s'accompagnera de la prestation de compensation. 160 000 personnes
devraient être concernées par cette mesure, soit 30 000 de plus
qu'aujourd'hui.
Je retiendrai encore l'attribution de la
retraite à taux plein pour les travailleurs lourdement handicapés :
120 trimestres en vaudront 160.
S'agissant de la scolarisation des enfants,
leur intérêt est mieux pris en compte, grâce à la suppression de la
précision apportée par les sénateurs, selon laquelle l'intégration
scolaire des enfants handicapés ne devait pas perturber les autres élèves.
La scolarisation de l'enfant handicapé sera donc demain le principe, à
condition qu'elle respecte son projet personnalisé.
Personnellement impliquée dans le monde du
handicap, je me félicite de l'attention portée à l'accessibilité, divers
amendements ayant été adoptés pour que les établissements recevant du
public ainsi que les transports collectifs soient rendus accessibles dans
les dix prochaines années.
Ce texte conforme aux attentes des personnes
handicapées, représente une grande avancée ; aussi l'UMP est-elle
fière de soutenir un Gouvernement qui en a pris l'initiative.
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
Mme Hélène Mignon - L'examen en deuxième
lecture nous a permis de revenir sur certains amendements votés au Sénat,
dont celui particulièrement choquant relatif à la scolarisation des
enfants handicapés.
Ce texte a beau contenir quelques avancées, il
n'en demeure pas moins fort critiquable. Tout d'abord, la dimension
environnementale du handicap n'a pas été reconnue. Au-delà de la seule
sémantique, il s'agissait de prendre en compte l'interaction entre des
facteurs de nature différente - culturelle, sociale, ou architecturale -
pour apporter les réponses individuelle ou collectives les plus adaptées.
Il faut être cohérent avec les textes internationaux que la France a
ratifiés.
L'égalité des chances commence par l'école de
la République et nous avons heureusement pu revenir sur l'amendement
choquant du Sénat. Il faut travailler dès l'enfance à changer le regard de
la société sur les personnes handicapées, aussi l'Etat doit-il dégager les
moyens nécessaires à une politique de scolarisation en milieu ordinaire
volontariste et adaptée aux besoins individuels.
Vous nous dites, Madame la ministre, avoir été
entendue par le ministre de l'éducation nationale, mais comment vous
croire au vu du budget 2005 alloué à ce ministère et du nombre de
suppressions de postes ? Près de 45 000 enfants échappent
aujourd'hui à toute forme de scolarisation ! Nous restons sceptiques
sur le droit réel à la scolarisation et je ne parle pas de la déception
des parents, qui se sentent exclus du processus au profit d'un groupe
médico-administratif. Espérons que la CMP rejettera cette
disposition.
Quant au droit à compensation, il ne deviendra
réalité que si l'on s'en donne les moyens.
L'estimation des fonds de la CNSA destinés à la
compensation est aléatoire. Si la notion de critères de ressources a
favorablement évolué, grâce à la disparition des barrières d'âge et à la
prise en considération du handicap psychique, ces avancées n'ont pas été
budgétisées.
Or, comment être optimistes, quand on sait que
la caisse a déjà dû se substituer à l'Etat pour tenir les promesses
gouvernementales de création de CAT et que le Premier ministre a annoncé,
le 13 janvier, qu'en 2005, 25 millions y seraient encore prélevés pour
permettre l'accessibilité des ministères ?
Que va-t-on nous proposer dans ces
conditions ? Une compensation au rabais ou un deuxième jour férié
travaillé ?
Seule une prestation légale de compensation
aurait permis d'en garantir un égal accès sur l'ensemble du territoire, à
partir du droit de chacun de choisir son projet de vie. Las, la
coexistence de plusieurs dispositifs ne permettra pas de garantir
l'égalité de traitement.
Evidemment, nous approuvons l'augmentation du
reste à vivre pour les personnes en établissement, ainsi que le meilleur
cumul de l'AAH et d'un revenu d'activité, mais vous avez renvoyé à un
décret les modalités de cumul avec les revenus professionnels ! Quant
au complément d'AAH, que vous supprimez avant l'été pour le rétablir en
hiver, tout en le modulant entre les anciens et les nouveaux
bénéficiaires, nous ne pouvons qu'être inquiets.
S'agissant de l'instauration d'un revenu pour
les personnes incapables de travailler, vous avez fait naître beaucoup
d'espoir, mais ne s'agit-il pas là d'un petit tour de
passe-passe ?
Sous prétexte de ne pas perpétuer une politique
d'assistance, vous vous êtes contentés d'un vague toilettage du système
allocatif !
Malgré l'inauguration très médiatique d'un
élévateur à Matignon, trop de dérogations subsistent au principe
d'accessibilité.
Cette loi n'est pas la grande loi que l'on
attendait pour remplacer le texte de 1975. Vous nous dites que les
questions en suspens pourront être abordées dans d'autres textes, mais on
ne fait pas de grande loi avec des cavaliers !
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste
votera contre ce projet et s'engage à tout mettre en œuvre pour
que les personnes handicapées accèdent à une citoyenneté pleine et
entière, telle que Ségolène Royal l'avait présentée en conseil des
ministres en juillet 2001. (Applaudissements sur les bancs du groupe
socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)
A la majorité de 364 voix
contre 163, sur 529 votants et 527 suffrages exprimés, l'ensemble du
projet de loi est adopté.
Mme la Secrétaire d'Etat - Je ne
parlerai pas du retard des Français ni des efforts que le gouvernement de
Jean-Pierre Raffarin doit faire pour le rattraper en termes de création de
places. Je ne parlerai pas davantage de la détresse des personnes
handicapées, ni de l'incompréhension des parents face à une décision
d'orientation non partagée, car, Monsieur Daniel Paul, les associations ne
sont la propriété d'aucune doctrine politique.
Depuis mon arrivée au Gouvernement, vous n'avez
cessé de dire que vous ne voteriez pas ce texte, aussi ne suis-je guère
surprise aujourd'hui, même si au cours des débats, loin des échos
médiatiques, j'ai pu relever parfois une attitude constructive.
(Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et
républicains)
M. Maxime Gremetz -
Lamentable !
Mme la Secrétaire d'Etat - Votre
vote révèle un clivage politique. La doctrine de l'assistance, en
renvoyant la politique du handicap à un problème environnemental et à une
logique de projets sociaux non financés, s'oppose ainsi à une volonté
pragmatique de rattraper notre retard, grâce à une politique de
compensation et à la mobilisation de tous pour prendre en compte le risque
de dépendance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
Je suis fière d'appartenir à ce Gouvernement
qui a su avancer sur ce sujet, et garantir l'intégration des personnes
handicapées au cœur de la cité. (Applaudissements sur les bancs
du groupe UMP)
La séance, suspendue à 17
heures, est reprise à 17 heures 5.
RÉGULATION DES ACTIVITÉS
POSTALES
L'ordre du jour appelle la discussion du
projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la régulation des activités
postales.
M. le Président - Une contrainte
nous imposant de lever la séance à 19 heures 20 et comme nous devons avoir
examiné l'exception d'irrecevabilité, chacun devra faire preuve de
discipline, à l'exemple de M. Ollier, président de la commission des
affaires économiques, qui, renonçant à son temps de parole, permettra à M.
le rapporteur de parler cinq minutes de plus. J'invite chacun à la
concision.
M. Patrick Devedjian, ministre
délégué à l'industrie - Merci, Monsieur le président, de
votre bienveillance régulatrice ! (Sourires)
A Lisbonne, en 2000, les quinze pays de l'Union
européenne se sont fixé comme objectif de faire de l'UE la première
économie de la connaissance d'ici à 2010. Conscients que le développement
des échanges est un puissant moteur de l'économie, les Quinze ont voulu
poursuivre la libéralisation des échanges tant matériels qu'immatériels.
C'est ainsi qu'a été adopté le « paquet télécom » qui assoit la
concurrence dans l'ensemble du secteur des technologies de l'information
et de la communication que nous avons transposé l'année dernière grâce à
la loi sur les communications électroniques et les services de
communication audiovisuelle.
Les Quinze ont également appelé à la poursuite
de la libéralisation dans le secteur des transports et des services
postaux, qui sont en effet un instrument essentiel de communication et
d'échange. Dès 1992, dans son « Livre vert sur le développement du
marché unique des services postaux », la Commission européenne avait
ouvert le débat sur une politique postale communautaire, processus qui a
permis d'aboutir à l'adoption de la directive du Parlement européen et du
Conseil du 15 décembre 1997 concernant les règles communes pour le
développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et
l'amélioration de la qualité, dite directive « postale ». Son
intitulé met en évidence le lien qui doit unir l'ouverture progressive et
contrôlée des marchés à l'amélioration de la qualité du service pour les
utilisateurs. Ainsi la France a-t-elle toujours défendu la nécessité de
prendre en compte les objectifs de service public et d'aménagement du
territoire. Cette directive postale aurait dû être transposée avant
le 31 décembre 2000.
Après la décision des ministres européens des
postes du 15 octobre 2001, cette directive a été modifiée par celle du 12
juin 2002 afin de poursuivre l'ouverture à la concurrence des services
postaux. Cette deuxième directive aurait dû être transposée avant le 31
décembre 2002. La France est donc en retard. Deux procédures sont en cours
à son encontre devant la Cour de justice des communautés
européennes.
La première concerne l'indépendance de la
régulation et date de l'an 2000. Elle constate que le ministre chargé des
postes ne dispose pas de l'indépendance requise par la directive par
rapport aux intérêts de l'opérateur postal historique. La seconde porte
sur la délimitation du monopole de La Poste, également appelé
« secteur réservé ». Le monopole postal aurait dû en effet être
limité aux objets de correspondance de moins de 100 grammes depuis le
1er janvier 2003 alors qu'il est aujourd'hui fixé à 350
grammes.
Ce projet vise ainsi essentiellement à
transposer les directives européennes postales de 1997 et de 2002. Il
permet également de doter La Poste des outils nécessaires pour lutter à
armes égales avec ses concurrents.
Les directives définissent parmi l'ensemble des
domaines postaux un domaine appelé le « service universel
postal » qui correspond à notre notion de service public.
M. Daniel Paul -
Non !
M. le Ministre délégué - Ce service
universel est constitué des envois de correspondance de moins de deux
kilos, des envois de colis de moins de 20 kilos, des envois recommandés et
à valeur déclarée, y compris transfrontaliers.
Les Etats membres de l'Union ont l'obligation
de garantir que toute la gamme du service universel postal sera disponible
au moins cinq jours sur sept sur l'ensemble de leur territoire et
accessible à tous, à un prix abordable. En France, c'est La Poste qui est
chargée de cette mission. Soucieux de la qualité du service rendu, nous
avons choisi d'aller au-delà de nos obligations communautaires, en
maintenant la distribution du courrier six jours sur sept.
Les Etats membres peuvent octroyer au
prestataire du service universel un certain monopole, dans la limite des
seuils définis par la directive, afin de garantir le financement de cette
mission. Nous avons confirmé le monopole de La Poste en l'ajustant aux
seuils prévus. Depuis le 1er janvier 2003, le secteur réservé
couvre les envois d'un poids inférieur à cent grammes. Au 1er
janvier 2006, cette limite tombera à cinquante grammes.
Les Etats membres doivent par ailleurs garantir
qu'une autorité indépendante des opérateurs postaux veillera au respect
des règles de concurrence et à la bonne fourniture du service universel
postal. Nous avons donc prévu d'étendre les pouvoirs de l'ART à la
régulation du secteur. Avec de nouveaux services et de nouveaux membres
compétents dans le domaine postal, celle-ci serait dénommée, comme l'ont
proposé les sénateurs, Autorité de régulation des télécommunications
électroniques et des postes - ARCEP.
Les concurrents de La Poste exerçant une
activité de distribution de correspondances devront y avoir été autorisés
par le régulateur. Seuls les prestataires assurant jusqu'à la distribution
seront soumis à ce régime d'autorisation. Ces autorisations, accordées
pour dix ans, seront renouvelables mais non cessibles. Leur octroi sera
assorti d'exigences de qualité, de respect de la confidentialité des
envois et de protection des consommateurs.
L'ARCEP jouera un rôle essentiel en matière de
règlement des différends dans le secteur postal et de régulation
tarifaire. Ainsi, les tarifs des services réservés devront désormais être
homologués par le régulateur. En revanche, les tarifs du service universel
non réservé pourront faire l'objet d'un encadrement pluriannuel. Si cet
encadrement pluriannuel est global, c'est-à-dire concerne un ou plusieurs
paniers de services postaux, les tarifs individuels de ces derniers
n'auront alors pas à faire l'objet d'un accord au cas par cas. Nous
reviendrons sur ce point très important.
L'ARCEP veillera aussi à ce que le financement
du service universel postal soit assuré dans le respect des règles de
concurrence. Elle pourra notamment faire vérifier les règles d'affectation
des coûts de La Poste. Si elle devait constater un déséquilibre,
c'est-à-dire si le monopole aujourd'hui accordé à La Poste ne couvrait pas
le surcoût économique que représente la fourniture du service universel
sur tout le territoire, le projet de loi lui fait obligation de proposer
au ministre des mesures pour y remédier.
Le projet de loi prévoit également que le
Gouvernement présente au Parlement un rapport sur le financement du
service universel, en examinant notamment l'opportunité de créer un fonds
de compensation, abondé par les concurrents de La Poste, destiné à
financer la mission de service universel dévolue à La Poste, si le champ
du monopole n'y suffisait plus. Cette possibilité est expressément prévue
dans les directives.
Enfin, l'ARCEP sera dotée d'un large pouvoir de
sanctions.
Je suis convaincu que l'ensemble de ce
dispositif permettra de concilier la libéralisation du secteur et la
fourniture d'un service public postal de qualité, auquel nous sommes tous
attachés.
Ce projet de loi dote également La Poste des
outils nécessaires pour lutter à armes égales avec ses concurrents,
mettant à profit les délais qui nous séparent des prochaines étapes de
l'ouverture des marchés à la concurrence. Dans cette perspective, la
création d'un établissement de crédit postal est une mesure-clé.
La gamme des produits financiers offerts par La
Poste n'a cessé de s'étoffer depuis l'après-guerre et comprend aujourd'hui
presque tous les produits d'épargne, s'étendant même au crédit immobilier
avec épargne préalable. Un pas décisif a été fait en 1998 avec la fin de
la centralisation au Trésor des dépôts de CCP, désormais gérés par une
filiale de La Poste. La création d'un établissement de crédit obéissant
aux règles bancaires parachève aujourd'hui cette évolution. Elle permettra
à La Poste de conforter sa clientèle, qui aujourd'hui la quitte
lorsqu'elle a besoin d'emprunter, et de développer l'activité de ses
bureaux. Elle devra naturellement s'exercer dans le respect des règles
professionnelles et prudentielles applicables à toutes les banques. La
Poste y travaille avec les autorités de marché. L'établissement de crédit
recourra pour ses activités aux moyens en personnel de La Poste dans le
cadre de conventions de service, qui devront exclure toute distorsion de
concurrence, en assurant en particulier une juste rémunération de La Poste
et de son réseau.
La Poste sera également mise sur un pied
d'égalité avec ses concurrents. Bien que cette entreprise de 320 000
salariés, dont près d'un tiers de droit privé, soit largement exposée à la
concurrence, le précédent gouvernement lui a imposé la réduction du temps
de travail sans qu'elle puisse bénéficier des aides prévues pour en
atténuer le coût considérable. La Poste va devoir engager sans attendre de
grandes réorganisations d'ici à 2009, date à laquelle elle pourrait perdre
tout monopole. Son éligibilité aux exonérations Fillon la placera à
égalité avec ses concurrents à compter du 1er janvier 2006.
Cette mesure, d'un coût de 230 millions d'euros en année pleine, est très
attendue de l'entreprise et de ses personnels.
L'évolution du réseau des bureaux de poste,
intimement liée aux enjeux d'aménagement du territoire, trouvera des
réponses dans la négociation sur le terrain, et non à partir de solutions
dictées d'en haut.
La loi prévoit de longue date un abattement sur
les taxes locales au profit de La Poste. Cet abattement se justifie par la
mission d'aménagement du territoire qui lui a été confiée en sus de ses
obligations en matière de courrier. Il sera complété par la création du
fonds postal national de péréquation territoriale, qui permettra de
financer la présence postale, là où elle apparaîtra nécessaire. Au niveau
départemental, ce fonds pourra être géré en s'appuyant sur les compétences
des commissions départementales de présence postale territoriale. Le
contrat de plan conclu entre l'Etat et La Poste en a posé le principe. Des
représentants de La Poste et un groupe d'élus présidé par le sénateur
Hérisson, président de la commission supérieure du service public des
postes et communications électroniques, sont en train d'en définir le
détail. Ils viennent de formuler leurs premières propositions.
Enfin, le régime de responsabilité des envois
postaux va être modifié, mesure très attendue par les clients de La Poste.
En effet, La Poste bénéficiait jusqu'à présent d'une irresponsabilité de
droit, qui n'est plus conforme aux principes généraux du droit. Nous
aurons l'occasion d'y revenir, mais il nous faut d'ores et déjà réfléchir
à un dispositif répondant mieux aux attentes des utilisateurs et
applicable à l'ensemble du secteur postal. Les dispositions votées au
Sénat méritent d'être encore améliorées, en instaurant sans doute un
principe beaucoup plus large de responsabilité pour les envois postaux.
La concurrence dans les services postaux existe
déjà, dans notre pays comme chez ses voisins européens, dans le secteur
par exemple du colis ou du publipostage non adressé. Les gains de
productivité que cette concurrence entraîne chez les opérateurs du
secteur, nourrit et soutient la croissance de notre économie. Une nouvelle
étape doit aujourd'hui être franchie. Ce projet de loi prépare La Poste et
l'ensemble des acteurs du secteur à conquérir de nouveaux marchés dans un
contexte de plus en plus concurrentiel, tout en garantissant sur
l'ensemble du territoire un service public de qualité, auquel les Français
sont tant attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. Jean Proriol, rapporteur de la
commission des affaires économiques - Si l'on excepte quelques
petits textes de portée technique - 36 depuis 1990 ! -,
il faut remonter au 17 juillet 1918 pour trouver une loi d'envergure
dédiée exclusivement à l'activité postale. Il s'agissait de la loi portant
création du premier service de comptes courants et chèques postaux. En
effet, la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service
public de La Poste et des télécommunications, comme son nom l'indique, ne
concernait pas seulement La Poste.
Le présent projet de loi est rendu nécessaire à
la fois par nos obligations communautaires et par la nécessité de tenir
les engagements du contrat de plan conclu entre l'Etat et La Poste. Il ne
fait que définir un cadre et des outils nécessaires pour atteindre des
objectifs partagés sur tous les bancs de l'Assemblée. Qui pourrait être
contre l'idée de moderniser le service postal ? D'améliorer la
qualité du service rendu aux usagers, et ce au meilleur coût ? De
permettre à La Poste, opérateur historique, de lutter à armes égales avec
ses concurrents européens ?
Une adaptation est non seulement souhaitable,
mais inéluctable. Le projet de loi, en transcrivant les directives
européennes de 1997 et 2002 avalisées par le gouvernement Jospin, fixe
in concreto les conditions d'un meilleur service. Le service
universel postal, consacré par l'Union européenne et tant décrié comme un
service public a minima est en l'espèce, comme me l'ont rappelé à
maintes reprises mes interlocuteurs lors des auditions, la reprise quasi
conforme des exigences du service public à la française avec la garantie,
tous les jours ouvrables, et au minimum cinq jours par semaine, d'une
levée et d'une distribution. Nous allons au-delà en assurant la desserte à
domicile six jours sur sept.
Relisez les auteurs de la doctrine, mes chers
collègues : le service public n'est pas figé, il doit évoluer. Le
rapport de la Cour des Comptes rendu en octobre 2003 est édifiant : la
Poste a connu une stratégie de développement tardive, les services
financiers sont sujets à une fragilité structurelle, l'inadaptation du
réseau est persistante... La Poste est une entreprise industrielle qu'on
ne soupçonne pas, il suffit de se rendre dans un centre de tri pour s'en
rendre compte.
Les réformes en cours résultent d'un long
parcours et ont été lancées par des gouvernements de gauche. M.
Quilès, auteur de la loi de 1990, estimait déjà en avril 1989
« qu'on ne dirige pas de grands ensembles comme les PTT avec un
rétroviseur ni avec une godille ».
M. François Brottes - Et
Colbert, qu'en pensait-il ?
M. le Rapporteur - Monsieur
Brottes, Colbert a beaucoup apporté à la France, ne vous moquez pas de
lui.
Selon M. Quilès, « le statu quo n'est
pas possible, dans la mesure où il se traduirait par un déclin
inéluctable et par l'abandon du service public ». C'est ainsi que, le
1er janvier 1991, la Poste et France Télécom perdent leur
statut d'administration pour devenir deux établissements autonomes de
droit public.
En octobre 2001, à Luxembourg, les quinze
ministres européens en charge de la Poste et des télécommunications, dont
Christian Pierret pour la France, s'accordent à poursuivre par étapes
l'ouverture à la concurrence des services postaux dans l'Union européenne,
entamée avec la directive du 15 décembre 1997. (Interruptions sur les
bancs du groupe socialiste) Celle-ci devait être transposée au début
de l'année 1999. Nous sommes loin du compte...
Le Gouvernement, comme notre commission, a
choisi d'œuvrer avec pragmatisme afin d'établir un régime
équilibré. Pour ce qui est des opérateurs, qu'il s'agisse du prestataire
du service universel ou des nouveaux entrants, nous aménageons les
pouvoirs de l'autorité de régulation des communications et des postes.
Avec le président de notre commission, nous proposons de porter le nombre
de ses membres de 5 à 7. Nous voulons en outre concilier les impératifs de
modernisation issus des bouleversements technologiques et économiques du
marché mondial et la préservation des services de proximité dans un souci
d'aménagement du territoire. Ainsi, la commission a souhaité éviter que
les nouveaux entrants ne fassent que de « l'écrémage », en n'intervenant
que sur les segments les plus rentables : de là, l'introduction de
l'obligation d'une surface d'activité géographique « conséquente
».
Un droit commun à tous les opérateurs du
secteur a par ailleurs été mis en place. Un amendement a supprimé ce qui
restait du régime d'irresponsabilité de la Poste, créant une
responsabilité forfaitaire, en cas de faute prouvée, pour tous les
opérateurs. Notre commission a aménagé d'une manière équilibrée les
pouvoirs de l'autorité de régulation : elle lui a reconnu une pleine
compétence, avec toutes les marges de manœuvre prévues par la
directive, pour contrôler les tarifs et la qualité des prestations du
service universel. En matière de tarifs, La Poste conserve toutefois
l'initiative de la proposition, l'autorité de régulation ne pouvant
formuler un refus qu'en le motivant précisément.
La commission a adopté l'article 8 du projet,
qui tend à créer une banque postale de plein exercice, en ne modifiant que
la date prévue pour la mise en place de la filiale bancaire détenue à 100%
par La Poste, laquelle restera toujours majoritaire.
M. Daniel Paul - C'est vous qui le
dites !
M. le Rapporteur - Je le
répète, La Poste restera majoritaire. Elle a déjà près de deux cents
filiales non privatisées. Notre loi n'autorise aucune privatisation, je le
dis clairement à ceux qui le craignent comme à ceux qui le
souhaitent.
Les nombreux rapports des missions
d'information et des commissions ad hoc, comme l'examen du projet
de loi en première lecture au Sénat, ont démontré que la création de
l'Etablissement de crédit postal est une condition indispensable pour
donner à La Poste les moyens de rester dans le peloton de tête des postes
européennes, qui ont été plus rapides à se moderniser. Loin de dénaturer
le groupe et de contrevenir à ses missions d'intérêt général, l'ECP
apparaît comme le moyen de pérenniser cette spécificité : devenir une
banque comme les autres afin de préserver l'identité de « la banque pas
comme les autres ».
L'identité postale bancaire est
consubstantielle à La Poste : les premiers clients des comptes chèques
postaux furent en effet les grandes banques françaises, comme le Crédit
Lyonnais et le Crédit foncier. Jusqu'en 1940, les chefs d'entreprise,
industriels, commerçants, artisans et les professions libérales comptent
parmi les principaux utilisateurs du service des CCP. L'activité
financière ne constitue pas une diversification mais prolonge une mission
historique, confirmée par la loi de 1990.
Rassurons aussi les salariés et les usagers :
les services financiers représentent 70% de l'activité de guichet, mais, à
l'inverse, la marque « La Poste » demeure rassurante pour les clients
patrimoniaux. Si la Banque postale quittait le réseau, elle perdrait son
identité et hypothéquerait ses chances de survie. Elle restera une banque
de détail ouverte à tous. La Poste est souvent, pour nos concitoyens les
plus défavorisés, leur porte-monnaie quotidien. Elle le restera. Mettre
fin à son obligation non écrite d'être une banque sociale porterait
atteinte à l'image du groupe.
La commission a validé dans la loi l'accord
signé avec les syndicats de La Poste le 21 juin 2004, qui prévoit la mise
en place d'un régime spécifique de représentation des salariés, reposant
sur des instances transversales puisqu'il y a une double population de
fonctionnaires et de contractuels.
En ce qui concerne la présence postale qui
nous préoccupe tous, la commission a reconnu dans la loi l'existence des
commissions départementale de présence postale, qui résultait du contrat
de plan de 1998 et qui sont appelées à jouer un rôle pivot dans le futur
dispositif.
La commission a pris deux initiatives fortes
en ce qui concerne cette présence. Un amendement précise que, sauf
circonstances exceptionnelles...
M. Daniel Paul - Cela commence
mal...
M. le
Rapporteur - Cette précision
vaut surtout pour certains départements d'outre-mer, comme la Guyane.
Selon l'amendement, pas plus de 10% de la population d'un département ne
peut se trouver éloigné de plus de 5 km d'un point d'accès à la
Poste.
M. Alain Gouriou - Qu'appelle-t-on « un point d'accès » ?
Une boîte aux lettres ?
M. le Rapporteur - En outre,
le Fonds postal national de péréquation territoriale est institué pour
apporter un soutien à la présence postale, non sur la base d'un contrat
bipartite entre l'Etat et La Poste comme l'avait prévu le Sénat en le
rattachant au contrat de plan, mais sur celle d'un contrat pluriannuel
tripartite entre l'Etat, la Poste et les principales associations
représentatives des collectivités territoriales.
Enfin, la commission a noté que le climat a
changé entre la Poste et les élus locaux.
M. Arnaud Montebourg - C'est
vrai.
M. le Rapporteur -
Le malaise se dissipe. Le président
Bailly a œuvré dans ce sens en confirmant la présence postale à
travers 17 000 points de contacts et en élaborant une charte du dialogue
territorial avec les élus.
La Poste française a 28 millions de clients.
Elle a de bons produits. Elle a de solides professionnels. Elle compte
beaucoup d'amis.
Les Français ont un attachement affectif à
leur Poste...
M. Daniel Paul - C'est ce qui vous
gêne !
M. le Rapporteur -
...aux valeurs de service public qu'elle
incarne, comme aux cent mille facteurs qui passent six jours sur sept à
leur domicile. Aidons la Poste. L'immobilisme lui serait mortel. C'est
un travail de fond, mais le temps presse.
Je vous invite à adopter ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ DE M. JEAN-MARC
AYRAULT
M. le Président - J'ai reçu de
M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une
exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa
4, du Règlement.
Mme Marylise Lebranchu - Dans le
débat actuel sur le sens que nous voulons donner à la construction
européenne, ce texte aurait dû mettre en évidence le degré d'appréciation
des Etats devant une directive. Certes, nous ne disposons pas encore d'une
définition idéale du service public au plan communautaire, les traités
applicables n'allant pas aussi loin que le projet de traité, mais je
regrette que vous ayez opté pour un net recul du service public en faisant
croire qu'il s'agit de la simple transposition d'une directive, d'un texte
technique. C'est cette utilisation de l'Europe qui peut décourager une
majorité de Français.
Christian Pierret, alors ministre du
gouvernement Jospin, avait exposé devant la délégation à l'Union
européenne en quoi la présidence française de l'année 2000 avait valorisé
la notion de service public. Commentant les rapports de Gérard Fuchs sur
les services d'intérêt général et de Didier Boulaud sur la poursuite de la
libéralisation des services postaux, il avait décrit l'apport de cette
présidence.
En effet celle-ci a fait progresser en Europe
la notion de service public, au sens français. Nous y tenions car sans
libéralisation organisée, à terme, nos services postaux pouvaient être mis
en danger par la perte de gros clients partis vers d'autres entreprises
européennes. Distinguons en effet l'ouverture, c'est-à-dire une
européanisation des réseaux sous maîtrise publique, et la libéralisation
qui serait l'abandon pur et simple au jeu du marché par déréglementation
et, peut-être privatisation. C'est bien là ce qui sépare la gauche de la
droite.
A Barcelone, la thèse du gouvernement français
a prévalu. Elle avait été préparée par un mémorandum du gouvernement
Jospin au Conseil européen dès le sommet de Laeken. Il a su démontrer aux
Européens qui n'avaient pas encore fait du libéralisme une théologie le
rôle que peut jouer le service universel, dans le contexte de la
mondialisation. De ce fait, votre collègue de l'époque avait pu mettre en
partie en échec les perspectives de l'accord général sur le commerce des
services qui n'avait pu progresser tranquillement comme les libéraux - pas
tous les libéraux français, il est vrai - l'espéraient. Comme l'a dit à
juste titre Christian Pierret, l'Union européenne ne remet pas en cause le
service public : elle peut servir à faire partager la conception
française du service d'intérêt général. Mais aujourd'hui, la Commission
fait prévaloir de plus en plus souvent l'impératif de la
concurrence.
En présentant ce texte, vous ferez croire aux
Français et aux Européens que le recul de la présence postale est dû à
l'Europe, alors que vous n'utilisez pas les marges de manœuvre qui
sont les vôtres, au détriment de la stricte interprétation de la
Constitution et du rôle du Parlement. Pourtant la France avait su faire
échouer un projet de directive en 2000. A Nice, une déclaration avait
permis de reprendre dans un texte européen officiel l'article 36 de la
charte des droits fondamentaux. Le Parlement européen avait soutenu cette
initiative, et le travail de Didier Boulaud, celui si remarquable de
François Brottes sur la directive postale, vous donnaient toutes les
cartes pour poursuivre dans cette voie. Mais cette fragile victoire de la
notion de service public, vous la remettez en cause.
La directive permet une ouverture maîtrisée
avec le maintien d'un secteur réservé suffisamment large. La
libéralisation totale n'est donc ni inéluctable ni même nécessaire. On
sait ses conséquences en Suède, avec 55 opérateurs, la perte de
15 000 emplois, une augmentation de 70% du prix du timbre en moins de
dix ans. La France, elle, a choisi la solidarité entre usagers. Ce texte
aurait dû être l'occasion de parfaire le service public postal en
l'adaptant au cadre européen. Vos propositions suscitent au contraire la
critique.
Certes il fallait un texte pour créer un
régulateur indépendant et transposer une deuxième directive postale
européenne. Mais pourquoi faire du zèle et se débarrasser inconsidérément
de ce qui pouvait être maintenu ? Personne ne vous demande
d'instaurer autant de concurrence, au détriment de la poste elle-même.
Nous pouvions adapter la directive en fonction de nos besoins propres de
services d'intérêt général. De plus la question de la banque postale
mérite un examen attentif.
En réalité, ce texte organise le démantèlement
du service public de la Poste et une réduction drastique du nombre de
guichets, notamment en renvoyant au décret en Conseil d'Etat le soin de
préciser les modalités selon lesquelles seront déterminées, au niveau
départemental, les règles d'accessibilité au réseau. Ce faisant, le
Gouvernement méconnaît les compétences reconnues au Parlement par
l'article 34 de la Constitution. C'est d'autant plus inquiétant que ce qui
se passe dans les commissions départementales est alarmant. Certains élus
refusent d'y siéger car il s'agit moins de concertation que d'information
sur des décisions déjà prises.
M. Arnaud Montebourg - Très
juste !
Mme Marylise Lebranchu -
L'évolution de la Poste mettant en cause un transfert de propriété
d'entreprises du secteur public au secteur privé, il n'est pas concevable
que le Parlement ne décide pas lui-même de ce qui doit rester dans le
secteur public - et l'organisation des guichets, leur accessibilité en
fait bien partie.
Ce projet est bien dans la ligne de la
politique que vous menez depuis 2002 sur la décentralisation et les
territoires ruraux. Leurs habitants s'inquiètent, comme ceux des quartiers
périurbains. Ils se sentent abandonnés, humiliés, en proie à une
insécurité citoyenne. Le beau mot de réforme signifie désormais
désengagement de l'Etat. S'il n'est plus le garant des grands équilibres,
n'est-ce pas le contrat social républicain qui est remis en cause ?
Vos choix correspondent à une option politique, direz-vous, et je la
respecte, même si je la combats. Mais même dans ce cadre, mieux aurait
valu ne pas vous contenter de réduire les services. L'entreprise
externalise désormais ses fonctions. Mais l'Etat n'est pas une entreprise,
la solidarité et l'égalité ne sont pas des fonctions qu'on externalise,
car nul ne prendra le relais. Vos choix nous choquent car ils mettent en
cause la cohésion sociale. Une fois le mal fait, aucune théorie ne vous
aidera à réparer. De plus, dans une économie moderne, l'accès aux
services, à la culture, à l'information sont des éléments de la
croissance. A défaut de faire la réforme pour les citoyens, de cela au
moins vous auriez dû vous soucier.
Vous empruntez ce chemin alors que le mandat
qui vous a été donné en 2002 était l'un des plus difficiles à interpréter
de la Ve République. Au moment où les Français se sentent
abandonnés face à la machine économique et financière, vous leur dites que
seul vaut le retour immédiat sur investissement, quels que soient les
déséquilibres sociaux qui en résultent !
En fournissant les bases d'une privatisation
que la directive ne demande pas, vous persévérez dans l'erreur. Le contrat
de plan 2003-2007 signé entre l'Etat et La Poste ne laisse guère de
doute : on y parle au fil des pages de gains de productivité et de
rentabilité, d'orientation vers le client - où est l'usager ? -, de
restructuration et de diminution des coûts de production.
Un député socialiste - C'est un
business plan !
M. Patrick Devedjian, ministre
délégué à l'industrie - La réaction est en
marche !
Mme Marylise Lebranchu - La
recherche de rentabilité ne peut être le seul critère retenu, sauf à
vouloir introduire une entreprise publique en bourse ! Pour reprendre
le vocabulaire économique, il convient aussi de mesurer les externalités
positives telles que la contribution à l'équilibre du territoire national,
l'égalité d'accès aux services et le service aux activités
rurales.
Aujourd'hui, la recherche des profits, des
gains de productivité ou des clients prime sur l'aménagement du territoire
et l'égalité entre les citoyens ; 4 000 « points de contact »
non rentables sont fermés pour optimiser les rendements, la
restructuration des centres de tri passe par leur automatisation accrue et
leur relocalisation. Par ailleurs, la restructuration interne est menée à
marche forcée : 60% des directeurs départementaux ont été renouvelés
en moins de deux ans pour devenir des « managers » avec des objectifs
commerciaux à la clé, et la division par métiers - courrier, colis,
finances - annonce déjà une vente possible par « lots ».
Distribuer un journal parlementaire à
l'ensemble d'une population par le biais de la Poste ne sera pas possible.
Vous arguerez sans doute que c'est la mission du militant mais
l'information de chacun est au cœur de la démocratie. Désormais,
seuls les citoyens habitant en zone urbaine seront servis. Faudra-t-il
inventer un service public de la Poste pour distribuer l'information sur
les enjeux de société ou sur les enjeux de santé ! Quid de
l'égalité de traitement devant la lettre d'amour ? Faudra-t-il
parcourir des kilomètres pour atteindre le bureau de poste le plus proche
en zone rurale ?
M. Patrick Devedjian, ministre
délégué à l'industrie - Les lettres d'amour n'en seront que
meilleures !
Mme Marylise Lebranchu - La
fermeture des points de contact menace l'attractivité de territoires en
difficulté dont l'Etat est responsable. Le Conseil Constitutionnel, en
s'appuyant sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, a
rappelé en 1996 que l'égalité de traitement est une prescription à valeur
constitutionnelle. Cette décision concernait l'alter ego de la
Poste, France Télécom.
Or, où est l'égalité de traitement des usagers
dans ce projet de loi ?
M. Arnaud Montebourg - Où est la
Constitution ?
Mme Marylise Lebranchu - Qui peut
citer dans cet hémicycle un territoire rural ou une zone périurbaine qui
ne soit pas confrontée à l'absence criante de services publics ? Nos
campagnes se vident et l'Etat laisse faire. Pis encore, il accélère le
mouvement. Les maires ruraux ont beau s'organiser, il leur manque un
partenaire : l'Etat.
Et pourtant, quelle autre entreprise que la
Poste peut s'enorgueillir d'un tel réseau ? Elle maille le territoire
de ses 17 000 implantations territoriales. En se refusant à
distinguer ce qui relève de l'organisation interne de ce qui relève de
l'équilibre des territoires et de l'égalité entre les usagers, l'Etat est
responsable de ce repli organisé.
L'article premier précise que La Poste
contribue à l'aménagement du territoire. La loi du 2 juillet 1990 le
disait déjà. Pourtant, le Premier ministre a tenu, le 16 novembre dernier
devant le Congrès des maires de France, des propos qui ne vont pas dans le
même sens. Face à la colère des élus locaux, il a déclaré : « je suis
prêt à m'engager à vos côtés pour que la Poste soit ce grand service
public, qui reste sur le territoire une grande entreprise dont nous avons
besoin, mais naturellement c'est un travail que nous devons faire en
commun, territoire par territoire, de manière à ce qu'il puisse y avoir un
intérêt, notamment pour la ruralité, à avoir ce lien social permanent,
notamment dans les territoires où il y a un vieillissement de la
population. » Plus d'un élu local a noté que M. Raffarin a parlé
de « travail en commun », ce qui sous-entend, une fois de plus,
que le financement sera pour partie à la charge des communes. Plus vous
perdez de la ressource fiscale, plus il vous faudra dépenser dans une
sphère de compétence qui n'est pas la votre et qui, de plus, obère vos
capacités d'exercer les compétences que la loi vous
assigne !
Jacques Chirac, en campagne électorale,
déclarait le 13 avril 2002 : « Notre espace rural mérite une
véritable ambition, on ignore trop souvent ses besoins en infrastructures
et en services publics. Le monde rural est aujourd'hui victime de la
politique d'aménagement du territoire de ces dernières années ».
Monsieur le ministre, que ne cherchez-vous à rencontrer l'auteur de ce
discours ?
M. Arnaud Montebourg - C'est
Tartuffe à l'Elysée !
Mme Marylise Lebranchu - En octobre
2002, Frédéric de Saint-Sernin, alors parlementaire, observait dans le
cadre d'une question que « la présence de l'Etat dans nos campagnes est un
gage d'équilibre du territoire et une obligation pour que chaque Français
puisse bénéficier d'un égal accès aux services publics ». Puis, il
demanda au ministre de la fonction publique comment éviter la disparition,
d'année en année, de nos perceptions et de nos bureaux de
poste.
M. Arnaud Montebourg - C'était une
bonne question !
Mme Marylise Lebranchu - M. de
Saint-Sernin cherche encore la réponse à sa question !
Je ne veux pas croire que ces propos n'aient
visé qu'à entretenir la démagogie ambiante et que le présent texte
poursuive le même objectif ! Mais force est d'admettre que votre
projet n'est pas de nature à rassurer ceux qui font vivre nos territoires.
Chacun, sur tous les bancs de notre Assemblée, a pu mesurer la dureté des
choix du Gouvernement pour les plus fragiles et sa propension à réduire
les recettes de l'Etat pour servir son électorat, quitte à restreindre le
champ des possibles pour le plus grand nombre. L'injustice de sa politique
fiscale tend à creuser les inégalités territoriales, et ceux qui ont le
plus besoin des services de proximité ne sont généralement pas les
principaux bénéficiaires des réductions d'impôt sur le
revenu !
Aux termes du projet gouvernemental, les
modalités d'accès à la Poste dans le département seront fixées par un
décret en Conseil d'Etat...
M. Gérard Charasse - Ah, les
décrets !
Mme Marylise Lebranchu - Comment ne
pas songer alors aux décrets d'application de la décentralisation
Raffarin ? 59 restent en souffrance alors que l'ensemble devait être
disponible avant la fin de l'année dernière...
M. le Ministre délégué - Ne nous
reprochez pas cinq semaines de délai alors que vous nous avez fait prendre
cinq ans de retard dans la transposition de la directive !
Mme Marylise Lebranchu - Situation
inédite sous la Cinquième République, les collectivités se trouvent dans
l'impossibilité d'élaborer leurs budgets, faute de pouvoir apprécier
valablement le montant des transferts de charges. Si le Gouvernement
entend renoncer aux transferts de charges, qu'il le dise ! Il
trouvera ici une large majorité pour abroger des dispositions dont
personne ne veut !
Il est urgent, en tout cas, de fixer les règles
et de retenir une méthode valable pour l'ensemble du territoire.
D'importantes restructurations ont déjà eu lieu. Qu'adviendra-t-il si un
décret vient fixer des critères d'accessibilité différents de ceux ayant
présidé à ces décisions ?
M. Arnaud Montebourg - Imparable
démonstration !
Mme Marylise Lebranchu - Il est
également prévu que les nouvelles règles prennent en compte la distance et
la durée d'accès au service postal, les caractéristiques démographiques et
économiques des zones concernées, ainsi que les spécificités géographiques
du territoire départemental. Les établir représente par conséquent un
énorme travail et il y a d'ores et déjà tout lieu de redouter que nombre
de territoires ne bénéficient pas de la couverture postale élémentaire.
Dans ma circonscription, il est patent que les habitants de La
Roche-Maurice, Sibiril, Henvic, Plourin-les-Morlaix, Ploudiry, Roscoff,
Plouvorn, Guerlesquin ne seront pas tous traités de la même façon !
Mais cela vaut aussi pour Frangy ou Saint-Pierre de Chartreuse. Beaucoup
de gens ne pourront accéder au point de contact postal qu'en voiture.
Comment feront ceux qui ne possèdent pas de véhicule, sachant que les
guichets ambulants transportant des fonds sont désormais interdits ?
Plus les services s'éloignent, plus la situation des ménages devant
obligatoirement se doter d'un second véhicule alors qu'ils n'en ont pas
forcément les moyens se dégrade. Nombre de familles ayant des enfants
scolarisés sont déjà forcées de faire plus de quarante kilomètres par
jour...
M. le Ministre délégué - Pour aller
à la Poste, cinq kilomètres suffiront !
Mme Marylise Lebranchu - Le maire
de Roscoff nous alerte sur le risque de concentration de tous les services
indispensables dans certaines communes « têtes de zone ».
Comment faire en sorte que les personnes non motorisées - âgées notamment
- y accèdent facilement ? Je gage que vous opposerez un refus poli
aux amendements que nous présenterons en vue de garantir la présence
postale sur l'ensemble du territoire. Sachez cependant que, dans leur
circonscription, les élus qui vous soutiennent ici avec constance
partagent nos préoccupations et expriment les mêmes inquiétudes que nous.
(« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste)
Les élus locaux sont garants du pacte républicain, et au moins aussi à
même que le directeur départemental de La Poste de défendre l'intérêt
général ! Soucieux de donner à leurs territoires toutes les chances
que leur procurent leurs potentialités, les élus ne veulent pas de la
concertation telle que vous l'entendez mais d'une véritable négociation.
Le Gouvernement leur parle volontiers d'innovation. Qu'il commence par
leur rendre les moyens dont il les a privés et qu'il les associe plus
directement aux décisions qui les concernent au premier
chef !
Dans notre incomparable région de Bretagne, les
Assises du territoire ont réuni plus de huit cents élus et membres des
conseils de développement. Ne décourageons pas leur bonne volonté. Dans le
climat actuel, une nouvelle déception préparerait des lendemains qui
déchantent pour toutes les forces politiques républicaines. Ne laissons
pas la sinistrose s'installer.
La banalisation des tarifs spéciaux porte un
autre mauvais coup à l'égalité de traitement entre les usagers. Elle
permettra en effet aux grandes entreprises de négocier les prix à la
baisse, cependant que particuliers, artisans et responsables de PME seront
privés de toute marge de discussion. La situation créée se rapproche de
celle des petits producteurs face à la grande distribution. La capacité
d'innovation des petites unités de production - que vous invoquez si
volontiers - se trouve durablement altérée par de telles évolutions.
Il est inutile de demander à la grande
distribution de faire ce que l'entreprise publique ne fait pas elle-même.
Comment les TPE ou les PME innovantes pourraient-elles résister, quand
même les tarifs postaux sont plus élevés pour elles que pour les grands
groupes ?
Il faut donner à ceux qui innovent les moyens
de résister à leur rachat par un groupe plus important. La baisse des
tarifs pour les gros clients se fera forcément au détriment des prix
consentis aux particuliers et aux petites unités économiques. Alors que
vous venez de valider l'augmentation du timbre à 53 centimes, les grandes
entreprises auront plus de latitude pour s'en affranchir grâce à votre
disposition législative. Quelle belle illustration de votre bataille
contre la vie chère, d'autant plus qu'en milieu rural, faute d'accès au
haut débit, le recours à la transmission électronique n'est pas prêt de
devenir une réalité compétitive !
Rappelez-vous que les résultats de 2002 et la
montée des extrêmes sont surtout le fruit d'une désillusion et d'une perte
d'espoir.
Par ailleurs, qu'en sera-t-il de la sécurité
des commerçants en charge des points de poste ? De la sécurité des
usagers ? De la confidentialité ? Si la majorité des opérations
sont anodines, certaines traduisent des difficultés essentielles. Comment
un particulier pourra-t-il expliquer à son commerçant et voisin le
découvert sur son CCP ? Pensez-vous qu'il soit anodin de recevoir une
lettre recommandée d'un tribunal ?
Et que dire du découragement des postiers qui
ont bâti le service, qui ont accepté moult évolutions pour assister
aujourd'hui à ce démantèlement que ne justifie même pas l'ouverture à la
concurrence ? Comment ne pas s'inquiéter face à la lourdeur de la
tâche qui attend les personnels de ces nouveaux services, dont la
rémunération sera dérisoire ?
Plusieurs députés UMP - Mais c'est
du Zola que vous nous décrivez là !
Mme Marylise Lebranchu - C'est la
réalité, telle que la présente l'Union professionnelle artisanale. Il
s'agit d'ailleurs de votre électorat.
J'en viens à la méthode. Le champ du service
universel de la Poste, à savoir une offre de qualité à un prix accessible
à tous sur l'ensemble du territoire, est défini par une directive
européenne, et la marge d'adaptation nationale se résume au mode de
financement. La France a choisi la formule du service réservé. Si le
projet de loi prévoit la création d'un fonds de compensation du service
universel, son article 7 permet de différer jusqu'au 31 décembre 2005 la
présentation par le Gouvernement de propositions de financement. Pourquoi
attendre cet hypothétique rapport, d'ailleurs dépourvu de tout effet
juridique, selon la jurisprudence du Conseil
constitutionnel ?
Soit nous décidons d'instaurer ici ce régime de
péréquation, soit le Gouvernement aura toute la liberté d'adaptation et
d'appréciation. Il pourra revenir devant le Parlement, mais je ne pense
pas que vous en ayez l'intention, ou le Parlement pourra se saisir
lui-même au travers d'une proposition de loi, que le Gouvernement pourra
refuser d'inscrire à l'ordre du jour : il pourrait donc très bien ne
pas y avoir de suivi.
Etrange méthode que de voter une réforme avant
de s'occuper de son financement, sauf à penser que vous êtes mus par
d'autres logiques que celles du développement de l'entreprise publique. La
Poste serait un prétexte pour le Gouvernement, afin d'imposer une
évolution qui est loin d'être impliquée par la directive. Dans ce cas,
nous nous éloignerions du fondement même de tout service public, qui est
l'égalité de tous. Ce n'est pas ce rapport qui pourra donner valeur
constitutionnelle à vos décisions.
M. François Brottes - C'est
une vraie inquiétude.
Mme Marylise Lebranchu - Outre le
service universel postal, La Poste assure d'autres services d'intérêt
général qu'il faut financer, comme l'aménagement du territoire et la
distribution de la presse. Or, ces missions ne sont financées ni de façon
stable, ni de façon sécurisante pour La Poste.
Concernant l'aménagement du territoire, la loi
renvoie au contrat de performance de La Poste pour le financement d'un
fonds de péréquation, ce qui est très insuffisant. Il faut que la création
du fonds de péréquation territoriale et les principes de son
fonctionnement soient fixés par la loi. Les comptes rendus des conseils
municipaux, des communautés d'agglomération ou des communautés de communes
reviennent sur le même constat. Les communes rurales demandent ainsi
l'appui de tous afin de garantir le financement d'une organisation pérenne
du service postal. Le conseil de la concurrence lui-même souligne que 211
millions d'euros demeurent à la charge de La Poste, s'agissant de
l'aménagement du territoire.
Les aides à la presse, quant à elles, coûtent
selon le conseil de la concurrence 772 millions. L'Etat n'ayant compensé
que 290 millions, la charge nette de l'exercice a été de 482 millions. Il
n'y a donc aucune raison objective d'abandonner cette charge à La Poste
parce qu'elle assure le service universel. Je rappelle l'article 11 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen relatif à la libre
communication des pensées et des opinions. Ce type de contrainte
budgétaire vous avait fait réagir, Monsieur le ministre. En commission,
vous vous êtes même demandé si « au vu de la récente prise de
contrôle de nombreux titres par de grands groupes capitalistiques, il est
vraiment justifié de subventionner Dassault ou la Banque
Rothschild. »
M. le Ministre délégué - J'étais
dans une phase de réflexion (Sourires) !
Mme Marylise Lebranchu - La Poste
assume aussi des services d'intérêt général, et elle doit donc bénéficier
d'une juste compensation financière, à moins que vous ne vouliez
différencier les organes de presse. Il est vrai qu'il y a une différence
entre l'accès de tous à l'information dans les meilleures conditions et
l'extension de ces droits à tous les journaux spécialisés. Ce débat aurait
dû avoir lieu avec la presse et les syndicats de journalistes, mais cela
n'a pas été le cas. Il faut donc accorder à la Poste un financement à
l'euro près.
Concernant l'établissement bancaire, il est
positif de vouloir augmenter le périmètre des services proposés par la
Poste mais il convient là encore de lui en donner les moyens. Le conseil
de la concurrence rappelle que « le développement d'une concurrence
loyale et efficace au bénéfice des consommateurs, par la libéralisation
progressive du secteur postal prévue par les directives ne pourra
intervenir que si les opérateurs, qu'il s'agisse de La Poste ou de ses
concurrents, ne se voient pas contraints de supporter des charges ne
relevant pas du service postal universel mais d'objectifs d'intérêt
général supplémentaires. » Nous craignons que La Poste soit obligée
de devenir la banque des plus démunis sans aucune compensation, ce qui la
mettrait en difficulté. Si cette exception d'irrecevabilité n'était pas
votée, François Brottes aura l'occasion d'y revenir
(Sourires).
Sans déclaration législative d'intérêt général
ou de service universel, il sera impossible de donner à la Poste une juste
compensation financière. Vous pouviez le faire, vous ne l'avez pas fait,
et c'est plus qu'une erreur. La Suède a créé un service universel confié à
la poste et financé par l'impôt, avec l'accord de Bruxelles. La Commission
a en effet considéré qu'il n'y avait pas en l'occcurrence d'aide d'Etat
car un service d'intérêt général avait été préalablement défini. Le droit
européen n'est pas équivoque : l'Europe oblige à ouvrir les réseaux,
mais non à privatiser ou à changer le statut des entreprises et de leurs
agents : c'est le principe de neutralité des Etats. Nous n'avons pas
encore de texte transversal sur les services publics, mais même avant
cette reconnaissance plus formelle, un rééquilibrage du droit de la
concurrence est déjà possible. Pourquoi oublier le principe de neutralité
des Etats ? Au Parlement européen, il y a eu trois attitudes
françaises : celles de la droite, qui vote pour la libéralisation la
plus radicale, de l'extrême gauche qui l'aide en refusant de livrer les
batailles d'amendement, et celle de la gauche socialiste, communiste et
verte qui mène ces batailles afin de sauver l'essentiel et qui, avant
2000, y a réussi. Le risque étant de laisser faire le marché, il faut une
réponse politique forte au droit européen car il en va des principes
fondamentaux de notre pacte républicain. Il faut financer les services
publics par la péréquation entre zones rentables et zones non rentables,
conserver l'infrastructure sous monopole public, quitte à organiser
l'ouverture à travers des péages d'exploitation, solution choisie par un
certain nombre de pays. Il faut aussi tirer les enseignements des
expériences qui ont été menées ailleurs - la poste sudédoise, le Rail
Track en Grande-Bretagne, ou le téléphone portable chez nous.
Ce projet fait courir des risques importants au
service public postal alors que celui-ci est une chance pour notre pays.
Il est en outre irrecevable car il contient plusieurs dispositions
contraires à la Constitution et notamment à son article 34, mais aussi à
l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Ce texte n'est pas une simple adaptation technique, c'est une loi
politique de première importance. Nous aurions aujourd'hui intérêt à
relire les principes d'égalité de droits des usagers et des territoires.
N'allez surtout pas faire croire à nos concitoyens que leur vie et
l'avenir de leurs territoires sont liés à des directives communautaires,
techniques et obscures. Ils le sont bel et bien à la façon dont nous
envisageons l'évolution économique et la cohésion sociale. Ne nous
étonnons pas que, dans la morosité générale et devant un tel sentiment
d'abandon, se soit glissé comme un grain de sable dans la confiance entre
nos concitoyens et les politiques. Le plus important serait de rétablir ce
lien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)
M. le Ministre délégué - J'ai
admiré, Madame Lebranchu, votre démonstration sans qu'elle m'ait
convaincu. L'exception d'irrecevabilité est le plus souvent l'occasion
pour l'opposition d'exprimer une position politique générale -nous en
avons tous usé-, mais je dois reconnaître que vous avez ce soir tenté de
la justifier par des arguments juridiques, même si l'on ne peut vous
suivre.
Vous n'en êtes pas à une contradiction près, en
expliquant que le gouvernement de Lionel Jospin avait été entendu par les
autorités européennes, au moins jusqu'à la fin 2000, s'agissant d'une
certaine conception du service public. Dans ce cas, que n'avez-vous
transposé la directive de 1997 avant la date à laquelle elle devrait
l'être, à savoir le 31 décembre 2000 ? Cela nous aurait évité des
poursuites de la part de la Commission. Je note d'ailleurs que vous ne
l'avez pas non plus transposée ultérieurement alors que vous êtes encore
restés un an et demi au pouvoir... C'est ce retard qu'il nous faut
aujourd'hui rattraper.
Vous critiquez la conception européenne du
service public, mais celle-ci est désormais le droit. Nous n'avons d'autre
choix que de transcrire les directives qui s'imposent à nous.
S'agissant de la présence postale, notre réseau
demeure le plus dense d'Europe avec un contact postal pour 3 530
habitants contre 6 490 en Allemagne. A notre arrivée au pouvoir, il y
avait 17 000 points de contact postal. Aucun n'a été supprimé et
aucun ne le sera. Mieux, grâce à un amendement du rapporteur, la loi
garantira désormais que leur nombre ne peut descendre en dessous de
14 000. Dans l'évolution du réseau, votre gouvernement a d'ailleurs
sa part de responsabilité. Vous avez transformé 1 709 bureaux de
poste en agences postales communales et en avez supprimé 52. Nous, nous
n'en avons fermé aucun. Il nous est donc difficile de recevoir vos
leçons !
Quant à l'ossature du réseau, elle date pour
l'essentiel d'avant 1914. C'est ainsi que, les évolutions démographiques
n'ayant pas été prises en compte, 17% des bureaux de poste desservent 50%
de la population tandis que 60% d'entre eux en desservent 18%. Cet
important déséquilibre ne peut être justifié. On manque cruellement de
bureaux de poste en ville : deux nouveaux bureaux ont dû être créés à
Antony, où c'était devenu indispensable.
La qualité du service rendu se dégrade
lorsqu'il est transféré chez un commerçant, avez-vous dit. Vous ne dites
pourtant rien lorsqu'il est assuré par un agent communal.
Mme Marylise Lebranchu - Ce n'est
pas la même chose.
M. le Ministre délégué -
Pensez-vous que les commerçants vont s'amuser à identifier les courriers
reçus par tel ou tel ? Les facteurs le font-ils ?
Mme Marylise Lebranchu - Les
facteurs, eux, sont soumis au secret professionnel.
M. le Ministre délégué - On compte
dans notre pays 6 500 bureaux de poste ouverts moins de quatre heures
par jour, dont 3 500 ouverts moins de deux heures. Est-ce dégrader le
service que de le transférer dans un commerce ouvert huit, voire dix
heures, par jour et qui, alors que souvent il vivotait, tirera
bénéfice de sa nouvelle activité. (Interruptions sur les bancs du
groupe socialiste)
Pour ce qui est de la qualité du service, 80%
du courrier, contre 65% il y a peu, sont aujourd'hui acheminés à J+1.
(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) C'est une
amélioration considérable. Par ailleurs, 90% des clients interrogés se
disent satisfaits des Points Poste, et 56% d'entre eux très satisfaits.
S'agissant du haut débit, dont vous avez
déploré qu'il soit encore insuffisamment déployé sur le territoire, six
millions de lignes sont aujourd'hui en service contre 500 000 en
2002. Cet essor ne s'est pas produit par une opération du Saint-Esprit. Il
y a fallu une intelligence politique, des efforts de la part de l'Etat,
des élus et des entreprises. (Interruptions sur les bancs du groupe
socialiste)
Vous avez accepté l'ouverture du secteur postal
à la concurrence -je ne vous le reproche pas, nous aurions fait de même.
Seulement, vous refusez d'en tirer les conséquences, à savoir que La Poste
doit réaliser des gains de productivité. Quel mal y a-t-il d'ailleurs à ce
qu'elle en réalise quand, comme l'an passé, elle les partage avec ses
personnels en leur octroyant de ce fait une prime substantielle ? Ces
gains de productivité sont par ailleurs indispensables pour qu'elle puisse
soutenir la concurrence. Nul doute que la poste allemande, qui a réalisé
l'an passé trois milliards d'euros de profits, sera présente demain dans
notre pays. Si notre Poste, à laquelle nous sommes tous si attachés, n'est
pas concurrentielle, c'est-à-dire capable d'offrir le meilleur service au
meilleur prix, elle perdra des parts de marché et courra à la ruine.
Loin de désarmer et de démanteler La Poste,
comme vous le prétendez, ce projet de loi lui permet au contraire de
« faire du muscle » pour gagner la bataille de la concurrence.
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. Alain Joyandet - Je rends
hommage à Mme Lebranchu, dont le propos était intéressant, même si je
ne le partage pas. Ce texte « n'est peut-être pas tout à fait
inconstitutionnel », nous a-t-elle dit. Soit un texte est conforme à
la Constitution, soit il ne l'est pas. Il n'existe pas d'entre-deux... Le
Conseil d'Etat avait formulé à son sujet deux réserves, l'une relative au
prix du timbre, l'autre aux conditions d'accès pour les nouveaux
opérateurs : le Gouvernement en a tenu compte.
Sur l'avenir des territoires ruraux, les
socialistes semblent avoir eu la révélation. Vous avez passé quinze ans
aux affaires, sans laisser ces territoires en état d'affronter l'avenir.
On ne peut prétendre que vous n'ayez pas fermé d'écoles. On ne peut
prétendre que vous ayez donné accès au savoir à tous les enfants.
(Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Nous parlons du
service public : nous pouvons nous demander ce que vous avez fait
pour les territoires ruraux, en matière de haut débit par exemple.
Certains de nos concitoyens ne peuvent même pas recevoir la chaîne
publique de télévision régionale pour laquelle ils paient la redevance.
Nous sommes peut-être co-responsables de cette situation, mais votre
plaidoyer était un peu exagéré. Madame Lebranchu, nous pourrions parler de
la justice de proximité, pour laquelle vous avez fait quelque chose - mais
il fallait faire beaucoup plus -, ou des services déconcentrés de Bercy.
Il y a des parlementaires qui se sont battus
depuis dix ans pour défendre ces territoires. On ne peut pas dire que vous
les ayez écoutés, même lorsqu'ils siégeaient sur vos bancs.
Le rapporteur a cité Paul Quilès, qui
s'opposait au statu quo. C'est bien le maillage actuel qui est
inégalitaire. Les habitants d'une petite commune historiquement dotée
d'une poste ont plus facilement accès aux services que ceux d'une commune
qui s'est considérablement développée.
Il faut distinguer le service public du service
au public. (Interruptions sur les bancs du groupe des députés
communistes et républicains)
M. Michel Vergnier - Cela n'a pas de
sens.
M. Alain Joyandet - Entre un point
public ouvert toute la journée et un immeuble de la Poste ouvert deux
heures par jour, nos concitoyens font la différence.
La Poste était comme un coureur de fond auquel
on ajouterait un handicap à chaque tour de piste en lui demandant d'aller
plus vite que ses concurrents. Ce texte, bien travaillé par la commission,
allège les contraintes de la Poste. C'est aussi ce qu'a fait le
Gouvernement en prenant en charge une partie des retraites ou en accordant
l'exonération des charges sur les salaires. Je salue le travail de la
commission. Le groupe UMP ne votera pas cette exception d'irrecevabilité.
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. Alain Gouriou - M. Joyandet
voudrait faire croire que nous sommes pour le statu quo. Ce n'est
pas vrai. Sur tous ces bancs, il n'y a pas eu de protestations lorsque
Mme Lebranchu a évoqué l'attachement des députés comme de l'ensemble
des Français à la Poste, un service emblématique, au cœur du pacte
républicain.
Le ministre a raison quand il parle d'un réseau
d'une densité inégalée, mais il est faux de dire que la qualité du service
s'améliore. En 2002, 76,8% du courrier était délivré en J+1 ; en
2004, ce taux est tombé à 74,4%.
M. le Ministre - 80% à la fin de
l'année !
M. Alain Gouriou - Je n'ai pas eu
ce chiffre.
Mme Lebranchu n'a jamais dit que le transfert
de l'activité postale à un commerce était contraire à la Constitution.
Mais s'il y a transfert, il faut définir des critères et c'est au
Parlement de se prononcer.
Quant au retard mis à transcrire la directive,
vous avez bien voulu reconnaître qu'il n'était pas dû en totalité au
gouvernement précédent. Ce texte a été étudié par le Sénat il y a un
an : nous aurions pu aller plus vite ! Ce délai aurait pu être
mis à profit pour examiner ce qui s'est passé en Suède et en Allemagne, où
les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs placés dans la
directive.
S'agissant des inégalités territoriales,
reconnaissez que la couverture GSM n'est pas satisfaisante, - et je ne
parle pas du haut débit ou de la future TNT.
Plusieurs problèmes restent sans solution,
qu'il s'agisse du fonds de péréquation, du fonds de compensation, de
l'acheminement de la presse ou des retraites. Il y avait bien matière à
défendre une exception d'irrecevabilité, que le groupe socialiste votera.
(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)
M. Jean Dionis du Séjour - Le
groupe UDF ne votera pas cette exception d'irrecevabilité par conviction
européenne. On ne peut tenir un discours pro-européen - même si les
socialistes deviennent nuancés dans ce domaine - et s'échapper
dossier par dossier. Notre position est constante. Au contraire, entre
votre pratique gouvernementale de 1997 à 2002 et vos positions actuelles,
vous faites le grand écart. Nous ne le ferons pas. (Interruptions sur
les bancs du groupe socialiste)
Nous ne voterons pas cette exception parce
qu'il est grand temps de parler du service postal. Se focaliser sur le
nombre des points de contact, ce n'est pas rendre service à la Poste ni au
pays. Le vrai débat, c'est le service. Ainsi, je m'interroge sur ce taux
de 80% annoncé par la Poste. Dans le Lot-et-Garonne, je n'ai pas le
sentiment qu'elle enregistre de tels résultats. A quelle heure a lieu la
collecte ? Pourquoi se produit-elle de plus en plus tôt dans les
territoires ruraux ? Nous souhaitons avoir ce débat.
M. Arnaud Montebourg - Allez
expliquer cela dans le Lot-et-Garonne !
M. Jean Dionis du Séjour -
Cela ne me pose aucun problème.
La Poste a besoin d'une loi de modernisation
pour s'adapter à la concurrence. Faut-il rappeler que 300 000 emplois
sont en jeu ? Les trois métiers de la Poste sont en pleine
mutation : le courrier bien sûr, mais aussi les colis qui bénéficient
de l'essor du commerce électronique, sans oublier la banque. Nous estimons
une adaptation législative indispensable. (Applaudissements sur les
bancs du groupe UDF et du groupe UMP)
M. Daniel Paul - Il y a bien
matière à défendre une exception d'irrecevabilité et celle de
Mme Lebranchu mérite d'être votée. La presse disait ce matin que les
Français ne croient plus en rien. Comment pourraient-ils croire en quelque
chose quand vous ne leur donnez d'autre horizon que la satisfaction des
exigences libérales, comme si la rentabilité économique constituait le
socle de la société ?
Les services publics, pour vous, sont des
structures dépassées, alors qu'ils sont porteurs de sens dans une société
française et une Europe qui en ont de moins en moins. Mme Lebranchu
s'est inquiétée de l'impact qu'aurait ce texte sur le référendum européen.
Je pense au contraire que ce texte est révélateur de l'Europe que vous
construisez : il éclairera utilement nos concitoyens.
Je voterai cette exception d'irrecevabilité,
comme je voterai non à la Constitution européenne. (Applaudissements
sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du
groupe socialiste)
L'exception d'irrecevabilité,
mise aux voix, n'est pas adoptée.
La suite de la discussion est
renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir à 22
heures.
La séance est levée à 19
heures 30.
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