Comité de suivi et d’évaluation

de la Journée de solidarité

RAPPORT REMIS

AU PREMIER MINISTRE

LE 19 JUILLET 2005

 

 

Sommaire

 

INTRODUCTION : LES OBJECTIFS D’UNE JOURNEE DE SOLIDARITE.......................................... 4

- 1 - LE PREMIER BILAN DE LA JOURNEE DE SOLIDARITE ........................................................... 6

1.1. La faculté laissée aux partenaires sociaux et aux responsables des administrations de

fixer la journée de solidarité à une autre date que le lundi de Pentecôte a été peu utilisée. ........ 7

1.1.1 Dans le secteur privé : quelques accords de branches et d’entreprises .................................. 7

1.1.2. Dans le secteur public : l’effet d’entraînement de l’Education nationale pour retenir le lundi de

Pentecôte…........................................................................................................................................ 9

1.1.2.1. La fonction publique d’Etat............................................................................................. 9

1.1.2.2. La fonction publique hospitalière .................................................................................. 10

1.1.2.3. La fonction publique territoriale .................................................................................... 11

1.2. Les grèves de la fonction publique d’Etat et les multiples ajustements particuliers dans

les autres secteurs d’activités ont rendu la mise en oeuvre de la journée de solidarité complexe

et difficile à évaluer de manière précise ........................................................................................... 11

1.2.1. Un taux de grévistes voisin de 20% le 16 mai 2005 dans la fonction publique d’Etat, .. 11

1.2.2. De multiples ajustements particuliers dans les divers secteurs d’activités .................... 13

1.2.2.1. Un ajustement légitime et légal, mais difficile à mesurer, en cas d’utilisation d’une

journée de « réduction du temps de travail » ou d’une journée de congé....................................... 14

1.2.2.2. Des choix de management parfois peu compatibles avec l’esprit de la loi .................... 14

1.2.2.3. Un impact incertain sur les activités non directement incluses dans le champ de la

mesure ....................................................................................................................................... 15

1.3. Les richesses créées lors de la journée de solidarité sont d’ores et déjà affectées au

financement de prestations en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées... 16

1.3.1. Les richesses créées par la journée de solidarité............................................................ 16

1.3.1.1. L’effet économique : un surcroît de valeur ajoutée ..................................................... 16

1.3.1.2: L'effet financier: 2 milliards d'euros de recettes récoltées…………………………….19

1.3.2. Un effort de solidarité nationale précisément alloué à des actions en faveur des personnes

âgées et des personnes handicapées. ............................................................................................. 20

1.3.2.1. Un effort global de plus de 15 milliards d’euros en 2005 ................................................ 20

1.3.2.2. Une affectation directement effectuée en faveur de l’autonomie, sous le contrôle de la Cour

des comptes ........................................................................................................................... 21

2 - UN DISPOSITIF PLUS SOUPLE, PLUS LISIBLE ET PLUS EQUITABLE POUR RENFORCER

LA SOLIDARITE EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPEES ET DES PERSONNES AGEES.

.............................................................................................................................................................. 23

2.1. Le principe d’un effort de solidarité particulier en faveur des personnes dépendantes

doit être conservé mais le dispositif retenu gagnerait à être plus souple, plus lisible et plus

équitable qu’en 2005. .......................................................................................................................... 23

2.1.1 Premier impératif: la souplesse…………………………………..…………….....…..23

2.1.2 Deuxième impératif: la lisibilité…………………………………….………………….24

2.1.3. Troisième impératif: l'équité……………………………………………………………25

2.2. Les propositions pour 2006 ? ............................................................................................... 26

(1) Donner plus de liberté en laissant les entreprises et les administrations organiser le

temps de travail d'une journée de solidarité...........................................................................26

(2) Créer plus de fraternité en consacrant une journée de solidarité de proximité envers les

personnes dépendantes…......................................................................................................28

(3) Favoriser l'égalité dans l'avenir pour permettre l'évolutivité de la mesure en répondant au

besoin d'équité par des mesures pérennes………………………………………………………29

CONCLUSION:RELEVER LE DEFI DE LA DEPENDANCE……………………………………………..31

ANNEXE N°1– LETTRE DE MISSION.................................................................................................................. 33

ANNEXE N°2– COMPOSITION DU COMITE....................................................................................................... 35

ANNEXE N°3– LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES................................................................................ 36

ANNEXE N°4- TEMPS DE TRAVAIL COMPARE…………….………………………………………………………….39

ANNEXE N°5- DUREE MOYENNE DU TRAVAIL EN France………………………………………………….………41

ANNEXE N°6- L'ADHESION A DIFFERENTS MOYENS VISANT L'AMELIORATION DE LA SITUATION DES

PERSONNES HANDICAPEES EN FRANCE………………………………………………………………………….…43

 

Introduction : les objectifs d’une journée de solidarité

Lorsque dans les premiers mois de 2003, à la demande de l’Association des paralysés de France, l’IFOP a réalisé une étude sur la perception de la situation des personnes handicapées en France, les personnes interrogées affirmaient massivement leur souhait d’une plus grande solidarité avec les personnes handicapées. 93% des Français pensaient qu’il fallait allouer davantage de moyens financiers à l’amélioration des personnes handicapées en France, et 75% jugeaient que cette augmentation des moyens pouvait passer par l’équivalent financier d’une journée de travail. Quelques mois plus tard, une canicule exceptionnelle a frappé la France. Le drame vécu par des milliers de personnes âgées lors de l’été 2003 a brutalement mis en lumière la nécessité d’une plus grande attention nationale à l’égard des personnes âgées en situation de dépendance. C’est dans cette double perspective de solidarité, à l’égard des personnes handicapées comme des personnes âgées, que le Parlement a voté la loi du 30 juin 2004.

 

Plutôt que de recourir aux prélèvements obligatoires sans création de richesses, le choix a été fait, par le vote de la représentation nationale, de travailler une journée de plus, pour créer de la valeur ajoutée consacrée à la solidarité à l’égard des personnes âgées et des personnes handicapées.

 

Le débat s’est alors concentré sur les modalités de mise en oeuvre de cette journée de travail supplémentaire souvent confondue avec le lundi de Pentecôte. Dans ce contexte, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a souhaité qu'un comité composé de parlementaires et de personnalités qualifiées dresse un premier bilan, en toute indépendance, de la journée de solidarité. Dès le mardi 17 mai, le comité s’est mis à l’œuvre. Il a auditionné l’ensemble des acteurs directement intéressés par le débat : les organisations syndicales, les dirigeants d’entreprises, les associations de personnes handicapées et de personnes âgées, les responsables des administrations nationales, les fédérations de parents d’élèves, les associations d’élus locaux 2.

1 Source : enquête de l’IFOP pour l’APF, La situation des personnes handicapées en France, mars 2003

2 Cf. annexe n°3

 

Au terme de ces travaux, le comité remet ses conclusions au Premier ministre, Dominique de Villepin. Alors que le premier bilan de la journée de solidarité est contrasté, un dispositif plus souple, plus lisible et plus équitable à long terme paraît nécessaire pour renforcer, dans les années qui viennent, la solidarité avec les personnes handicapées et les personnes âgées dépendantes.

 

- 1 - Le premier bilan de la journée de solidarité

L’application de la loi du 30 juin 2004 est faite de trois paradoxes.

D’abord approuvée par les Français dans son principe, la journée de solidarité a été massivement critiquée dans ses modalités d’application. onçue par le législateur comme distincte du lundi de Pentecôte, la journée de solidarité s’est en pratique, dans l’esprit des Français, confondue avec lui. Très contestée au motif qu’elle ne serait pas un dispositif efficace, la journée de solidarité a pourtant d’ores et déjà participé, de manière significative, au financement de prestations en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées. Conscient de ces paradoxes, le Comité s'est efforcé de recueillir les éléments les plus objectifs pour dresser un premier bilan, en trois temps :

- il faut d’abord constater que la faculté laissée aux partenaires sociaux et aux responsables des administrations de fixer la journée de solidarité à une autre date que le lundi de Pentecôte a été peu utilisée ;

- les grèves de la fonction publique d’Etat et les multiples ajustements particuliers dans  les autres secteurs d’activités ont rendu la mise en oeuvre de la journée de solidarité complexe et difficile à évaluer de manière précise ;

- la journée de solidarité a d’ores et déjà permis de créer des richesses, affectées au financement de prestations en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.

1.1. La faculté laissée aux partenaires sociaux et aux responsables des administrations de fixer la journée de solidarité à une autre date que le lundi de Pentecôte a été peu utilisée.

La faiblesse du nombre des accords prévoyant de fixer la journée de solidarité à une autre date a assimilé la journée de solidarité au lundi de Pentecôte. la loi du 30 juin 2004 laissait aux partenaires sociaux et aux responsables des administrations la responsabilité de choisir la date de la journée de solidarité. Ce n’est qu’à défaut d’un tel accord ou d’une telle décision que la date de la journée de solidarité se trouvait fixée au lundi de Pentecôte, qui n’avait ainsi qu’un caractère supplétif. Mais ce choix par défaut s’est, en réalité, trouvé être le choix majoritairement effectué par les entreprises, les administrations et les salariés au point que la journée de solidarité a largement été identifiée au lundi 16 mai.

1.1.1 Dans le secteur privé : quelques accords de branches et d'entreprises

Aux termes de l’article de l’article L. 212-16 du code du travail, une convention, un accord de branche, une convention ou un accord d’entreprise pouvait déterminer la date de la journée de solidarité, en prévoyant soit le travail d’un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai, soit le travail d’un jour de réduction du temps de travail, soit toute autre modalité permettant le travail d’un jour précédemment non travaillé.

Onze accords de branches 3seulement ont comporté des stipulations relatives à la journée de solidarité. On relève en particulier :

�� les services administratifs de l'exploitation cinématographique (employés techniciens, cadres et agents de maîtrise) : accord du 5 janvier 2005, prévoyant une journée fixée par l'employeur (jour férié précédemment chômé ou jour de réduction du temps de travail) ;

�� l'enseignement privé hors contrat : accord du 17 novembre 2004 (journée fixée par l'employeur) ;

�� la publicité directe : accord du 7 décembre 2004 (à défaut d'accord dans l'entreprise, journée fixée au lundi de Pentecôte) ;

�� le commerce de gros dans le secteur de l'importation de charbon : accord du 8 novembre 2004 (journée fixée par l'employeur : jour férié précédemment chômé ou jour de réduction du temps de travail) ;

3 Source : direction des relations du travail, ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

 

�� les cabinets dentaires : accord du 3 décembre 2004 (journée fixée par l'employeur) ;

�� les industries de la sérigraphie : accord du 15 novembre 2004 (accord d'entreprise ou, à défaut, décision de l'employeur) ;

�� les industries des produits alimentaires : accord du 17 décembre 2004, qui est le seul accord de branche à fixer expressément la date d'accomplissement de la journée de solidarité au lundi de Pentecôte.

La plupart de ces accords, comme on le voit, se sont limités à rappeler la loi ou à renvoyer à l'employeur le soin de déterminer la date de la journée de solidarité. Cette situation explique que ces accords n'ont pu être étendus, faute d'avoir fixé précisément les modalités d'une journée de solidarité.

La négociation n'a donc pas été très effective au niveau des branches. C’est au niveau de l’entreprise que les négociations ont le mieux été pratiquées, puisque 629 accords ont été constatés dans 48 départements 4 On relève que :

�� 257 accords prévoient que la journée de solidarité corresponde au lundi de Pentecôte ;

�� 77 accords proposent au salarié le choix entre deux ou plusieurs modalités d'accomplissement de la journée de solidarité : jour de réduction du temps de travail, jour de congé payé, lundi de Pentecôte, autre jour férié chômé ;

�� 161 accords optent en faveur d'une seule modalité pour l'accomplissement de la journée de solidarité :

o pour 5 accords : une imputation de la journée de solidarité sur le contingent annuel ;

o pour 1 accord : une journée supplémentaire de 7 heures au choix du salarié ;

o pour 54 accords : un jour de réduction du temps de travail ;

o pour 17 accords : le travail d'un jour précédemment chômé (le samedi) ;

o pour 8 accords : un jour de congé conventionnel ;

o pour 12 accords : un jour de congé payé ;

o pour 64 accords, enfin : un autre jour férié et chômé (6 accords pour le 15 août, 6 accords pour le 8 mai, 24 accords pour l'Ascension, 4 accords pour le vendredi saint, 5 accords pour le 11 Novembre, 14 accords pour d'autres jours) ;

�� 6 accords optent en faveur du fractionnement de la journée de solidarité ;

�� 8 accords prévoient expressément de dispenser le salarié de l'accomplissement de la journée de solidarité (dont certaines entreprises bénéficiant d'une grande notoriété, comme TF1, Shell et Neuf Telecom) ;

�� 3 accords prévoient de fixer une journée de solidarité différente par salarié (travail en continu) ;

4 Source : direction des relations du travail, ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du

logement.

 

�� 17 accords prévoient de fixer un jour différent selon la catégorie de salariés (par exemple, chez Etam, pour les cadres et les autres salariés travaillant dans des unités différentes) ;

�� 6 accords prévoient qu'en cas d'absence le lundi de Pentecôte, il y aura report de la journée de solidarité sur un autre jour ;

�� 3 accords prévoient le déroulement de la journée de solidarité dans le cadre d'une période de "basse modulation".

La diversité de ces accords ne doit pas occulter leur nombre limité.

De l’avis même des organisations syndicales auditionnées par le Comité, l'échec de la négociation collective s’explique notamment par l’opposition de plusieurs syndicats de salariés au principe d’une journée de travail supplémentaire non rémunérée. Cette position, tout particulièrement affirmée par la CGT, FO, la CFDT et la CGC, n’a pas permis d’enclencher une dynamique de négociation sur les modalités d’application d’une mesure rejetée dans son principe.

1.1.2. Dans le secteur public : l’effet d’entraînement de l’Education nationale pour retenir le lundi de Pentecôte

Le dispositif législatif, pour le secteur public, est très similaire à celui applicable au secteur privé. Aux termes de l’article 6 de la loi du 30 juin 2004, en effet, la journée de solidarité prend la forme – dans chacune des trois fonctions publiques, d’Etat, territoriale ou hospitalière – d’une journée fixée par décision de l’autorité hiérarchique après avis du comité technique paritaire ou de l’instance équivalente. A défaut de décision intervenue avant le 31 décembre 2004, la journée de solidarité était fixée au lundi de Pentecôte. Comme dans le secteur privé, ce choix par défaut a été très majoritairement effectué, dans chacune des trois fonctions publiques.

1.1.2.1. La fonction publique d’Etat

Dans la fonction publique d’Etat, après avoir consulté les instances intéressées, les différents ministères ont décidé que le lundi de Pentecôte serait travaillé. arallèlement, la durée annuelle du temps de travail dans la fonction publique de l’Etat a été augmentée de 7 heures, pour être portée à 1 607 heures par le décret n°2004-1307 du 26 novembre 2004, pris après avis du conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat, modifiant le décret n°2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’Etat. Le décret du 26 novembre 2004 a eu pour effet de placer les fonctionnaires de l’Etat sur un pied d’égalité avec les salariés du secteur privé, dont la durée légale du travail avait été portée à 1 607 heures par la loi du 30 juin 2004. Le ministère de l’éducation nationale a joué un rôle important dans le choix par défaut du lundi de Pentecôte par les services de l’Etat. Il apparaît, en effet, que les consultations engagées par les recteurs avec les représentants syndicaux des personnels enseignants n’ont pas permis d’envisager d’autre solution que celle que prévoyait la loi par défaut. Dans ce contexte, il est apparu opportun que l’ensemble des services de l’Etat soient assurés sur tout le territoire le lundi 16 mai dans les conditions d’un jour ouvré normal. Le ministère de l’éducation nationale a, toutefois, dérogé à cette règle en faisant usage, dans quatre cas (le Gard, le Territoire de Belfort, Moissac et Vic-Fezensac), des dispositions du décret n°90-236 du 14 mars 1990 fixant les conditions dans lesquelles le calendrier scolaire national peut être adapté pour tenir compte de situations locales – dont l’article 1er dispose que « les recteurs (…) ont compétence pour procéder, par voie d’arrêté, à des adaptations du calendrier scolaire national rendues nécessaires (…) par des circonstances susceptibles de mettre en difficulté, dans un établissement, dans un département ou dans l’académie, le fonctionnement du service public d’enseignement. » L’usage de ces dispositions a notamment facilité le traitement pragmatique des difficultés suscitées par l’organisation, à Nîmes, de la féria de Pentecôte : dans le département du Gard, l’adaptation du calendrier a permis d’ouvrir les établissements d’enseignement le lundi de Pâques, et non le lundi de Pentecôte.

Le choix de l’Education nationale a influencé, au delà des services publics, l’ensemble de l’organisation nationale du travail lors du lundi de Pentecôte. Il est bien évidemment que, pour des raisons pratiques tenant au départ de leurs enfants pour l’école, les parents d’élèves ont été enclins à associer le lundi de Pentecôte de 2005 à une journée travaillée – délaissant le mécanisme législatif qui ne faisait du lundi 16 mai qu’une option subsidiaire.

1.1.2.2. La fonction publique hospitalière

Le cas de la fonction publique hospitalière est particulier puisque, par définition, les services hospitaliers sont assurés chaque jour de l’année, selon des modalités qui leur sont propres. Environ deux tiers des 1 058 directeurs d’hôpitaux publics ont, après consultation des instances intéressées, choisi le lundi de Pentecôte comme journée de solidarité (choisissant d’ailleurs de rémunérer les agents en heures supplémentaires, ou de leur donner droit à un repos compensateur, lorsqu’ils ont travaillé plus de sept heures le lundi de Pentecôte). Le dernier tiers des établissements, ayant décidé de ne pas différencier le lundi 16 mai 2005 des précédents lundis de Pentecôte, ont préféré supprimer une journée de réduction du temps de travail.

1.1.2.3. La fonction publique territoriale

Les 50 000 employeurs de la fonction publique territoriale5, comportant 1 500 000 agents, ont majoritairement retenu la date du lundi 16 mai.

D’une part, ils ont été peu nombreux à faire usage des dispositions de l’article 6 de la loi du 30 juin 2004, qui donnait aux exécutifs locaux 6 la faculté de décider, après avis du comité technique paritaire, de fixer une autre date pour la journée de solidarité. D’autre part, le ministère de l’intérieur a veillé à diffuser très largement aux exécutifs locaux, par voie de circulaire, l’information nécessaire au respect de la légalité. Les préfets ont, dès lors, déféré au juge administratif les décisions d’exécutifs locaux, dont ils ont eu connaissance, contrevenant à la loi. Ainsi, les tribunaux administratifs ont suspendu des décisions de maires refusant de fixer une journée de solidarité ou, ce qui revient au même, accordant aux agents communaux une journée de congé le lundi 16 mai sans pour autant avoir prévu, avant le 31 décembre 2004, les modalités selon lesquelles la journée de solidarité serait effectivement assurée (Tribunal administratif d’Amiens, 28 avril 2005, Préfet de l’Oise c/ commune de Villers-Saint-Paul ; Cour administrative d’appel de Lyon, 16 mai 2005, Préfet de Saône-et-Loire c/ commune de Breuil ; Tribunal administratif de Dijon, 14 mai 2005, Préfet de Saône-et-Loire c/ centre communal d’action sociale  de Saint-Pantaléon). La rapidité du contrôle de légalité a, ainsi, permis de recadrer les choix des collectivités territoriales. Dans leur grande majorité, par choix ou par défaut, les collectivités territoriales ont retenu la date du lundi 16 mai comme journée de solidarité.

1.2. Les grèves de la fonction publique d’Etat et les multiples ajustements particuliers dans les autres secteurs d’activités ont rendu la mise en oeuvre de la journée de solidarité complexe et difficile à mesurer de manière précise

1.2.1. Un taux de grévistes évalué aux environs de 20% le 16 mai 2005 dans la fonction publique d’Etat, témoigne du refus d’une partie des salariés de la journée de solidarité dans son principe ou ses modalités d’application

394 935 fonctionnaires de l’Etat – sur un total de plus de 1 500 000 – ont été en grève le 16 mai 2005, soit environ 23 %. Ce taux de grève de près d’un quart des 5 Collectivités territoriales, intercommunalités, mais aussi OPHLM, OPAC, groupements d’intérêt public, caisses de crédit municipal, autres établissements publics locaux comme les CCAS, etc. 6 Non sans une maladresse de rédaction : les mots « délibération de l’organe exécutif de l’assemblée territoriale » sont imprécis, qui ne désignent clairement ni la décision de l’organe exécutif ni la délibération de l’assemblée territoriale. agents doit être relativisé, sans doute, puisqu’il est nettement inférieur aux chiffres enregistrés lors des dernières grèves nationale (31% le 10 mars 2005 et 37% le 20 janvier 2005). Le ministère des Finances a connu le taux de grévistes le plus important (27,78%), suivi par l’Education nationale (26%) et l’Equipement (10,66%).

Le cas de l’Education nationale doit, à nouveau, être souligné. Une fois la date du 16 mai retenue dans les conditions évoquées précédemment, la journée a été perturbée par des mouvements de grève, à l’appel de la plupart des organisations syndicales 7, et de nombreuses absences d’élèves, à l’appel notamment de la FCPE.

Grèves des enseignants, d’abord : en moyenne nationale, les grévistes ont été 26,72% dans le premier degré, 24,61% dans les collèges, 21,08% dans les lycées professionnels et 20,72% dans les lycées d’enseignement général et technique. Il s’agit d’un taux de grève assez faible lors d’une journée dite de mobilisation nationale.

Grèves des personnels techniques (ATOSS) : en moyenne nationale, les ATOSS ont été 35,93% à faire grève. Ce taux est allé jusqu’à près de 53% dans l’académie de Montpellier, 49% dans celle de Nantes, 48% à Marseille, 47% à Clermont Ferrand. Les grèves massives de ces personnels ont considérablement désorganisé les cantines scolaires et ont joué un rôle important dans la décision de nombreux parents de ne pas envoyer ce jour là leurs enfants à l’école – choix contraint induisant des conséquences pratiques tout aussi contraignantes, telles que la nécessité de prévoir une garde de jeunes enfants ou de s’absenter ce jour-là du travail.

Enfin, l’absentéisme des élèves a été massif, à hauteur probablement de 50%, comme l’a indiqué au Comité le directeur des enseignements scolaires du ministère de l’éducation nationale lors de son audition. Ces absences ont deux raisons. D’une part, l’une des fédérations de parents d’élèves, la FCPE, a appelé les parents à ne pas envoyer leurs enfants suivre les enseignements dispensés ce jour là par l’Education nationale. D’autre part, comme on l’a dit, les craintes de nombreux parents d’élèves confrontés aux perturbations des cantines et, dans une large mesure, des transports scolaires, les ont parfois amenés à préférer n’envoyer aucun de leurs enfants à l’école. Enfin, un certain nombre de parents ne travaillant pas le lundi de Pentecôte ont emmené leurs enfants en vacances avec eux.

Le Comité estime, au total, que l’importance de l’absence des élèves a créé un véritable dysfonctionnement de la journée de solidarité, telle qu’elle y a été appliquée, dans l’Education nationale.

D’une part, l’absence d’adéquation entre la présence des enseignants, celle des élèves et des personnels techniques a diminué l’intérêt pédagogique d’une journée qui aurait dû être partout consacrée à des enseignements directement utiles aux élèves.

7 Ont appelé à la grève dans l’Education nationale : CFDT, CFTC, CGT, FO, FSU, SNAEN, SPIEN, SNEPEFP, UNSA-Fonctionnaires, FNT-FTE

 

D’autre part, l’effet d’entraînement de l’Education nationale sur l’ensemble des secteurs d’activités de la nation a joué un double effet. Premier temps : le choix du 16 mai comme journée travaillée, ainsi qu’on l’a dit, a quasiment été imposé par l’Education nationale aux autres secteurs. Second temps : les dysfonctionnements constatés le 16 mai dans l’Education nationale ont perturbé les autres secteurs, affectant les choix pouvant être faits par les parents d’élèves.

L’échec de l’application de la loi du 30 juin 2004 dans l’Education nationale constitue certainement, selon le Comité, un facteur déterminant pour comprendre pourquoi, aux yeux de l’opinion publique, la mise en oeuvre de la journée de solidarité a été aussi mal ressentie.

1.2.2. De multiples ajustements particuliers dans les divers secteurs d’activités

Encadré n°1

Photographie de la contribution des salariés à la journée de solidarité 8

�� 56% des salariés ont travaillé le lundi de Pentecôte.

�� Mais la proportion de ceux qui doivent être regardés comme ayant contribué à la journée de solidarité est supérieure : elle est de 79%. Environ un quart des salariés ont, en effet, participé à la journée de solidarité selon d'autres modalités que le travail du lundi de Pentecôte : "prise"d'un "jour de RTT" ou de congé le 16 mai (11% des salariés), renonciation à un autre jour habituellement non travaillé, augmentation de la durée de travail, à concurrence de 7 heures, sur d'autres journées…

�� Notons le cas particulier des salariés (9% d'entre eux) qui devaient et ont normalement travaillé le 16 mai. Il s'agit souvent de salariés des transports ou de la santé. Ces personnes devraient en principe contribuer à la journée de solidarité sous l'une des normes précédentes (journée de RTT ou de congés cédée, augmentation de la durée du travail d'autres journées travaillées…).

�� Enfin, 20% des salariés n'ont pas contribué et ne contribueront par à la journée de solidarité. Cela recouvre trois situations distinctes. Pour 9% des salariés, la journée du lundi de Pentecôte a été "offerte" par l'employeur sans contrepartie (notamment dans des PME et pour des ouvriers ou des employés). Pour 8% des salariés, il s'agit de l'hypothèse où le lundi de Pentecôte était travaillé de façon normale et où l'employeur n'a pas demandé que le salarié contribue à la journée de solidarité en travaillant en plus un autre jour. Enfin, pour 3% des salariés, le travail exceptionnel du lundi 16 mai a été compensé par le "cadeau" offert par leur entreprise, leur accordant une journée supplémentaire de congé en contrepartie.

8 Sondage réalisé par l'IFOP à la demande du ministère chargé des affaires sociales (DARES), réalisé entre le 19 et le 24 mai auprès d'un échantillon représentatif de 1009 salariés, y compris des agents des trois fonctions publiques.

 

1.2.2.1. Un ajustement légitime et légal, mais difficile à mesurer, par la prise d’une journée de « réduction du temps de travail » ou d’une journée de congé

Certaines absences des agents publics ou des salariés le lundi 16 mai travaillé au sein de leur administration ou de leur entreprise doivent être regardées comme pleinement compatibles, en réalité, avec la lettre comme avec l’esprit de la loi. Lorsqu’un agent a décidé de « prendre une journée de RTT » ou une journée de congés payés le 16 mai, il a entendu ne pas travailler ce jour-là. Mais ce faisant, il a évidemment réduit d’une unité le nombre de « journées de RTT » ou de congés qu’il peut prendre dans l’année. Il a donc reporté, par un ajustement individuel, la date de la journée de la solidarité dans l’année. Un tel ajustement – que la théorie économique comme le bon sens nous incitent à juger rationnel – ne méconnaît nullement ni la lettre ni l’esprit de la loi du 30 juin 2004. Mais il pose deux difficultés, d’ordre très différent. ne difficulté de perception, d’abord : dès lors qu’on a identifié la journée de solidarité au lundi 16 mai, on est tenté de croire que ne pas travailler ce jour là consistait à refuser la journée de solidarité. Pourtant, la loi du 30 juin 2004, même si elle n’a pas été comprise, permettait cette souplesse. Une difficulté d’évaluation, ensuite, lorsqu’il s’agit de mesurer la valeur ajoutée produite par la journée de solidarité, comme nous le verrons au point 1.3. Socialement, l’agent qui a « pris une journée de RTT » le 16 mai n’a pas contribué à produire de la valeur ajoutée. Mais ce n’est vrai que pour ce jour là. En réalité, il produira bien une journée de valeur ajoutée supplémentaire 9 dans l’année. Il aura donc participé au mouvement de création de richesse nationale.

1.2.2.2. Des choix de management parfois peu compatibles avec l’esprit de la loi

Les choix de management ayant consisté à « offrir la journée » aux salariés ou à les faire travailler en payant un « bonus » de rémunération étaient-ils conformes à la loi ?

�� « Offrir la journée » aux salariés a consisté, pour certaines entreprises, à s’acquitter de leur obligation contributive 10 tout en s’abstenant de faire travailler leurs salariés 7 heures de plus dans l’année. Ce choix a été fait, notamment, par la direction de TF1. Il a également été retenu par des PME ou par certaines communes offrant à leurs agents une « journée du maire ».

9 sous réserve d’une productivité horaire constante, hypothèse raisonnable

10 la question de l’effort contributif sera abordée au point 1.3.1.2.

 

On comprend la justification pratique de telles mesures, choisies pour éviter de détériorer le climat social. Mais elles heurtent très directement l’esprit de la loi du 30 juin 2004, puisqu’elles refusent, en réalité, de voir dans la « journée de solidarité » une journée de travail supplémentaire créant des richesses supplémentaires affectées à la solidarité.

�� Différent dans ses modalités mais également problématique est le choix qui a consisté, dans certaines entreprises, à faire travailler les salariés en leur offrant un « bonus » de rémunération. L’idée, là encore, est de favoriser le climat social dans l’entreprise. Ce qui n’est pas sans effets bénéfiques, lorsque des grèves sont évitées avec les conséquences négatives qu’elles entraînent sur l’ensemble de l’économie nationale. On l’a vu, en particulier, avec la SNCF et la RATP. Il n’en reste pas moins que le choix du « bonus » de rémunération n’apparaît guère compatible avec la loi du 30 juin 2004 – qui dispose expressément, à l’article L.212-16 du code du travail, que la journée de solidarité « prend la forme d’une journée supplémentaire de travail non rémunéré pour les salariés » et, plus loin, que « le travail accompli, dans la limite de sept heures, durant la journée de solidarité ne donne pas lieu à rémunération (…) ». En se heurtant à l’esprit de la loi – et en enfreignant sa lettre dans certains cas –, de tels choix de management ont eu pour effet, en outre, d’affaiblir la légitimité de l’ensemble du dispositif retenu par la loi du 30 juin 2004, en donnant le sentiment que certaines entreprises et certains salariés s’affranchissaient, dans une certaine mesure, de l’effort de solidarité nationale.

1.2.2.3. Un impact incertain sur les activités non directement incluses dans le champ de la mesure

Une dernière série d’ajustements particuliers concerne les secteurs d’activité non inclus dans le champ de la mesure, les indépendants et les professions libérales. La multiplicité des choix individuels ne permet pas, à cet égard, de tirer des conclusions générales. On relèvera néanmoins, pour mémoire, le problème posé par les médecins libéraux et les artisans taxis, dont la tarification a fait l'objet d'un débat,

selon que le lundi de Pentecôte était ou non regardé comme un jour travaillé.

1.3. Les richesses créées lors de la journée de solidarité sont d’ores et déjà affectées au financement de prestations en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.

1.3.1. Les richesses créées par la journée de solidarité

1.3.1.1. L’effet économique : un surcroît de valeur ajoutée

Si les économistes s’accordent à penser qu’une journée travaillée supplémentaire est de nature à augmenter le niveau de production à long terme, l’effet en est plus discuté à court terme. Le Comité s’est attaché à obtenir les données recueillies par l’INSEE et la sous-direction de l’analyse macroéconomique de la direction générale du trésor et de la politique économique au ministère de l’économie, des finances et de l’industrie. Certes, dans une note du 5 octobre 2004 consacrée à la méthode correction des jours ouvrables dans les comptes trimestriels, diffusée sur son site Internet11, l’INSEE avait souligné que l’année 2005 comptait 253 jours ouvrés (contre une moyenne de 252 jours et un record de 255 jours en 2004) et s’était interrogée sur l’impact, sur la croissance, d’un lundi jour ouvré supplémentaire. Cette note se concluait ainsi : « on peut estimer que l’effet jours ouvrables sur la croissance de 2005, très faible, se situe autour de 0,0% avec une marge d’incertitude inférieure à 0,05%. Un lundi jour ouvré supplémentaire fait basculer l’impact sur la croissance de très légèrement négatif à très légèrement positif ». Ainsi, l’effet du lundi de Pentecôte devenant jour ouvré pour l’ensemble de l’économie remonterait un peu l’impact des jours ouvrables sur la croissance de 2005 sans pour utant le faire très significativement évoluer.

L’INSEE estime cependant que l’activité constatée le lundi 16 mai a été un peu supérieure à celle de la moitié d’un lundi ouvré normal. Cette affirmation repose sur deux éléments d’analyse. En premier lieu, l’INSEE estime que « sur la base de la consommation d’électricité, il apparaît que ce 16 mai, la transformation d’un lundi de Pentecôte en un lundi ouvré normal aurait été réalisée pour un peu plus de la moitié ». 12 En effet, le profil de consommation d’électricité, le 16 mai, s’est rapproché davantage de celui  d’un jour ouvré que d’un jour férié au cours de la matinée, avant de présenter, en seconde partie de journée, des similitudes avec celui qui prévaut en moyenne lors d’un jour de Pentecôte férié.

11 Note de l’INSEE, Direction des études et synthèses économiques, Département des comptes nationaux, n°40/G430, 5 octobre 2004, diffusée sur l’Internet à l’adresse :

http://www.insee.fr/fr/indicateur/cnat_trim/Pub_Meth/40g430.pdf

12 Note de l’INSEE, Direction des études et synthèses économiques, Division Synthèse conjoncturelle, n°050/G141, 17 mai 2005

 

De plus, le niveau d’activité supplémentaire observée par rapport à celle d’un lundi férié a été de 55% de l’activité d’un lundi ouvré par rapport à un lundi férié. En second lieu, l’interrogation par l’INSEE d’un panel des 122 plus grandes entreprises industrielles françaises - représentant près de 42% du chiffre d’affaires de l’ensemble des entreprises industrielles de plus de 20 salariés - sur leur niveau d’activité le 16 mai 2005 conduit à trois observations13. Sur les 113 entreprises ayant répondu à l’enquête, trois quarts ont travaillé ce jour-là, à des degrés divers. La capacité de production qui a été en service le 16 mai équivaut à la moitié de la capacité de production utilisée les jours ouvrés au cours de la période récente. Un tiers de ces entreprises ont proposé des modalités particulières de travail à leur salarié – telles que la prise d’un jour de récupération, la fermeture d’un site de production, l’octroi d’un jour de congé supplémentaire, la majoration des salaires pour les agents présents. Si l’on intègre à ces observations recueillies par l’INSEE que la valeur ajoutée produite le 16 mai est à peu près égale à la moitié de celle produite en une journée ouvrée, on peut se livrer à un calcul approximatif. Avec un PIB annuel d’environ 1600 milliards d’euros et un nombre de jours ouvrés égal à 253, on peut évaluer à un peu plus de 3 milliards d’euros la création de valeur ajoutée induite par une journée de production égale à la moitié de la production normale d’un jour ouvré14.Mais ce calcul est très approximatif, pour au moins quatre raisons. D’abord, il n’inclut pas, par construction, la valeur ajoutée produite par les agents qui n’ont pas travaillé le 16 mai mais qui travailleront néanmoins 7 heures de plus dans l’année, à une autre date. Ensuite, il fait l’approximation consistant à penser que l’activité constatée le 16 mai a généré de la valeur ajoutée (= production - coûts) dans un rapport de 1 à 1, ce qui n’est pas du tout certain. On peut penser, en particulier, que les dysfonctionnements constatés dans certains secteurs (comme l’Education nationale ou les transports urbains en province) ont eu pour effet de diminuer la productivité constatée dans d’autres secteurs (par exemple : une entreprise dont les salariés arrivent très en retard au bureau et dont 25% ont pris un jour de congé pour pouvoir garder leurs enfants à la maison est moins bien organisée le 16 mai qu’un autre jour ouvré ; son volume d’activité sera moindre, sa productivité horaire sera certainement plus faible, etc.). On peut en effet estimer que les entreprises qui travaillent ont mis en oeuvre 70% à 100% de leurs moyens et ressources pour une activité qui s’est situé entre 50 et 75% de l’activité d’un jour normal selon le groupement des professions de services membre du MEDEF.

13 Note de l’INSEE, Département de la conjoncture, Division des enquêtes de conjoncture, n°111/G120,

19 mai 2005

14 En effet : 0,5*(1600/253) = 3,1

 

De même – troisième approximation –, il est utile de rappeler ce truisme : la valeur ajoutée n’existe que si la production est vendue, si elle génère des recettes. Or il n’est pas certain que, dans tous les secteurs, l’activité du 16 mai – c'est-à-dire l’offre supplémentaire – ait rencontré sa demande, dans un contexte où le pouvoir d’achat est très contraint. Encore le débat des économistes sur ce point est-il très animé, qui se partage entre les tenants de l’économie de l’offre (pour qui l’offre crée sa propre demande, au moins à moyen et long terme) et ceux qui conteste cette interprétation. Enfin – dernière approximation – il faut souligner que la « journée de solidarité » a nécessairement été contre-productive dans les secteurs qui créent le plus de valeur ajoutée lorsque la plupart des Français ne travaillent pas. C’est le cas, bien sûr, dans le secteur du tourisme qui, par définition, fonctionne mieux lorsque la plupart des Français ont le temps de se consacrer à ce type de loisirs, c'est-à-dire lorsqu’ils ne travaillent pas. Certains effets microéconomiques sont très clairement identifiés : le raccourcissement du  week-end de la Pentecôte a, bien sûr, réduit la fréquentation de certains évènements touristiques (comme la feria de Nîmes) et celle des équipements hôteliers de court séjour (on estime ainsi à –40%, par rapport à la Pentecôte 2004, la fréquentation de ces équipements en zone rurale). Mais dans d’autres secteurs touristiques, moins dépendants de la clientèle nationale et plus attractifs pour la clientèle internationale, l’effet « journée de solidarité » a été plus faible : il en a ainsi été sur la Côte d’Azur, dont les capacités hôtelières sont restées, en tout état de cause, très sollicitées par le festival de Cannes et le grand prix de Formule 1 à Monaco. Au total, il est très difficile d’évaluer l’effet macro-économique de la sous-activité touristique constatée le 16 mai 2005 par rapport aux lundis de Pentecôte habituels. Pour tenir compte de ces approximations, il ne paraît pas déraisonnable au Comité de penser qu’il existe des « pertes en ligne » de valeur ajoutée : plutôt que les 3 milliards calculés ci-dessus, le chiffre de 2 milliards d’euros, souvent avancé, paraît le mieux rendre compte, à ce stade, du surcroît de valeur ajoutée produit par la journée de solidarité en 2005. Par ailleurs, pour certains, les administrations publiques, dans la mesure où leur activité n’apparaît pas comme créatrice de valeur, n’aurait pas du être concernées par la journée de solidarité. Nous ne pouvons pas souscrire à l’absence de création de valeur par les administrations publiques. Cette création ne s’opère certes pas sous la forme d’un chiffre d’affaires marchand, mais par sa contribution au fonctionnement général de notre société et à son efficacité. L’effort supplémentaire de « production » des administrations publiques ne semble donc pas pouvoir être dissocié de l’effort des entreprises marchandes.

1.3.1.2. L’effet financier : 2 milliards d’euros de recettes collectées

L’effet financier de la journée de solidarité – c'est-à-dire sa contribution au financement des mesures en faveur de l’autonomie des personnes âgées et des personnes andicapées – est d’environ 2 milliards d’euros. C’est environ le produit estimé, en année pleine, de la contribution due par les employeurs privés et publics à hauteur de 0,3 % de l’assiette des cotisations patronales d’assurance-maladie. 15 Il correspond donc, à l’échelle macroéconomique, au surcroît de valeur ajoutée produite grâce à la journée de solidarité par l’économie nationale. Sans doute, au niveau micro-économique, cet ajustement n’est-il pas parfait. Il est certain que des employeurs ont dû s’acquitter d’une contribution supérieure, pour eux, au surcroît de valeur ajoutée que leur entreprise a pu créer : c’est probablement le cas dans certaines entreprises du secteur des services. Mais il est également certain, à l’inverse, que d’autres employeurs se sont acquittés d’une contribution dont le montant était, au total, inférieur à la valeur ajoutée produite ce jour là : c’est le cas dans l’hypothèse où les 7 heures travaillées ont eu une productivité marginale telle qu’elles ont généré un surcroît de recettes, rapportées aux coûts, nettement supérieur à la moyenne d’un jour ouvré, ce qui peut être le cas dans le domaine de la distribution. Il n’en reste pas moins que, pour l’ensemble de l’économie nationale, on peut estimer que les 2 milliards de contribution correspondent bien à 2 milliards de valeur ajoutée créée. La création d’un prélèvement supplémentaire non compensé par un effort de travail correspondant aurait eu en revanche pour effet d’alourdir les coûts de production, d’abaisser notre compétitivité, de nous faire perdre des parts de marché et onc de restreindre notre production nationale. La contribution de 2 milliards n’est donc pas un « impôt » au sens où il s’agirait d’un prélèvement net sur la richesse nationale. Il s’agit d’un prélèvement obligatoire, certes, mais sur une assiette qui s’est agrandie grâce à la journée de solidarité car le travail supplémentaire a produit de la richesse, collectée à hauteur de 2 milliards d’euros. Ainsi collectée, cette richesse supplémentaire est affectée, précisément, et de manière juridiquement contraignante, à l’effort de solidarité en faveur de l’autonomie. Le Comité s’est attaché à vérifier la transparence et la traçabilité des moyens obtenus.

15 Cf. les dispositions du 1° de l’article 11 de la loi du 30 juin 2004

 

1.3.2. Un effort de solidarité nationale précisément alloué à des actions en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.

Deux idées doivent être retenues à cet égard :

- les 2 milliards d’euros collectés grâce à la journée de solidarité viennent compléter un effort national dont le montant annuel global est de plus de 15 milliards d’euros ;

- ces 15 milliards d’euros sont affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), qui pilote et finance les actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

1.3.2.1. Un effort global de plus de 15 milliards d’euros en 2005

En 2005, 15,26 milliards d’euros sont consacrés à l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées :

la contribution collectée grâce à la journée de solidarité : 2 milliards d’euros, dont 1,7 milliard au titre du prélèvement de 0,3% de l’assiette des cotisations patronales d’assurance-maladie et environ 300 millions au titre de la ontribution additionnelle de 0,3% sur les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les revenus de placement mentionnés aux articles L.245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale, définie au 2° de l’article 11 de la loi du 30 juin 2004 ;

les crédits d’assurance maladie destinés aux personnes âgées : 5,7 milliards d’euros ;

les crédits d’assurance maladie destinés aux personnes handicapées : 6,6 milliards d’euros 16;

0,1% de la contribution sociale généralisée (CSG) : 0,9 milliard d’euros ;

une contribution des caisses de retraite : 60 millions d’euros.

Ainsi, la contribution collectée grâce à la journée de solidarité représente 13%  de l’effort national consacré annuellement au financement des actions en faveur de l’autonomie. Ainsi affirmer que les 2 milliards d’euros sont insuffisants pour financer cet effort national est à la fois juste et erroné. Juste, parce que l’effort national est de 15 milliards d’euros. Erroné, parce que ces 2 milliards ne sont pas isolés et viennent participer, à hauteur de 13%, à un effort financé par ailleurs par des recettes assises sur l’ensemble de l’économie nationale.

16 Ces 12,3 milliards d’euros de crédits d’assurance-maladie constituent l’ONDAM médico-social.

 

1.3.2.2. Une affectation directement effectuée en faveur de l’autonomie, sous le

contrôle de la Cour des comptes

Le Comité a entendu les craintes, exprimées par de nombreuses personnes auditionnées, redoutant "l'effet vignette". Rappelons que la vignette sur les automobiles avait été créée à l'initiative de M. Ramadier en 1956, avec l'intention d'en affecter le produit aux personnes âgées, mais qu'elle avait été pérennisée comme une imposition parmi d'autres recettes de l'Etat, sans que l'affectation aux personnes âgées ne soit respectée. Toutefois, il faut rappeler que depuis les lois de décentralisation de 1982, le montant de la vignette et sa perception avaient été confiés aux conseils généraux et que l’engagement financier de ces collectivités pour les personnes âgées et les personnes handicapées n’a cessé d’augmenter depuis. Les 2 milliards d'euros collectés grâce à la journée de solidarité, s'ajoutant aux 13,26 milliards collectés par ailleurs, sont affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), un nouvel établissement public administratif placé sous le contrôle du Parlement et de la Cour des comptes. Créée dans son principe par la loi du 30 juin 2004 et renforcée par la loi du 11 février 2005 sur le handicap, la CNSA rassemble en son sein l’essentiel des moyens e l’Etat et de l’assurance maladie consacrés à l’autonomie des personnes âgées ou handicapées. La CNSA assure le pilotage et le financement des actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées :

- elle délègue aux départements une partie de ces ressources, venant financer dès 2005 :

o l’allocation personnalisée d’autonomie (l’APA) pour les personnes âgées : 1,4 milliard d’euros ;

o la nouvelle prestation de compensation versée aux personnes handicapées : ,5 milliard d’euros ;

o la création et le fonctionnement de maisons départementales des personnes handicapées : 50 millions d’euros ;

- elle pilote la gestion des crédits des établissements et services médico-sociaux accueillant ou accompagnant :

o des personnes âgées : pour 6,5 milliards d’euros,

o des personnes handicapées : pour 6,8 milliards d’euros.

La Cour des comptes a annoncé qu’elle procèderait, dès la fin de l’année 2005, à un contrôle de la CNSA afin de vérifier, en toute transparence, les conditions d’utilisation de ces crédits. Le Parlement devra également s'en assurer et en rendre compte, en toute transparence, aux Français.

 

Encadré n°2

Le financement des actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées en 2005

Les recettes

Contribution sociale autonomie (Journée de solidarité) = 2 mds

CSG = 0,9 md

Caisses de retraite = 60 millions

Crédits d’assurance maladie personnes âgées = 5,7 mds

Crédits d’assurance maladie personnes handicapées = 6,6 mds

Total = 15,3 milliards d’euros

 

Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie

Les dépenses

Total = 15,3 milliards d’euros

Aides individuelles

Personnes âgées = APA = 1,4 md

Personnes handicapées = Prestation de

compensation et Maisons départementales

= 0,6 md

Etablissements et services

Personnes âgées = 6,5 mds

Personnes handicapées = 6,8 mds

 

2 - Un dispositif plus souple, plus lisible et plus équitable, pour renforcer la solidarité en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées.

Comment financer l’augmentation de l’effort de solidarité nécessaire en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées ? La journée de solidarité, telle qu'elle a été pratiquée en 2005, a apporté une réponse réelle bien qu’imparfaite à cette question difficile. Le Comité souhaite faire état de quelques pistes de réflexions permettant, sans renoncer à l'objectif de financer une partie de la solidarité par le travail, d'envisager un dispositif plus souple, plus lisible et à l’avenir perçu de manière plus équitable.

2.1. Le principe d’un effort de solidarité pour une journée de travail en faveur des personnes dépendantes doit être conservé mais le dispositif retenu gagnerait à être en pratique plus souple qu’en 2005.

2.1.1. Premier impératif : la souplesse.

Pour être perçu comme une mesure de solidarité, le dispositif doit être souple et cohérent.

Le dispositif doit être souple. Il n'est pas logique de penser que tous les Français doivent travailler le même jour, en raison de la diversité des secteurs d'activité et du territoire français. Le dispositif de la journée de solidarité sera d'autant plus efficace pour créer des richesses qu'il permettra une adaptation de la production aux besoins de l'économie. Et il sera d'autant mieux accepté que les entrepreneurs et les salariés auront le sentiment de travailler au moment où c'est le plus utile.

Souple, le dispositif doit aussi être cohérent. Ce qui impose, en particulier, que le choix offert aux Français soit un vrai choix. L'application de la journée de solidarité, en 2005, a souffert de ce qu'un choix en apparence très ouvert, permettant de définir les modalités de la journée de solidarité par accord, se soit réduit, dans les faits, pour beaucoup de salariés, à une quasi-obligation de travail le jour du 16 mai. On en a identifié les raisons : le faible nombre d'accords avant la date butoir, malgré l’invitation du gouvernement à s’organiser pour mettre en oeuvre cette réforme d’une part et l'effet d'entraînement des services publics et en particulier de l'Education nationale d’autre part. La loi avait pourtant mis en exergue la souplesse de la mesure résultant du dialogue social. Le Lundi de Pentecôte n’était retenu qu’en l’absence d’accord. Il convient de revenir à la loi telle qu’elle a été votée, afin que l’exception ne devienne pas la règle et que ce temps de travail donné puisse être choisi par l’entreprise pour une meilleure rentabilité, choisi par le service public pour mieux répondre aux attentes des usagers, choisi par les salariés pour ne pas les pénaliser dans leur vie familiale ou dans leurs loisirs.

2.1.2 .Deuxième impératif : la lisibilité.

La journée de solidarité avec les personnes âgées et les handicapés répondait plus ou moins explicitement à trois objectifs :

- un objectif de financement, afin de dégager des moyens supplémentaires, et de les affecter aux personnes âgées et handicapées ;

- un objectif d’augmentation de la quantité de travail, en vue de la création de richesses supplémentaires ;

- un objectif d’affirmation d’une solidarité plus forte dans notre pays. Le fait d’avoir mêlé ces objectifs a pu rendre le projet moins lisible. Le premier objectif a été clairement atteint. Un nouveau prélèvement obligatoire a été instauré et les recettes correspondantes ont bien été affectées à l’assistance aux personnes âgées et aux handicapées. En revanche, les deux autres objectifs n’ont été pour l’instant que partiellement atteints à cause d’un déficit pédagogique et d’une concertation insuffisante en grande partie dus à la nouveauté du dispositif. C’est ainsi que la mesure a souvent été sévèrement ressentie comme autoritaire, injuste et quelque fois même comme inefficace. Par ailleurs, le fait que le Lundi de Pentecôte n’ait pas été une journée travaillée dans l’ensemble du pays a fait perdre la lisibilité de la « journée de solidarité ». La souplesse réclamée à juste titre par de nombreuses personnes auditionnées risque d’effacer complètement le symbole d’une journée consacrée à la dépendance des personnes âgées et handicapées, même si l’effort contributif est plus efficace et mieux réparti. Le déficit pédagogique concernant cette mesure doit être donc comblé. L’intérêt de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie, les besoins nouveaux de dépendance dans notre société, les moyens concrets dégagés en terme d’emplois et d’équipements, grâce à la journée de solidarité, doivent être mieux expliqués. Chaque Français garde en mémoire la « vignette auto » dont les moyens financiers étaient estimés aux personnes âgées, et doute encore de l’affectation des moyens de la journée de solidarité aux objectifs de la dépendance. Il convient donc de se doter des moyens nécessaires pour assurer à cette mesure lisibilité et crédibilité.

2.1.3 . Troisième impératif : l’équité

De nombreuses personnes auditionnées par le Comité ont souligné que, tel qu'il avait été appliqué en 2005, le dispositif de la journée de solidarité n'était pas équitable. Le Comité doit en rendre compte.

�� En premier lieu, les syndicats de salariés ont été unanimes à regretter que "seuls les salariés ont contribué à la journée de solidarité".

Certes, cette perception ne correspond pas à la réalité puisque, comme on l'a dit au point 1.3.2.1., les recettes de la CNSA ne se composent pas exclusivement de la cotisation collectée à la faveur de la journée de travail supplémentaire, mais aussi d'une partie de recettes de CSG, d'un prélèvement sur les revenus du patrimoine et de placement ainsi que de cotisations sociales dont l'assiette inclut les revenus des indépendants et des professions libérales. Ces éléments objectifs n'ont aucunement été perçus par les salariés, qui ont eu le sentiment d'être les seuls à assumer la charge de la journée de solidarité et plus largement de la solidarité envers la dépendance qui frappe nos concitoyens. Cette perception a considérablement affaibli la légitimité du dispositif appliqué en 2005.

�� Parmi les salariés, des différences de traitement ont également été ressenties comme une injustice. Les salariés travaillant 39 heures devaient-ils, ou non, participer à la journée de solidarité ? A cette question simple, des réponses apparemment contradictoires ont été avancées. Les entreprises restées à 39 heures ne relèvent pas d'un régime d'annualisation du temps de travail, de sorte que l'introduction d'une durée annuelle du travail à 1 607 heures, par la loi du 30 juin 2004, ne les concernait pas. La référence de 1 607 heures ne donnait donc pas de base légale, à elle seule, à la journée de solidarité de 7 heures pour les entreprises restées à 39 heures. La loi du 30 juin 2004 institue pourtant "une journée supplémentaire de travail non rémunéré pour les salariés", sans distinguer s'ils travaillaient 35 ou 39 heures. 17 La journée de solidarité s’impose donc à tous.

17 Le cas du temps partiel est néanmoins explicitement prévu au 7ème alinéa de l'article L. 212-16 du code du travail, qui dispose que "pour les salariés à temps partiel, la limite de sept heures prévue au sixième alinéa est réduite proportionnellement à la durée contractuelle."

 

�� L’inégalité des entreprises face à la loi est évidente.

Selon l’importance de l’entreprise, selon le type d’activités orientées vers la production ou le service, selon qu’elle touche ou non à une activité touristique, la journée de solidarité a été vécue de manière très différente. Pour les entreprises de service, la richesse créée par la journée de solidarité n’est pas à la mesure du poids du prélèvement opéré sur la masse salariale, à plus forte raison s’il s’agit du secteur de l’hôtellerie qui travaille 365 jours par an, emploie des salariés à 39 heures par semaine, et voit son activité baisser par rapport aux années précédentes.

�� Enfin, il est apparu à de nombreuses personnes auditionnées comme injuste le fait que l’effort contributif d’une journée de travail supplémentaire ne soit pas réclamé aux travailleurs indépendants.

Ces derniers peuvent arguer cependant de l’importance des heures travaillées, d’une part18, et l’incapacité de dégager dans le cadre de leurs activités des heures supplémentaires capables de générer une richesse accrue. Il est cependant apparu à la commission qu’à l’avenir une contribution des travailleurs indépendants pourrait être envisagée de manière directe ou indirecte. Pour que l'effort de solidarité à l'égard des personnes dépendantes soit mieux accepté par les salariés, il convient sans doute à l’avenir de mieux répartir cet effort.

2.2. Les propositions pour 2006 ?

Le Comité préconise de revenir à l'esprit de la loi du 30 juin 2004, dénaturée par des modalités d’application insatisfaisantes qu'il est possible de corriger sans renoncer au principe selon lequel la solidarité avec les personnes dépendantes doit être renforcée grâce au travail et à la production de richesses qu'il induit.

Trois axes d'action paraissent devoir être privilégiés.

(1) Donner plus de liberté en laissant les entreprises et les administrations organiser le travail d'une journée de solidarité.

La loi du 30 juin 2004 a porté de 1 600 à 1 607 heures la durée du travail dans les entreprises qui pratiquent l'annualisation du temps de travail.

18 Voir annexe

 

Cette norme de 1 607 heures doit être maintenue. C'est aux partenaires sociaux qu'il revient, par accord, d'en fixer les modalités d'organisation pratique dans les entreprises comme dans les administrations.

Il appartient aux services publics – et notamment aux services de l'Etat – de montrer l'exemple, en recherchant les accords permettant d'utiliser au mieux les 7 heures ainsi travaillées.

L’éducation nationale, par l’effet d’entraînement qu’elle induit sur les autres secteurs mérite par ailleurs une attention particulière. L'Education nationale, comme l'ensemble des secteurs d'activités de la nation, ne saurait être dispensée d'une participation à l'effort de solidarité. Comme tous les fonctionnaires, les enseignants doivent donc y participer. Mais il paraît souhaitable que ne se renouvelle pas, en 2006, la situation observée le 16 mai 2005 dans les écoles, les collèges et les lycées qui n’a pas été satisfaisante et où les coûts induits pour les collectivités n’ont pas été négligeables (cantines, transports,…). Parmi les diverses solutions envisagées, le Comité a examiné avec attention l'idée d'une réduction d'une journée des vacances de la Toussaint mais ne l'a pas retenue dès lors que le premier trimestre est d'ores et déjà très chargé pour les élèves et ne répond pas à l’objectif de sept semaines de travail pour deux semaines de acances, qui constitue selon les experts un bon équilibre pour les enfants. La solution la plus pertinente consisterait sans doute à demander aux enseignants de participer à une journée ou à deux demi-journées de travail, sans la présence des élèves. Ce temps pourrait par exemple être consacré à l’étude du projet d’école et d’établissement ainsi qu’aux "contrats d'objectifs" liant l'établissement et l'autorité académique, aux termes de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’École du 23 avril 2005. Il s'agirait – sans modifier les rythmes des élèves – de consacrer sept heures de concertation à l'élaboration et au suivi de ce document important, par exemple au moment de la pré-rentrée ou à toute autre période, puisqu’il s’agit de l’élaboration du projet comme de son suivi. La décision des dates retenues pourrait donc être prise au niveau de chaque établissement. Enfin, ce temps pourrait également être consacré aux élèves en difficulté et être alors utilisé en tranches horaires.

La référence subsidiaire dans la Loi au travail du lundi de Pentecôte doit-elle être maintenue ? Elle présente l'inconvénient d’être un frein éventuel à la souplesse d’application de la mesure recherchée mais la suppression de cette référence serait elle une incitation à trouver un accord ? C’est peu probable car à défaut d'accord, il conviendrait de substituer au lundi de Pentecôte une autre référence qui s’appliquerait à tous et de l’inscrire dans la loi en la modifiant. En fait, il semble qu’en 2006, si l’ensemble des services publics donnait l’exemple de la souplesse et de la concertation, il est probable que le Lundi de Pentecôte ne serait utilisé dans le secteur privé que de manière exceptionnelle. C’est la raison pour laquelle le Comité ne propose pas de modifier la loi concernant cette référence pour l’instant.

De plus, le comité suggère, comme le réclame un certain nombre d’entreprises, en particulier dans le secteur des services, que la journée travaillée

puisse être scindée en heures. Il conviendra toutefois de veiller à ce que ces tranches horaires correspondent bien à un travail effectif.

(2) Créer plus de fraternité en consacrant une journée à la solidarité de proximité envers les personnes dépendantes

Le Comité propose de consacrer chaque année une journée à valoriser et favoriser les actions de solidarité de proximité à l'égard des personnes âgées et des personnes handicapées. Dans tout le pays, la journée de solidarité serait marquée par une multitude d'initiatives à la fois symboliques et concrètes : visites d'enfants dans les maisons de retraite, manifestations à partir des maisons départementales de personnes handicapées, actions de solidarité à l’occasion de rencontres associatives, caritatives, culturelles, sportives ou autres, et valorisation du bénévolat qui s’exprime déjà fortement dans ce domaine. Cette journée de solidarité ou de fraternité pour la dépendance ne serait pas destinée à collecter des fonds, si ce n’est pour financer des actions locales. Cette journée pourrait rendre plus lisible les actions concrètes financées par la CNSA. Elle permettrait de renforcer une solidarité de proximité qui existe déjà sur l’ensemble de notre territoire et qui mériterait d’être mise en valeur et coordonnée. Elle favoriserait la nécessaire prise de conscience à l'égard de l'enjeu humain et financier que constitue, pour l'ensemble de la communauté nationale, le défi de la dépendance.

 (3) Favoriser plus d’égalité dans l’avenir pour permettre l’évolutivité de la mesure en  répondant au besoin d’équité par des mesures pérennes

Pour les prochaines années, les besoins nouveaux concernant les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées sont satisfaits par la journée de solidarité, mais qu’en sera-t-il à plus long terme? Il n’est pas difficile d’imaginer que ces besoins vont croître dans les prochaines années, même s’il est hasardeux de projeter les besoins au-delà de 10 ans. Les progrès médicaux pourront, en augmentant la longévité, faciliter l’accroissement de la dépendance, comme ils peuvent en atténuer les effets. Il est logique d’entamer une réflexion sur les besoins probables et sur les moyens de les financer. Bien qu’il ait conscience d’élargir la mission que lui a confiée le Premier Ministre, le comité a souhaité ouvrir la réflexion au domaine des besoins financiers futurs et de la recherche de plus d’égalité dans l’effort nécessaire. Même s’il apparaît que les Français doivent travailler plus et plus longtemps il ne semble pas souhaitable à l’avenir de lier directement les besoins accrus en matière de solidarité envers les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées à une nouvelle augmentation du temps travaillé. Ces deux problématiques, celle du temps de travail d’une part et de la solidarité envers la dépendance d’autre part, ne peuvent être totalement confondues. Parmi les solutions financières envisagées, le comité a souhaité évoquer quelques pistes. Une des solutions possible consisterait à augmenter la part des prélèvements sur les revenus du patrimoine et les revenus de placement mentionnés aux articles L. 245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale, actuellement définie au 2° de l’article 11 de la loi du 30 juin 2004 comme un prélèvement de 0,3%, rapportant environ 300 millions d'euros. Cette solution présenterait l’avantage de rechercher un nouvel équilibre entre revenu de travail et revenu boursier et de l’épargne dans le dispositif législatif actuel. On voit cependant qu’il faudrait considérablement augmenter le taux pour aboutir à un équilibre, avec les revenus liés au travail. Les conséquences sur le plan économique et social mériteraient d’être d’évaluées avec précisions. Si la contribution des professions libérales, des artisans et des indépendants à la journée de solidarité semble possible, elle peut difficilement s’envisager au travers d’une augmentation du temps de travail. Elle ne consisterait alors en fait, sur une base à déterminer, qu’à un prélèvement supplémentaire sans création de richesse correspondante. Le recours à une augmentation de la CSG pourrait constituer le complément financier nécessaire à cette augmentation des besoins. Il présente l’avantage de répartir l’éventuel nouvel effort de manière simple et plus large mais comporte le risque de diminuer le pouvoir d’achat des personnes soumises à contribution. Le même reproche peut être fait à l’éventuel recours à une TVA sociale qui pourrait avoir un effet sur les prix. Le comité propose de poursuivre la réflexion sur la dépendance et son mode de financement pour l’avenir. A une évaluation objective des besoins futurs doit s’associer la recherche d’un effort mieux réparti sur l’ensemble des citoyens.

 

 

Conclusion : relever le défi de la dépendance

Les progrès de la médecine, l’évolution de notre société dans le domaine des liens familiaux et sociaux entre individus, l’exigence de solidarité envers les plus fragiles de nos concitoyens, font que les personnes handicapées et les personnes âgées dépendantes ont plus que jamais besoin de la solidarité nationale. Trop longtemps sous-estimés, ces besoins sont importants et iront en s’accroissant. A l’heure actuelle, la journée de solidarité a atteint l’objectif de financer l’effort supplémentaire nécessaire de solidarité. Ses modalités d’application sont cependant perfectibles. A l’issue des auditions effectuées, le comité de suivi et d’évaluation de la journée de solidarité fait les propositions suivantes :

- Le principe de la journée de solidarité doit être maintenu : elle a permis le financement nécessaire de 2 milliards supplémentaires venant alimenter la Caisse Nationale de Solidarité pour l’autonomie récemment mise en place. Ce financement a été possible essentiellement par le prélèvement de la valeur ajoutée d’une journée de travail dont l’expertise a montré l’efficacité. La journée de solidarité permet en outre au travers de ce dispositif de créer 30 000 emplois au service des personnes dépendantes.

 L’esprit de la loi, qui privilégie le dialogue social entre les services publics et l’entreprise d’une part, et les salariés d’autre part, permettant à la mesure de s’appliquer avec souplesse pour plus d’efficacité et plus d’acceptabilité, doit être retrouvé. Comme le soulignait Monsieur le Premier Ministre dans sa lettre de mission : « le choix doit tenir compte de la diversité de la France, des professions et des Régions ». L’effet d’entraînement des services publics dans le choix prioritaire du Lundi de Pentecôte en 2005 a amené le comité à suggérer que ces derniers donnent l’exemple. Le Comité propose dans l’Education Nationale une journée de travail, soit en présence d’élèves pour des activités de soutien à ceux qui en ont le plus besoin, soit hors de la présence des élèves sur une thématique commune, qui pourrait être le suivi ou l’évaluation du projet ou du contrat d’établissement comme l’exige la loi Fillon du 23 avril 2005 sur l’orientation et le programme pour l’avenir de l’école.

- Pour que la journée de solidarité ne se résume pas dans l’esprit de nos concitoyens à une comptabilité financière générée par le travail des salariés, le comité demande que soit valorisées, favorisées et coordonnées l’ensemble des nombreuses actions de solidarité de proximité qui se déroulent en France au cours d’une journée consacrée à ce sujet. Une action pédagogique envers l’ensemble de la population pourrait être mise en place à cette occasion.

- La solidarité avec les personnes handicapées et les personnes âgées dépendantes s’effectue à travers des différentes contributions à la CNSA: revenus de la CSG, des caisses de retraites, des moyens antérieurs de l’Assurance-maladie consacrés au domaine médico-social et de la journée de solidarité qui inclut les revenus boursiers et l’épargne. Bien qu’il existe donc différentes sources de financement à la dépendance, les modalités d’application de la journée de solidarité sont apparues injustes à de nombreux concitoyens. Une meilleure répartition de l’effort de solidarité devra être trouvée à l’occasion de la recherche de moyens financiers nouveaux qui ne manqueront pas d’être nécessaires dans l’avenir.

- Le comité suggère la poursuite de la réflexion dans ce domaine.

- Pour qu’une mesure soit acceptée par la population, il faut qu’elle soit ressentie comme nécessaire, efficace et juste. Nos concitoyens doivent donc prendre conscience de l’importance de l’enjeu de la dépendance, ils doivent trouver dans l’action de la CNSA la transparence et la lisibilité nécessaires qui font encore aujourd’hui défaut. Ils doivent ressentir l’effort national comme équitablement réparti. C’est à ce prix que nos concitoyens seront à nouveau favorables à une journée de solidarité comme ils l’étaient majoritairement en 2003.

 

Annexe n°1 – Lettre de mission

Annexe n°2 – Composition du Comité

Président : M. Jean LEONETTI, député des Alpes Maritimes, maire d’Antibes

Membres

Parlementaires

M. René BOUIN, député du Maine-et-Loire

M. Jean-Louis CHRIST, député du Haut-Rhin

M. Gérard DÉRIOT, sénateur de l’Allier, président du Conseil général de l’Allier

M. Alain GOURNAC, sénateur des Yvelines

M. Yvan LACHAUD, député du Gard

M. Jacques PELISSARD, député du Jura, président de l’Association des Maires de France

Personnalités qualifiées

M. Marc CABANE, préfet

M. Jean-Baptiste CARPENTIER, recteur de l’académie de Caen

M. Michel DIDIER, directeur de Rexecode

M. Georges DROUIN, président du Groupement des professions de service

M. Christian NIQUE, recteur de l’académie de Montpellier

M. Robert ROCHEFORT, directeur du Credoc

Annexe n°3 – Liste des personnes auditionnées

Groupe 1 - Directeurs d’administration centrale

Directions « opérationnelles »

o Denis Piveteau, directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

o Patrick Gohet, délégué interministériel aux personnes handicapées

o Danielle Toupillier, chef de service à la DHOS, représente  Jean Castex, directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, ministère des solidarités, de la santé et de la famille

o Jean-Denis Combrexelle, directeur des relations du travail, ministère de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale

Directions d’études

o Annie Fouquet, directeur de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques, ministère de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale

Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

o Eric Dubois, sous-directeur de la PREV au service des politiques macro-économiques et des affaires européennes à la direction générale du Trésor et de la politique économique et Jean-Luc Scheider représentant Xavier Musca, directeur général du trésor et de la politique économique

o Jean-Michel Charpin, directeur général de l’INSEE

Ministère de l’éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

o Patrick Gérard, directeur de l’enseignement scolaire (DESCO)

Ministère délégué au tourisme

o Bruno Fareniaux, directeur du tourisme

Ministère de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales

o Dominique Schmitt, directeur général des collectivités locales

o Daniel Canepa, Secrétaire Général du Ministère de l’Intérieur

Ministère de la fonction publique et de la réforme de l’Etat

o Jacky Richard, directeur général de l’administration et de la fonction publique

Groupe 2 - Monde syndical

Syndicats « généralistes »

CGT : Maryse Dumas

CFDT : Rémy Jouan, secrétaire national, responsable de l’action revendicative et Didier Prono, secrétaire confédéral, chargé du temps de travail

FO : Didier Haut et Madame Biaggi

CFTC : Jacques Voisin et Joseph Touvenelle, secrétaire général adjoint

CFE-CGC : Alain Lecanu, chargé du pôle emploi-formation

UNSA : Alain Olive et Christine Dupuis

Syndicats de l’Education nationale

FSU : Gérard Aschieri, Guy Pourchet et Annie Clavel

FERC/CGT (Fédération de l’éducation, de la recherché et de la culture) : M. Richard Beraud

CSEN (Confédération syndicale de l’éducation nationale) : M. Eleuche, vice-président

SNPDEN (syndicat des personnels de direction) : M. Guittet, et Michel Ricard

iD (Indépendance et direction) : M. Loïc Toussaint de Quevrecourt

Autre

Jean Dionnot, président du collectif des Amis du Lundi, et Etienne Neuville, secrétaire général

Associations de parents d’élèves

Farine Hamana et Marie-Jo Moysset, FCPE

Groupe 3 - Monde économique

Organisations patronales

Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la CGPME, et Jean-François Veysset, vice-président chargé des affaires sociales

Alain Griset, président de l’Assemblée Permanente des chambres de métiers

Jérôme Bédier, président de la Fédération du commerce et de la distribution

Entreprises

Pierre Izard, directeur des ressources humaines de la SNCF, et Alain Cahen, directeur délégué à la gestion de l’emploi et aux ressources humaines

Franck Mougin, directeur des relations humaines de Danone, et Sylvie Galliaerde, directeur des relations institutionnelles

Secteur du tourisme

Jean-Bernard Michel, Directeur de la Fédération nationale des Comités régionaux du tourisme (FNCRT)

Jean-Pierre Serra, président de la Fédération nationale des Comités départementaux du tourisme (FNCDT)

Michel Claude, Directeur de la Fédération nationale des offices du tourisme et des syndicats d’initiative (FNOTSI)

Madame Cathy Kopp, Directeur général des ressources humaines du groupe ACCOR

Groupe 4 - Associations de bénéficiaires de la Journée de solidarité et « experts »

Bénéficiaires

Marie-Sophie Desaulle, vice-président de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) (personnes handicapées), présidente de l’Association des paralysés de France (APF)

Georges Grulois, vice-président de la CNSA (personnes âgées) et du Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA)

Laurent Cocquebert, directeur général de l’Union nationale des associations de parents et amis des personnes handicapées mentales (UNAPEI)

Fernand Tournan, président de l’Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH)

Pascal Champvert, Association des directeurs d’établissements d’hébergement pour personnes âgées (ADEHPA)

Responsables religieux

Monseigneur Stanislas Lalane, secrétaire général de la Conférence des évêques de France

Pasteur Jean-Arnold de Clermont, président de la Fédération protestante de France

Groupe 5 - Elus locaux, puis Gouvernement

Associations d’élus locaux

AMF : le président Jacques Pélissard est membre du Comité

Bruno Bourg-Broc, président de la Fédération des maires de villes moyennes (FMVM) , et Nicole Gibourdel, Déléguée Générale (FMVM)

Annexe n°4 – Temps de travail comparé

Volume de travail en 2004 dans quelques pays de l’OCDE

Age moyen de retrait du marché du travail en 2003

Annexe n°5 – Durée moyenne du travail en France

Source : Enquête emploi 2002 en continu, INSEE, Octobre 2004

Annexe n°6 – L’adhésion à différents moyens visant l’amélioration de la situation des personnes handicapées en France

…/…

Une répartition plus importante

des impôts en faveur des

personnes handicapées

…/…

Le don de l’équivalent financier

d’une journée de travail

…/…

L’instauration d’une taxe spéciale

d’aide aux handicapés, du type

vignette automobile

…/…

Source :

IFOP pour l’APF – La situation des personnes handicapées en France – Mars 2003

 

Annexes et tableaux, voir :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/054000472/index.shtml