L’HISTOIRE POLITIQUE DU HANDICAP

De l’infirme au travailleur handicapé

Pascal DORIGUZZI

Préfacé par Raymond HUARD

Ouvrage paru aux ÉDITIONS L’HARMATTAN 7, rue de l’École Polytechnique 75 005 PARIS

SOMMAIRE :

Préface de Raymond HUARD

Introduction P. 17 I -

VERS LES TEMPS MODERNES P. 27

A - De la scolastique à l’humanisme P. 33

B - De 1789 à 1848: bienfaisance et solidarité politique P. 47

C - La solidarité républicaine : la loi du 14.07.1905 P. 69

II - QUESTIONS DANS LE TEMPS P. 87

A - 1914-1918: les mutilés de la Guerre et la solidarité nationale, la loi du 31.03.1919 P. 91

B - Les mutilés et l’emploi : la loi du 26.04.1924

suivi de : La rupture de Vichy (1940-1944) P. 103

C - L’invention politique du travailleur handicapé : les lois du 2.08.1949 et du 23.11.1957 P. 123

III - QUESTIONS DU TEMPS PRÉSENT P. 135

A - L’État Providence : l’évolution juridique du handicap. De 1957 au 13.07.1971 P. 139

B - L’évolution politique du "handicap" : Du 30.06.1975 au 10.07.1987 P. 149

C - Ébauche d’une discussion P. 173

CONCLUSION P. 185

ÉPILOGUE P. 189

BIBLIOGRAPHIE P. 193

SOURCES P. 207

INDEX DES NOMS P. 213

 

PRÉFACE (Extrait)

"Infirme", "invalide", "mutilé", "handicapé", ces mots que nous employons spontanément ont une histoire, inséparable de celle de la société qui a opéré ces caractérisations, esquissé ces définitions, ces classements, ces étiquetages. P. Doriguzzi ne s’est pas contenté d’assumer pour sa part avec dynamisme l’expérience difficile du handicap, il a voulu écrire une "histoire politique du handicap" solidement appuyée sur l’histoire, sur l’étude du discours politique, des décisions législatives et des pratiques administratives.

C’est l’occasion pour lui d’évoquer les grandes étapes qui depuis le moyen-âge ont conduit à l’approche contemporaine du handicap. Au départ "pauvre parmi les pauvres", "l’infirme" s’individualise plus nettement dans les temps modernes avec le développement de l’idéologie libérale ... /... Tout au long de son parcours historique et dans ses réflexions finales, P. Doriguzzi défend avec beaucoup de netteté une conception dynamique du handicapé et récuse les interprétations qui aboutissent, parfois avec les meilleures intentions du monde, à la marginalisation de celui-ci dans la société. Il en est ainsi des approches qui médicalisent à l’excès la notion de handicap comme de celles qui cantonnent le handicapé dans l’humanitaire, justiciable de l’assistance, du revenu mais non du travail, de celles aussi qui en revendiquant trop exclusivement le droit à la différence, conduisent à isoler les handicapés dans la société.

Dans les propositions finales de l’auteur qui méritent toute notre attention, on en notera deux qui peuvent servir d’axes directeur : que les handicapés s’approprient la solidarité en la remplissant de leurs propositions, que l’accent soit mis sur l’insertion par le travail plus que sur le revenu (qui doit être néanmoins garanti), mais ceci suppose -et l’auteur en est bien conscient- une autre finalité pour la société que la productivité à tout prix dont on voit aujourd’hui les effets pervers. Le handicap est un révélateur de notre société. C’est tout l’intérêt de ce livre de l’avoir montré avec pertinence et conviction.

Raymond HUARD

Professeur d’Histoire contemporaine Mai 1994

 

INTRODUCTION (Extrait)

L’État représente la société civile. Il la synthétise en ce sens qu’il fait la synthèse des éléments catégoriels et intérêts de classes qui la composent. Les institutions représentatives (parlement, gouvernement) gèrent les discours contradictoires, parfois conflictuels qui s’y expriment pour en tirer des compromis politiques et juridiques où les expressions en présence font respecter leurs intérêts. Cela s’appelle un consensus. L’État républicain représente la société civile par cette fusion d’expressions, d’intérêts inconciliables. Il lui renvoie un discours cohérent sur elle-même, acceptable par tous, assurant l’unité nationale par-delà les divisions en classes, en intérêts catégoriels, en différents groupes de pression. Ce faisant, il crée les consensus formulant les normes sociales conceptuelles, images de synthèses, modèles sociaux, qui deviennent ainsi des principes républicains. La solidarité demeure l’exemple même de ces consensus.

Utilisé à plusieurs reprises sous la Révolution par les travaux du Comité de Mendicité, le concept prend son sens politique sous la seconde République : un compromis entre la constitution de la classe ouvrière et la société bourgeoise. Avec la troisième République, le terme recouvre l’ensemble des questions sociales. La solidarité permet de mettre au pluriel ce que les révolutionnaires de Février et Juin 1848 nom-maient la "question sociale". "Solidarité" apparaît lors des Débats parlementaires sur l’Aide Médicale Gratuite, la responsabilité des accidents du travail, l’assistance aux vieillards, infirmes et incurables, les retraites ouvrières et paysannes... Formule la plus sophistiquée du consensus républicain, la solidarité devient le réceptacle des conceptions sociales les plus diverses, conservatrices, réformistes, modérées... Sa présence dans les programmes politiques de toutes obédiences fait figure de brevet de républicanisme et donne une légitimité démocratique à tout discours sur "le social" (1).

Statut républicain des débats sociaux, la solidarité suppose des liens entre classes, groupes sociaux, corporations d’intérêts dont les positions sociales et politiques divergent et s’opposent... Plus tard, le handicapé de l’État Providence, puis celui des années 1980 verront leur statut social organisé dans des débats politiques où la "solidarité nationale" appelle au consensus. Les cadres de discussion structurent des législations analogues : les mêmes intérêts s’y défendent et produisent des effets diachroniques (voir les rapports des patronats et des travailleurs handicapés par exemple). La solidarité forge le statut social du handicap, modelée par les intérêts sociaux et politiques que rassemble celui-ci. Il devient un objet désigné (objectivé) dans une situation sociale, que l’État distingue par un statut juridique.

"Invention politique du handicap", car ce dernier ne s’est pas toujours nommé ainsi. Comment et pourquoi cette évolution? Quelles situations sociales et juridiques recouvrent les qualificatifs "d’infirme", "mutilé", "invalide", "handicapé"? L’emploi de ces vocables correspond à des produits socio-politiques à un moment donné du développement historique de la société occidentale. Ils représentent à la fois une forme de la prise de conscience sociale, une objectivation discriminatoire, un traitement juridique : le mutilé est victime de la Guerre (1914-18) et mérite de la nation. L’invalide vit un état transitoire dans le contexte de la réadaptation des années 1930. Le handicapé résulte de la politique sociale d’après-guerre (1945), un croisement de l’organisation scientifique du travail, et de la modélisation statistique sous l’État Providence (3) .../... Entre 1789 et 1905 apparaît le thème de la solidarité. Forgé dans la confrontation sociale de 1848, il correspond à l’irruption de la classe ouvrière pour la première fois autonome sur le champ politique. La solidarité se présente comme un nouveau contrat social, un trait d’union entre la classe ouvrière annonciatrice d’une autre révolution, et la bourgeoisie porteuse du capitalisme industriel (9). Elle devient le discours contemporain au monde industriel sur "le social" .../.... Elle est le rapport de la société industrielle avec ses marges, tout comme la charité dans les cités médiévales.

Les personnes infirmes deviennent sujets de droit le 14 Juillet 1905 mais les débats parlementaires les consacrent en tant qu’objets de solidarité : leur statut social les situe hors du monde de la production. La Grande Guerre (1914-18) modifie le rapport de la société avec la différence. Des centaines de milliers de soldats rentrent des tranchées blessés à vie, après avoir assuré la défense nationale. La société leur doit son aide, dit-on lors des travaux préparatoires à la loi du 31.3.1919 sur les pensions des victimes de la Guerre. Le ton change quand il s’agît de voter la loi sur l’embauche obligatoire des mutilés du 26.4.1924. De "héros de la nation", ils deviennent des "charges pour les entreprises" .../... Mais s’il s’agît d’intégrer ces mêmes mutilés dans le monde du travail..., aboutit le 30 Juin 1975 par la loi BLANC. Texte sur le traitement social du handicap, institutions, allocations, il fait allusion à l’emploi en milieu ordinaire dans ses derniers articles, comme un voeu pieux. Il faut attendre la loi SEGUIN (Ministre de l’Emploi et des Affaires Sociales) du 10 Juillet 1987 .../... Ce procès normatif aboutit à une représentation du handicapé diluant son individualité en un modèle général légalement balisé par l’État Providence. Cette modélisation quantitative se retrouve présente dans les propositions de tous les partis politiques s’exprimant sur le thème du handicap. Seules varient... les quantités de l’aide (augmentation des prestations) ou le degré d’intégration. .../... Le rapport social du handicap sous l’État Providence se caractérise par un double-langage politique : La médicalisation et la professionnalisation. Sa normalisation l’encadre dans un matelas juridique et des interventions financières. Le vocable "handicap" entre dans le vocabulaire quotidien... Mais parle-t-on de la même chose en 1987 qu’en 1957? L’évolution terminologique du handicap pose la question de sa définition. La crise de l’État Providence provoque des modifications dans les statuts sociaux et professionnels. Le mouvement affecte les handicapés et leur vie sociale. Le phénomène renouvelle le discours sur l’exclusion, l’intégration et l’insertion, la philanthropie. Il renforce l’urgence d’initiatives politiques sur le statut du handicap. .../...

Le 16 Octobre 1993 (© copyright L’Harmattan 1994)

Commandez le livre : _________________________________________________________________________________ BON DE COMMANDE à retourner à L'HARMATTAN, 7 rue de l'Ecole Polytechnique, 75005 Paris Veuillez me faire parvenir ------ exemplaire(s) du livre L'Histoire politique du handicap de Pascal DORIGUZZI

(ISBN : 2-7384-2948-3)

NOM : .................................................................................................................................................... ADRESSE : ............................................................................................................................................ au prix unitaire de 21,34 €uros / 140 FF + 3 € / 19,67 FF de port, soit un total de ----------FF ci-joint un chèque de --------- FF _________________________________________________________________________________

 

© Copyright Pascal Doriguzzi 2000