Texte pour la revue du CIDAN, le 02.11.2014.

Guerre et paix

Les poilus dans la société - 1914/1939 :

L’héritage social des Anciens Combattants de la Grande Guerre

Pascal Doriguzzi

La première Guerre mondiale modifie le rapport de la société avec ceux que jusqu’alors on appelait infirmes. On nomme "mutilés" les blessés à vie pour la défense de la patrie. Les débats parlementaires de la loi du 31.3.1919 ne tarissent pas d’éloges pour les sauveurs de la France, méritants de la solidarité nationale. Le sens de "solidarité nationale" né en 1905 ne convient pas aux anciens combattants à qui des pensions ne suffisent pas. Ils refusent le statut d’assisté des infirmes et incurables, et la marginalité, l’exclusion du monde du travail. Le sort des mutilés se rapproche de plus en plus de celui des infirmes civils avec le temps, et le versement des pensions à ces exclus du travail ressemble à des mesures d’assistance. La loi du 31.3.1919 sur les pensions ouvre le débat sur le sort des blessés de la Guerre et la réintégration sociale des mutilés. Le consensus politique de "l’Union sacrée" dans les communes et les départements français donne à la loi une large adhésion populaire.

Les travaux préparatoires de la loi du 26.4.1924 sur l’emploi obligatoire des mutilés ne parlent pas de héros, mais de "charges pour les entreprises", de "question humanitaire", de "mutilés à occuper". L’organisation scientifique du travail (taylorisme) gagne l’espace industriel et ne plaide pas pour la présence de mutilés sur les lieux de travail. Devançant l’inéluctabilité du projet, les organisations patronales nantissent le mutilé d’un statut professionnel conforme au fonctionnement d’alors des entreprises.

Ce cadre juridique servira de modèle aux politiques futures sur les invalides, puis sur la vie sociale des personnes handicapées et l’emploi des travailleurs handicapés. Cent après cette aventure, malgré les commémorations, on a peu conscience de l’humanité et la solidarité introduites dans la société par les soldats de la Grande guerre au début du XXème siècle, au prix de luttes associatives difficiles contre l’indifférence, l’ignorance, et dont les enseignements irriguent toujours la vie du XXIème siècle.

 

 

 

A/ La première guerre mondiale,

Les mutilés et la solidarité nationale : la loi du 31.03.1919.

Environ 1.382.000 hommes meurent dans les rangs français pendant la Grande Guerre, et plus de 300 000 disparus. Phénomène moins présent dans les esprits, il survit des combats 388.800 mutilés, 1.000.000 d’invalides (gazés, mutilations laissant apte au travail, également des centaines de milliers d’aliénés). Il faut ajouter les tuberculeux victimes d’années de misère, de boue, de privations, de froid, d’horreurs ... (1) C’est un véritable choc à l’époque : la société n’est pas prête à accueillir ceux que l’on appelle "mutilés" par déférence pour leur honneur de défenseur de la nation, et les distinguer des "infirmes" civils. En effet, on ne peut traiter les héros des tranchées en les assujettissant à la loi de 1905 comme des diminués physiques et indigents. La nation toute entière se porte volontaire pour la Guerre contre la montée du péril allemand, après l’assassinat de Jean JAURES, portée par l’Union Sacrée, terme inauguré par Léon Jouhaux, Secrétaire national de la CGT, à l’enterrement de JAURES. La France entre en guerre exaltée, optimiste quant à la durée du conflit. Campagnes patriotiques et manifestations enthousiastes se multiplient (2). Pendant les hostilités, les forces politiques font passer la défense nationale avant les intérêts partisans. L’Union sacrée responsabilise le pays autour des mutilés. Ceux-ci reviennent du front en héros servant d’exemple de courage dans les campagnes de mobilisation (3). Toutefois, les difficultés de soin, d’argent, de réintégration dans la vie quotidienne incitent les mutilés à fonder les premières associations d’Anciens Combattants (4). Durant et après le conflit, ils modifient le rapport de la société et de l’invalidité. En se réintégrant autant que faire se peut dans le travail, la famille, la cité, les victimes du front expérimentent la première génération d’invalides dans la société industrielle. Beaucoup de leurs réalisations subsistent dans la vie des handicapés aujourd’hui (le ministère des anciens combattants et l’appareillage, utilisation du code des pensions militaires pour fixer les barèmes d’invalidité par exemples). La loi du 31.3.1919 sur les pensions des mutilés de la Guerre est l’objet de débats courts pour une question sociale sous la IIP République. À l’armistice, on pense à la Révolution russe, à la guerre civile en Allemagne, et cette détermination résulte de l’inquiétude suscitée par des millions de démobilisés aguerris, coupés de leurs liens de sociabilité d’avant-guerre (emploi, famille), d’où l’urgence d’une reconnaissance nationale. Le débat appelle à la solidarité nationale, à la dette de la nation, à la responsabilité du pays (5). Ces héros encensés par les parlementaires de tous bords baignent dans le sentiment de l’Union sacrée (discutable à propos de tout autre objet à l’époque). Parallèlement, leur situation sociale se dégrade du fait des objections des employeurs à embaucher des mutilés (6). Une commission extraparlementaire présidée par Alexandre RIBOT Ministre des finances, prépare une réforme des pensions militaires pour dommages de guerre (mutilés, veuves, ascendants, orphelins, recours). Le gouvernement dépose un projet de loi relatif aux "pensions des armées de terre et de mer" le 4.11.1917. La première lecture à la Chambre des Députés a lieu le 5.02.1918. Henri CHERON (sénateur radical) rapporte au Sénat le 17.9.1918. La Chambre continue ses travaux le 27.12.1918. Le Sénat vote le projet à l’unanimité le 28.3.1919. La loi du 31.3.1919 paraît au Journal Officiel du 2.4.1919.

Pendant le conflit, alors que la solidarité avec les victimes est au cœur de la mobilisation nationale contre l’ennemi. Les mutilés sont un argument de campagne idéologique, élément privilégié de l’unité politique, une légitimation de l’Union sacrée. Le travail parlementaire s’imprégne de l’actualité et de l’intérêt des associations solidaires aux victimes du front. M. EYMOND (Président de la Commission des pensions) reçoit de vifs applaudissements à la Chambre des Députés le 5.02.1918, en conceptualisant la pension comme ”... la rémunération d’un service éminent rendu au pays et la manifestation vivante des sentiments de solidarité sociale qui unissent tous les citoyens les uns aux autres et qui font que la nation tout entière doit venir en aide à ceux qui ont souffert pour la défense commune”. Mais les pensions et les déclarations de principe ne sont pas qu’un calcul politique. La dette nationale à l’égard des victimes témoigne d’un sentiment de culpabilité. Henri CHERON (radical, membre de l’Alliance démocratique) cite une pétition d’association :”Vous nous écouterez, vous qui êtes l’assemblée des grand-pères”. La grandiloquence de la Chambre répond au paternalisme du Sénat. Des envolées telles celle de Louis PUECH (radical-socialiste) à la Chambre le 5 Février 1918 sont monnaie courante : ” ... La France ne peut marchander aux héros qui ont porté si haut et si loin la splendeur de son nom ni la rançon de sa gloire ”. Mais le parlement exprime également " la bonne volonté", le souci de "bien œuvrer" comme en témoigne M. BONNEVAY(progressiste) à la même Chambre des Députés : ” Au cours de ces nombreuses séances, nous avons chacun -comme disait très bien (...) M. BÉTOULLE- examiné et discuté cette loi avec le tempérament propre à chacun de nous et peut être propre à chacune des fractions de cette assemblée ; mais tous nous l’avons fait avec la même bonne volonté et le même élan de reconnaissance pour ceux qui sont tombés ou ont souffert pour la défense nationale”. Un élan de chaleur fraternelle traverse le parlement quand le rapporteur, M. LUGOL (radical) évoque le voile des veuves, la solitude des orphelins, la détresse des mutilés, devant lesquels ”... nous n ’auronsplus le même malaise, le même serrement de cœur parce que nous pourrons dire que nous avons fait face à la dette que le pays avait contractée envers ceux qui se sont sacrifiés pour lui”. La solidarité défend l’Union sacrée dans laquelle le pays resserre les rangs face à la guerre, par-dessus ses clivages. Henri CHERON se félicite de l’unanimité politique dans la solidarité envers les victimes : ”Est-il rien de plus digne de provoquer ”l’Union sacrée”, toujours si nécessaire, que le spectacle des deuils et des souffrances par lesquels la France, si odieusement attaquée aura payé son salut, sa gloire et sa liberté”. La Chambre des Députés se pare d’unité politique, tout d’abord par la voix de M. ABRAMI, sous-secrétaire d’Etat à l’administration de la guerre : ”... (le mérite de cette réforme) n ’est pas à un parti, mais elles (les réformes) sont communes et nous ont trouvés solidaires”. Ensuite par celle de Marius MOUTET(radical-socialiste) ”... (cette loi) sans qu’il y ait lieu de rechercher la part de chacun, elle est l’œuvre collective". D’ailleurs, tout le rapport du député LUGOL à cette séance en appelle à la "conscience patriotique". Il félicite M. GOUDE (socialiste) pour avoir réalisé des améliorations au projet du gouvernement. La gauche et l’extrême-gauche ont travaillé à l’unification des régimes (réformés N°1-N°2, militaires engagés et mobilisés, nationaux et coloniaux ... ) et à l’augmentation des montants de pensions initialement proposées par le projet. Pourtant M. GOUDE attaque violemment cet œcuménisme politique. Il lui reproche son unanimité au terme d’un débat qui voit les partis différents exprimer des désaccords profonds : "...je suis pour ma part élu par le prolétariat. Je suis à la Chambre non pas pour pratiquer sur le dos de ce prolétariat, ce que vous appelez" l’Union sacrée", et que j’appellerai moi, de l’hypocrisie parlementaire". La déclaration soulève un tollé général. Certes elle témoigne du souci de M. GOUDEde se démarquer du gouvernement. Il reproche à l’assemblée une récupération de l’aide aux mutilés pour une campagne nationaliste où l’engagement du personnel politique devient un brevet de patriotisme. Ce sentiment d’exaltation nationaliste dans la solidarité se concrétise par des associations travaillant dans chaque département, chaque ville, depuis le début des hostilités. Nationalisme et solidarité se confondent dans les motivations qui les animent (7). Ces associations sont d’origine parisienne ("la Cocarde du souvenir" dont le Président est Georges CLEMENCEAU et réunit de nombreux parlementaires) ou locale ("la Journée de l’Hérault"). M. GOUDEexprime peut-être l’attitude anti-guerre de certains poilus, les désertions et les comités de soldats créés par des régiments d’infanterie. Les socialistes participent à l’unanimité de la Chambre. Marius MOUTET soulève la question des troupes coloniales : "C’en est fini de cette politique qui tendait à considérer l’indigène comme un frère de race inférieure (...) au fond des bleds les plus lointains où les familles attendent avec impatience le retour de ceux qui sont venus en France lutter pour la mère patrie". Il évoque les effectifs algériens levés par la loi de circonscription de 1912 (200 000 hommes environ en 3 ans) "... la France généreuse aura mérité son renom, elle se sera montré digne du dévouement que ces populations lui ont apporté, et dans l’avenir elle continuera l’œuvre civilisatrice qu’elle a entreprise". Outre la nature civilisatrice discutable de la guerre de 1914­1918, la solidarité envers les mutilés coloniaux ne fait pas l’unanimité au parlement. Le Sénateur Dominique DELAHAYE juge des règles nationales incompatibles avec une mosaïque de lieux et de peuples. Sur la proposition de Mgr LEMAITRE évêque du Soudan, il veut adapter les pensions au niveau de vie local. Sinon, "que feront-ils de ces pensions? (...) Ils s’adonneront à la paresse en famille, à la boisson, et à la polygamie ... pour un polygame ayant cinq femmes vous aurez créé quatre mécontents de tous les anciens combattants, ce dont ils vous seront peu gré, non plus que des milliers de jeunes filles livrées ainsi aux riches mutilés". M. DELAHAYE refuse la citoyenneté aux noirs, ce qui leur donnerait l’égalité devant les pensions. Le Sénat rejette l’amendement DELAHAYE. La loi du 31 Mars 1919 n’accorde pas la nationalité, mais elle donne l’égalité devant les pensions. Le gouvernement et la commission des pensions rejettent la proposition DELAHAYE et les articles 73, 74 et 75 de la loi prévoient l’égalité des droits entre anciens combattants coloniaux et nationaux. La

Chambre des Députés le 5 Février 1918 vote par 488 contre 0. Le Sénat du 27 Septembre 1918 vote par 220 voix contre 0, celui du 29 Mars 1919 vote l’ensemble du projet à l’unanimité.

La fixation du taux d’invalidité et le montant de la pension attribuée dépendent de la définition de la population concernée : M. EYMOND constate l’inadaptation de la loi du 2.4.1831 sur les pensions militaires à la situation actuelle, malgré ses réformes depuis la guerre de 1870. La Guerre de 1914 engage plus de civils mobilisés que de militaires engagés. Il rappelle l’égalité des engagés et des appelés devant leurs souffrances, donc devant la solidarité nationale : "La loi ne peut pas diviser des hommes qui ont été si étroitement unis par le sacrifice et par la gloire". Marius MOUTET obtient l’effacement des différences entre les officiers de carrière et les mobilisés. M. GOUDE fait supprimer la distinction entre réformés N°1(blessés au combat) et N°2 (malades du front). Malgré ses efforts le grade sert toujours au calcul de la pension. Henri CHERON conforte M. EYMOND au Sénat le 17.9.1918 : "Le projet ne tient plus compte seulement du grade et des services militaires, mais de ses charges de famille (...) sur l’invalidité réelle de l’infirme ou du blessé. Cette infirmité, cette invalidité, sont mesurées conformément au principe posé par la loi du 9.4.1898 sur les accidents du travail". La loi du 2.4.1831 fonde la pension sur la carrière du blessé. Le projet en cours la fonde sur l’invalidité : "... la réparation sera fixée en proportion de la diminution des capacités physiques". La pression des anciens combattants joue dans cette évolution. L’avantage de la présomption légale du 9.4.1898 et la responsabilité nationale en vertu de l’article 1382 du code civil sont la traduction de revendications des associations. Le revenu antérieur ne compte pas dans le calcul de la pension. Les associations tiennent à une reconnaissance légale de leur spécificité, de dette nationale à l’égard des combattants éprouvés. Celle-ci n’est pas un devoir d’assistance, encore moins une grâce, mais un droit. La notion d’assistance est rejetée "Je me suis efforcé plus particulièrement d’obtenir de la Chambre qu ’elle fasse disparaître de la loi en préparation tout ce qui pourrait avoir un caractère d’assistance" déclare M. BETOULLE à la Chambre des Députés le 5.02.1918. Henri CHERON pose la question de l’aide médicale gratuite au Sénat le 17.9.1918 : les mutilés refusent d’être assimilés à des indigents en recevant les mêmes procédures que les vagabonds. Par respect pour cette susceptibilité, la Chambre décide qu’ils figurent sous une rubrique à part sur la liste communale prévue par la loi du 14.7.1893. Les mutilés affiliés à une société de secours mutuels reçoivent leur indemnité par son intermédiaire. L’article 64 de la loi assure les soins médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques payés par l’Etat ou une société de secours mutuels constituée en fonction de la loi du 9.4.1898. La gratification est un autre sujet de susceptibilité. Elle désigne une somme d’argent versée pour la durée de la consolidation -ou la guérison- de l’infirmité. Elle se transforme ensuite en pension. Le vocable "gratification" contient une connotation de bienveillance charitable préjudiciable à la dignité. Henri CHERON soutient cette terminologie à la Chambre comme au Sénat, car dit-il, il vaut mieux donner la chose que changer le mot :"... la gratification cessera (...) de dépendre de l’administration pour devenir un droit consacré par la loi et entouré de toutes les garanties, sanctionné par les recours nécessaires". Le sénateur HERVEY propose de remplacer le mot par "allocation renouvelable". La loi du 31.3.1919 utilise le terme "gratification" dans ses articles 60 et 67. Les commissions de réforme fixent le taux d’invalidité et le caractère temporaire ou définitif de l’infirmité (art.3). Le demandeur peut être assisté d’un médecin civil lors des examens médicaux (art.9). Le Sénat le 28.3.1919 vote 7 tableaux de pensions d’invalidité. Ils concernent l’armée de terre, la marine, les personnels coloniaux. L’ordonnée est le grade, l’abscisse le taux d’invalidité. Le point déterminé correspond au montant du droit.

L’unanimité des parlementaires fait échos aux manifestations populaires de soutien aux mutilés dans les communes et les départements français. L’article 76 de la loi du 31.3.1919 concerne la rééducation professionnelle. Tout militaire obligé de réapprendre un métier reçoit une allocation durant son apprentissage, afin de compenser le défaut de rendement et lui assurer un salaire complet. Le rapport LUGOL à la Chambre le 5.02.1918 fixe les conditions d’intervention de l’Etat sur les contrats d’apprentissage : ”Il faut qu’ils (les mutilés) aient recours au travail, qui leur donnera les ressources naturelles dont ils ont besoin”. Le député LUGOL cite les exemples de centres de formation professionnelle : celui dirigé par le Docteur BOURILLON pour l’agriculture, l’établissement de Grignon dirigé par le député VERLOT où les agriculteurs apprennent les techniques qui leur permettront de continuer leur métier. Le député BOUVERI parle de la ”Journée Saône et Loire” qui a créé ”Le secours aux mutilés” dans ce département. Ce comité verse deux francs/ jours aux mutilés obligés de s’éloigner du domicile pour suivre une formation. Le député PRESSEMANE veut que ces dispositions soient l’objet de contrats entre employeurs et mutilés. Il craint que l’intervention de l’inspecteur du travail ne freine l’embauche des mutilés. La commission préfère un contrôle préalable de l’inspection. M. LUGOL rappelle l’imminence du décret d’application de l’art. 5 de la loi du 2.02.1918 qui permet à l’Office National des Mutilés et Réformés de la Guerre d’impulser de telles opérations dans chaque département. Le Sénat le 17.9.1918 rappelle le but de cet office : aider les mutilés à rentrer dans la vie sociale (la suggestion est du sénateur Paul STRAUSS sur l’idée de l’Association Générale des Mutilés de la Guerre (8). Les lois du 2.02.1918 et du 31.3.1919 intègrent les initiatives locales d’aide aux mutilés et les institutionnalisent. La mobilisation nationale mêle étroitement les actions locales et législatives. L’exemple de l’Hérault illustre les propos des députés LEFAS, BOUVERI, PRESSEMANE, LUGOL ... L’association Valentin HAÜYréunit les départements du Gard, de l’Ardèche, de la Lozère, des Pyrénées, du Tarn, de l’Hérault. Elle crée une école-atelier pour les soldats aveugles, grâce à la générosité publique. L’arrêté du 10.3.1917 fait de cette école un élément de la future politique institutionnelle. L’Ecole Professionnelle des Blessés et Veuves de Guerre (1916-1927) dépend de "l’Hospice civil et militaire de Montpellier". La Préfecture et le Conseil Général paient son administration bien qu’elle se rattache à la commune (9). La formation des mutilés vise aux emplois agricoles en priorité. Le gros des mobilisés est d’origine paysanne et les campagnes manquent de main d’œuvre D’autre part, le patronat industriel renâcle à embaucher des mutilés. L’organisation moderne du travail (taylorisme) laisse peu d’espace aux anciens combattants (Voir la réaction du "Comité des Forges" à la proposition PRESSEMANE le 7.10.1915 pour l’emploi des mutilés) (10). "Le Petit méridional" du Lundi 4.8.1916 consacre un article à l’école gratuite de rééducation et d’instruction complémentaire agricole et professionnelle des mutilés de la Guerre. Le "Comité Départemental des Mutilés, Réformés, veuves, et ascendants de l’Hérault" présente chaque année un rapport sur l’application de la loi du 2.02.1918. Le champ d’application recouvre des domaines très divers : écoles, placements hospitaliers, prêts, aides diverses ... Les rapports au congrès de l’Office National le 22.3.1924 et le 19.4.1925 établis par Jean NEGRET inventorient leurs activités : le CDMR. de l’Hérault comprend un Comité d’administration, une Commission de rééducation, un Conseil de Préfecture (11 membres chacun). L’Office National coiffe les Offices Départementaux présidés par les préfets. Celui de l’HERAULT réunit des militaires, des représentants du Conseil général de l’Hérault, des médecins, des représentants d’associations. Le rôle du CDMR. est la mise en œuvre des dispositions législatives. Les rapports établissent le nombre de réadaptations, placements, allocations, indemnités et fournitures diverses ... En 1925, il y a 12 000 mutilés dans l’Hérault, 6 000 veuves, 10 000 ascendants isolés, 1784 secours divers, 687 bons de repas. La présence des secours divers et bons de repas signale des difficultés graves : l’isolement voue au placement et à l’échec social les mutilés qui n’ont pas de milieu familial ou social facilitant leur réadaptation. La lettre du 8.12.1924 du préfet de l’Hérault au Ministère de l’Intérieur en témoigne : des combattants des tranchées sont réduits à la mendicité, le département délivre bons de repas, tickets de chemin de fer, achats de vêtements (11).

Si les mutilés sont au cœur de l’unité nationale pendant les hostilités, l’après-guerre les relègue au rang d’emploi humanitaire par le retour du front de millions d’hommes valides. L’inquiétude suscitée par la Révolution russe dans le monde occidental marque l’ambiance politique de la démobilisation. Il faut réintégrer à tout prix ces masses de combattants aguerris, qui organisés, auraient été une force irrépressible. Les usines licencient des millions de femmes pour laisser place aux hommes, sans indemnités ni recours ; elles font tourner l’économie et la société pendant le conflit, et sont remerciées sans aucune courtoisie ... Leurs homologues britanniques obtiennent le droit de vote dés 1919. Les françaises ne le méritent qu’en 1946. L’attitude patronale évolue vis à vis des blessés de la Guerre : la pénurie de main d’œuvre facilitant l’embauche des mutilés n’existe plus (12). Cette sous-estimation nourrit l’amertume exprimée par nombre d’associations d’anciens combattants entre les deux guerres. Le sentiment d’injustice, de non-reconnaissance par la société de l’épreuve que fut la guerre des tranchées, la conscience d’y avoir partagé une expérience inexprimable, seulement comprise de ceux qui l’ont vécue (13), sont des éléments comptant dans l’organisation de la journée antiparlementaire du 6 Février 1934, et le soutien du régime de Vichy par certaines organisations d’anciens combattants (1940). L’administration réserve des emplois aux mutilés classés selon la loi du 31.3.1919. La préfecture affiche une liste de vacances de bureaux de tabac à l’attention des mutilés le 7.7.1923, à Campagnan, Plaissan, Usclas d’Hérault. Une autre paraît le 16.11.1923 pour Cournonsec, Olonzac, Pierrerue. La réintégration des mutilés devient problématique, malgré les efforts des associations et des institutions. Les mesures prises sont limitées (bureaux de tabac, licences de taxi...) Les bons de repas dépannent des poilus devenus mendiants. La question cruciale du travail se pose dés l’armistice. La loi du 31.01.1923 réserve des emplois aux mutilés dans l’administration, renforçant celles du 2.03.1916 et du 17.4.1917 (voir les travaux du député PRESSEMANE). Ces mesures sont des réponses "au coup par coup" devant l’incapacité de la société à employer les mutilés. La loi du 26.4.1924 veut y répondre. Les concepts d’infirmité, d’invalidité, évoluent à partir de ce contact politique avec le monde de la production. Le mutilé ne connaît pas l’exclusion de l’infirme. Il devient un travailleur reconnu juridiquement, avec un statut et un droit. Le mutilé s’intégre à la société industrielle. Mais pas n’importe comment. La loi du 26.4.1924 est le prologue historique du travailleur handicapé, de son statut politique et juridique. Il convient de voir comment et pour quoi s’organise ce statut.


 

B/ LES MUTILÉS ET L’EMPLOI : LA LOI DU 26.04.1924.

L’industrie vit une révolution depuis 1910 : l’introduction de l’organisation scientifique du travail dans les procédures de fabrication, modifie radicalement les concepts de l’économie politique. Le savant Henri LE CHATELIER introduit la méthode de Frédéric TAYLOR (taylorisme) en Europe, particulièrement dans la métallurgie (1). Pendant la première Guerre mondiale, le ministre socialiste de l’Armement Albert THOMAS l’utilise dans les usines d’armement et les arsenaux militaires, pour répondre à la cadence d’usure des armes et munitions sur les fronts. Le travail s’y rationalise : segmentation et chronométrage des gestes, spécialisation des tâches, utilisation des ouvriers comme rouages d’une machine à produire... Cela permet la fabrication rapide et en quantités gigantesques, d’obus bien calibrés, de millions de fusils, de casques, etc. Le conflit de 1914-18 est la première guerre industrielle. Il faut fournir massivement, vite et sans arrêt pour satisfaire la demande de mort. Toute l’industrie se réforme sous l’effort de guerre dirigé par l’État, afin de produire plus vite, plus et mieux, pour mériter de la Nation dans l’ambiance de "l’Union sacrée". L’organisation scientifique du travail assure de meilleurs salaires aux ouvriers, et les organisations ouvrières ne s’y opposent pas. Elle emploie une majorité de femmes grâce à la segmentation des tâches, libérant des hommes pour la guerre. Le taylorisme devient la nouvelle organisation industrielle. Si la Guerre utilise les hommes comme du matériel (J.B. DUROSELLE), l’industrie les traite comme des machines. L’ère est au rationnel, à la vitesse, au pas cadencé dans les usines où cadence devient le maître-mot. Le rythme de travail se règle sur celui des machines dans un mouvement mécanique où s’insèrent les travailleurs... L’uniformisation des procès productifs exige un producteur physiquement capable de suivre ces cadences rapides et soutenues. L’emploi des mutilés de la Guerre fait figure d’initiative volontariste à contre-courant du mouvement général.

La loi du 26.04.1924 ouvre l’histoire de l’emploi des travailleurs handicapés. Toutefois, on parle de mutilés et d’invalidité. Appellation comparative aux travailleurs valides, "invalide" évite celle d’infirme aux poilus blessés. Mais valide signifie aussi crédible dans les actes légaux (contrats, commerces, banques...) Le préfixe "IN" présuppose un déficit de crédibilité du travailleur étiqueté. Ce préjugé est utilisé pour limiter l’arrivée de mutilés dans les entreprises. Les patrons jugent nuisible la présence des soldats blessés pour le fonctionnement et la compétitivité des entreprises. Les représentants patronaux soutiennent les revendications des héros de la Grande Guerre lors des débats préalables à la loi du 31.3.1919. Mais ils renâclent quand il s’agît de leur donner un emploi. La nouvelle organisation du travail demande des individus habiles, rapides, résistants à de fortes cadences, des gestes répétitifs et minutés. Le monde de la production constitue un rapport d’argent et de travail, mais avant tout de pouvoirs et de subordination. Le caractère obligatoire de la loi sur l’embauche des mutilés gêne les patrons autant que leur déficit de productivité supposé. Les conservateurs veulent "faire beaucoup pour les mutilés" mais combattent l’obligation légale. Le Sénateur JAPY (patron paternaliste luthérien) explicite la position patronale : "... les patrons agissent volontiers pour les mutilés, mais ce qu’ils ne veulent pas, ce qu’ils n’entendent pas, c’est qu’on les limite. " (Il s’agit de la déclaration de vacation de poste à la préfecture, permettant la présentation prioritaire de travailleurs invalides). Le principe libéral de l’initiative privée s’oppose à l’obligation légale. L’entreprise reste une enclave privée dans le cœur de la République. La direction y décide la loi et les conditions où elle-même s’y soumet. Jean-Paul DE GAUDEMAR décrit l’autorité patronale, du règlement intérieur de l’atelier au type de hiérarchie dans l’usine (2). Toute décision doit emprunter le canal officiel, qu’il s’agisse de choix économiques importants ou des pauses permettant aux salariés de manger ou de se rendre aux toilettes. Tout acte réalisé dans l’entreprise est question de légitimité. Un texte législatif obligeant les patrons fait figure d’entorse à l’ordre de la production. Il représente une légitimité démocratique, qu’il convient de soumettre au véto patronal dans l’usine. L’opposition conservatrice lutte contre l’obligation d’emploi des mutilés pour préserver l’autorité patronale. La pression des anciens combattants et de l’opinion publique rend l’aboutissement législatif inéluctable. L’argument de non-rentabilité des mutilés devient vite secondaire. Le travail législatif nantit le mutilé d’un statut conforme aux intérêts patronaux. Le mutilé doit être titulaire d’un emploi humanitaire, subalterne : la loi le préjuge mineur, incapable de rendement, irresponsable. Le Comité des Forges obtient la diminution des salaires, et l’exonération des postes à responsabilité des effectifs à pourvoir. Cette minoration des travailleurs invalides n’est jamais remise en cause par les lois à venir "en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés".

La loi du 26 Avril 1924 concerne les bénéficiaires de la loi du 31 Mars 1919 et les accidentés du travail définis par la loi du 9 Avril 1898. Elle innove dans la conception de l’aide sociale sous la IIP République. Elle crée des règles sur le marché du travail compensant le défaut de rendement des travailleurs mutilés. Les partisans de la loi (dont Raymond POINCARE, Président du Conseil) affrontent les représentants patronaux au débat sénatorial du 13.04.1924. Le sénateur DELAHAYE parle de "l’industrie qui fait beaucoup pour les mutilés" (3). Cette généralité de circonstance se retrouve dans tous les débats postérieurs sur le handicap jusqu’à nos jours, malgré son absence totale de signification. (L’inverse est tout aussi insensé "la société ne fait pas assez pour les handicapés"). Toutefois cette expression s’inscrit dans le contexte de l’organisation scientifique du travail. L’exigence des normes productives impose un type d’ouvrier standardisé capable de suivre un rythme régulier, dans le moule d’un outillage auquel le travailleur s’adapte. Les mutilés nécessitant un aménagement du poste de travail, ne suivant pas la cadence ou au rendement inférieur dans la branche d’industrie n’y ont pas leur place. Ils restent en principe "à côté" et "la société doit faire plus pour eux". Ce credo patronal paie, puisqu’il justifie la minoration salariale et statutaire des mutilés. M. JAPY veut "fixer un salaire en faveur des mutilés". Cette tournure réduit le mutilé à un objet de bienfaisance pour lequel l’industrie, non dépourvue d’humanité, accorde un emploi à la productivité contestable et au salaire contesté. Les "faveurs" remplacent le rapport professionnel, et conformément à la pratique de certains "petits métiers", se monnaient en salaire et en statut. Elles coûtent cher aux mutilés. La formule sous-entend un effort des employeurs, non pour embaucher des travailleurs mais pour "occuper les mutilés". Avec le temps, la faveur devient un concept politique. Elle est le moule d’élaboration idéologique des lois du 23.11.1957 et du 10.07.1987 "en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés". Le Sénat discute un amendement patronal à propos de l’article 8 sur les salaires, soutenu par MM.COIGNET, DELAHAYE, FARJON, JAPY, SCHEUER (4). Ceux-ci proposent que le mutilé reçoive un salaire proportionnel à son travail, comme les autres ouvriers. M. JAPY le défend, car de toute façon dit-il, "le mutilé qui ne peut rendre un travail normal est payé plus qu ’il ne rend". Il demande la suppression de tout statut spécial pour les mutilés. L’argument démagogique d’une égalité de considération par l’analogie de traitement est fallacieux. Le calcul du salaire sur le rendement "normal", compte tenu de la nouvelle organisation du travail aboutit à un salaire inférieur dans tous les cas. M. JAPY veut que la pension du mutilé compte dans le revenu. Ainsi, l’État paierait le travailleur à la place de l’employeur. Le rapporteur Maurice SARRAULT répond qu’il faut donner aux mutilés "une garantie contre l’avilissement du prix de leur travail". Il reproche à Gaston JAPY de considérer l’avantage salarial comme une dérogation à la discipline de l’usine. En effet, le Comité des Forges tente de faire porter la responsabilité des salaires diminués par les ouvriers à "la jalousie excitée contre les mutilés". En effet, les organisations syndicales et le monde ouvrier craignent du fait de cette présence la dévaluation du travail et des salaires. Le Sénat réalise un compromis entre l’attitude extrémiste de l’amendement et celle du gouvernement dont "les préférences personnelles nous eussent porté vers un salaire normal, sans exception (...) La réduction en cas de production d’infériorité notoire ne pourra pas excéder 20% si la capacité professionnelle du mutilé est au moins égale à la moitié de la capacité générale et 50% si cette capacité est inférieure à cette capacité." La question des postes à responsabilités dans l’entreprise fait l’objet d’une vive polémique. Les patrons veulent choisir eux-mêmes leurs personnels hiérarchiques. Le taylorisme fait du contremaître un meneur d’hommes, énergique, rapide à la décision et capable d’initiative. Un compromis concilie l’intérêt des mutilés avec l’autorité des employeurs : le pourcentage se décompte sur l’effectif global de l’entreprise, non sur la nature des postes à pourvoir. M. JAPY refuse que des directeurs ou des chefs d’atelier soient des mutilés, car ces nominations sont un avancement dans l’usine et il y faut "toute espèce de qualités". Qualités que bien-sûr, les survivants de Verdun n’ont pas. La loi ne compte pas les postes de direction dans l’effectif de l’établissement. La préservation du pourcentage laisse l’attribution des postes au choix patronal. M. JAPY veut s’en assurer, qui pose la question d’un ton de défi à M. PIQUEMARD (Directeur du travail, Commissaire du gouvernement). Ce qui permet à M. PIQUEMARD de s’écrier, plein d’une victorieuse crédibilité : "parfaitement!"

Les représentants du secteur privé tentent de rejeter sur l’État la responsabilité de l’embauche des mutilés. Le Comte Louis de BLOIS, homme se bonne volonté, évoque les difficultés d’un mutilé contractuel des chemins de fer au débat sénatorial le 13.04.1924. Les interventions de Raymond POINCARE (Président du Conseil, Ministre des Affaires Etrangères) et M. François MARSAL (Ministre des Finances) défendent l’Etat contre de nouvelles obligations. Ce dernier craint la titularisation de mutilés qui deviendraient des fonctionnaires à vie. Le rapporteur Maurice SARRAUT rappelle que la question revient pour la cinquième fois au parlement avec la sempiternelle réponse du gouvernement : "la titularisation est une chose, les emplois réservés en sont une autre". Le gouvernement réfute la titularisation des ayants-droit. La Chambre la vote. SARRAUT se lance dans un vibrant plaidoyer pour la titularisation "... des mutilés qui depuis 3, 4 ou 5 ans remplissent leurs fonctions, à la satisfaction de leurs chefs, vivent dans la terreur d’être renvoyés". La défense du pays les a mutilés, mais l’Etat leur refuse 50 centimes par jour (différence de salaire d’un auxiliaire et d’un titulaire). Le Sénat vote l’article 18 immédiatement : les services publics titularisent les mutilés qu’ils emploient. Mais à part cela, la loi du 26.04.1924 n’oblige pas l’Etat. L’article 10 permet aux associations d’Anciens Combattants de contrôler l’embauche et le déroulement des périodes d’essais, les salaires et le suivi des contestations. Celles-ci ont lieu devant la "Commission de contrôle de l’arrondissement" (article 14), composée d’un médecin, d’un représentant et du CDMR, d’un employeur et d’un ouvrier. Présidée par un juge du tribunal civil, elle organise une conciliation. Le second degré s’effectue devant la "commission départementale de contrôle" comprenant : un conseiller à la cour d’appel, un inspecteur divisionnaire du travail, un médecin, un membre élu du CDMR, un employeur et un salarié tous deux pensionnés de guerre. M. JAPY préfère le recours habituel au tribunal des prud’hommes avec juge de paix et tribunal civil en appel. La loi crée une procédure spéciale pour des conflits ne justifiant pas l’intervention de l’appareil judiciaire. Ces affaires "peuvent se résoudre à la minute" (M. SARRAUT), et la procédure accélère le règlement. L’article 14 soumet l’entreprise à un regard extérieur sur la vie quotidienne de l’entreprise, ses problèmes internes, son règlement intérieur... MM. JAPY et DELAHAYE combattent cette disposition. Ils veulent remplacer la conciliation par un avis à l’inspection du travail, aux parties, et à la commission départementale de contrôle. Cela ôterait tout caractère coercitif au texte. Les secteurs industriels employant chacun de forts effectifs d’ouvriers animent les plus puissantes organisations patronales : Union des Industries Métallurgiques et Minières, Union Textiles, Comité des Forges... Leurs pressions sur le parlement répartissent les obligations sur l’ensemble du tissu économique français, y compris l’artisanat et l’agriculture. Le débat sénatorial du 4 Juillet 1922 discute le quota de 10% jugé trop élevé par MM. JAPY DELAHAYE, SCHEUHER... Mais la taille des entreprises soumises à la loi (à partir de 10 salariés) soulève peu de remarques. L’artisanat et les petites entreprises peu influentes, mal représentés par les groupes de pression patronaux partagent l’emploi des mutilés au même titre que les grandes industries. Cela diminue considérablement ce que ces dernières considèrent comme une charge, déjà alourdie par les embauches de 1923. La confrontation aux intérêts particuliers de l’économie en temps de paix supplante l’Union sacrée de la mobilisation. L’unique possibilité d’échapper à l’embauche de travailleurs mutilés est le versement d’une "redevance" de 6 F par jour ouvrable et par bénéficiaire non employé (art. 10). Ce qui fait dire à Gaston JAPY que "... le mutilé que vous n ’employez pas vous fait perdre 1800 F. " et d’ajouter après l’interruption des sénateurs Louis PAQUET et Louis SERRE, scandalisés par ce raisonnement spécieux : "... tout mutilé employé fait perdre 1800 F. à l’usine" (Etant sous-entendu qu’il ne produit pas). Le groupe COIGNET, DELAHAYE, FARJON, JAPY et SCHEUER lutte contre la redevance, charge financière s’ajoutant au grand effort de l’industrie. L’amendement défendu par Gaston JAPY propose de remplacer la somme de 6 F. par 1 F. M. SARRAULT répond que cela rendrait la loi inopérante. Il reproche à M. JAPY d’utiliser le mot "amende" dans son texte. La commission expurge le terme du projet initial car il choque certains patrons. La substitution par "redevance" n’est pas qu’une figure de style. Elle remplace une sanction pénale pour inapplication de la loi par une procédure administrative. Le non- emploi des mutilés est légalement possible. L’administration des contributions directes recouvre les redevances. Elle affecte leur produit à un fond commun au profit des pensionnés de la Guerre, sous le contrôle de l’Office National des Anciens Combattants. Si un nombre non négligeable de patrons jouent le jeu de l’Union sacrée face aux conséquences de la guerre, le Fonds devient une procédure d’exonération facile. Ce versement à l’ONAC. pour les pensionnés est une façon de considérer la pension comme un salaire, confondant le sort des mutilés à un statut d’assistance. Un délai de trois ans sépare la parution de la loi du 26.04.1924 de son premier décret d’application (06 Août 1927), laissant l’impression de volonté mitigée pour l’embauche des mutilés...

Les événements de la Grande Guerre restent présents dans la vie politique des années 1930. Les anciens combattants restent vigilants sur le sort des mutilés (obtention du statut des "grands mutilés" en 1935). Grâce à leurs avancées sociales et politiques, les soldats de 1914-18 sont la première génération d’invalides prenant leur place dans la société industrielle. Ils ouvrent la voie aux mutations en gestation du statut des invalides par le sentiment de responsabilité contenu dans la solidarité nationale. Surtout, les principes législatifs organisant leur rapport au monde de la production sont ceux du travailleur handicapé à venir, adaptés aux situations politiques différentes. La vie civile reprenant le dessus dans les années 1920-30, la médecine, la réadaptation, la naissance d’associations d’infirmes et d’invalides civils cherchent de nouvelles définitions pour désigner les atteintes à l’intégrité des personnes. Le Docteur Max-Jules-Alfred ROUSSEAU définit le mot "estropié" dans sa thèse de médecine soutenue à Paris en 1939 (5). S’appuyant sur des travaux étrangers (suédois, américains, etc.) elle parle de l’infirme, de l’invalide, du mutilé. M. ROUSSEAU parle de "handicapé physique" à propos de la politique médicale en Hongrie. Ni le public ni les débats politiques n’emploient le vocable. L’adjectif infirme s’applique à des cas civils d’anomalies congénitales ou acquises, celui de mutilé s’adresse à des blessés de guerre, invalide à l’accidenté du travail ou de guerre, impotent à celui qui requiert la présence d’un tiers en permanence. L’administration utilise le terme d’infirme, le ministère des anciens combattants celui de mutilé, la terminologie employée dans la presse et la littérature préfère fréquemment invalide (6). L’épidémie de poliomyélite prend de cours la société de l’après-guerre. La médecine enraye la maladie, mais les soins de rééducation sont embryonnaires. Des institutions fondées pour les poilus se consacrent à la gestion de ce fléau. Pour ceux que la sortie laisse invalides, la société n’offre que le retour dans la famille ou l’hospice prévu par la loi du 14.7.1905. En 1933 naît l’Association des Paralysés de France. Elle constitue un réseau d’entraide pour des soins, l’appareillage, la scolarité et la formation professionnelle... Les institutions sanitaires refusent tout concours, car la sortie de ces gens hors des hospices et asiles ne figure pas dans leurs objectifs (7). D’autres organisations voient le jour (8). La crise économique et politique des années 1930 (9) met en cause les pensions et certains acquis des anciens combattants. Le Front Populaire et les scandales politiques (l’affaire STAVISKY par exemple) mettent au second plan l’histoire des mutilés et invalides qui tentent de faire leur place dans la société. L’origine de la déficience occasionne une distinction sociale. La définition ne se médicalise pas encore.

Le poids politique des anciens combattants empêche la société de remettre l’invalide à la médecine. Le terme invalide compare socialement le porteur d’une déficience quelconque limitant ses capacités dans l’existence (gagner sa vie par exemple). La société considère qu’elle porte une responsabilité dans cet état de fait, alors que l’infirme, s’il n’est pas responsable, n’est qu’un jouet du destin, de la vie. La solidarité ne signifie pas la même chose pour l’infirme de 1905 et le mutilé de 1919. La période politique semble en attente : pas de grande loi sur l’invalidité, pas d’innovation dans la terminologie politique. Les milieux médicaux recherchent de nouvelles approches de l’invalidité dans la naissance et les progrès de la réadaptation, à la suite des mutilés de la Grande Guerre. Il faut attendre l’avènement de l’État Providence et les années 1950 pour voir évoluer les concepts d’invalide, de mutilé, d’infirme vers celui de handicapé.

Les organisations patronales à l’époque, et le poids politique des associations d’anciens combattants de la Grande guerre nantissent le mutilé d’un statut professionnel conforme au fonctionnement d’alors des entreprises.

Ce cadre juridique servira de modèle à la loi du 23.11.1957 qui occasionne l’invention politique du travailleur handicapé, à celle du 30.06.1975 en faveur des handicapés, puis celles du 10.07.1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés, et du 11.02.2005 dans ses dispositions sur l’emploi des travailleurs handicapés.

 

 

 

En guise de conclusion :

La rupture de Vichy (1940-1944).

Le régime de Vichy représente une rupture des principes politiques intégrés par la société depuis 1875 et la IIP République. Il constitue un tissu de contradictions dans le domaine de la solidarité, en particulier de l'invalidité. Des éléments inconciliables illustrent ses périodes politiques, ses recherches de sympathies politiques dans la société : appui des anciens combattants, lois favorables aux mutilés du travail, premiers soutiens publics à des associations d'invalides civils ... En même temps, des milliers d'invalides et malades mentaux meurent de faim et d'abandon dans les hôpitaux psychiatriques français, dans une vaste indifférence complice (1). Un décret interdit l'emploi des personnes atteintes de "disgrâces physiques", adhérant aux conceptions national-socialiste, qui classifient l'humanité entre les êtres humains et les Untermenschen (sous-hommes). L'adhésion n'est pas explicite, mais elle consiste en un sous-entendu rejetant l'infirme (comme l'israélite) dans une sous valeur économique. Le "Mein Kampf" d'Adolf HITLER parle de "tarés" pour épurer la race aryenne. Vichy laisse mourir dans les asiles et hospices. La nuance prend forme de contradiction quand Vichy veut se donner un visage social et utilise des formes de solidarité à cette fin.

L'Union Nationale des Anciens Combattants et l'Union Fédérale constituent des viviers privilégiés de cadres pour le régime de Vichy. Elles tentent de dépasser leurs divergences dans les années trente pour fonder "la Fédération Nationale des Combattants", afin de protester contre la diminution des retraites en 1934 et 1935. La journée du 06-02-1934, puis Juin 1936 font resurgir les divisions du mouvement ancien combattant. Le soutien au régime de Vichy se concrétise par la création de la "Légion Française des Anciens Combattants". Xavier VALLAT, dirigeant du groupe parlementaire des anciens combattants en 1924, la conduit. Antoine PROST estime à trois millions le nombre d'adhérents aux associations d'anciens combattants chaque année, de 1919 à 1935. Robert O. PAXTONdonne celui de 350 000 cartes payées chaque année de 1940 à 1944 (2). La différence entre les deux périodes démontre que de nombreux poilus ne se reconnaissent pas dans les orientations prises par leurs fédérations. Le soutien politique à Vichy est l'œuvre des cadres et des organisations, plus que de la base militante. Si certains dirigeants soutiennent le Maréchal pour des raisons idéologiques (Georges SCAPINI, Joseph BARTHELEMY), d'autres agissent plus probablement par carriérisme (François CHASSEIGNE, Charles VALLIN).

Mais ce soutien au nouveau régime préserve les mutilés de la Grande Guerre sous l'occupation. Les retraites et pensions continuent d'être des droits. La loi du 29 mars 1941 modifie celle du 14 Juillet 1905 sur l'assistance aux vieillards, infirmes et incurables (3). Le nouveau texte fixe une somme minimum et maximum auquel un assisté peut prétendre (110 à 160 F par mois). Un plafond de ressources pour la retraite du combattant et les ascendants des victimes de Guerre passe de 400 F. à 1 200 F. L'article 4 fixe les montants de l'allocation de tierce-personne versée "aux assistés qui en raison de leur infirmité ont besoin d'une aide constante" : cinq tarifs allant de 3 600 F dans les communes de moins de 20 000 habitants, jusqu'à 5 400 F pour celles de plus de 500 000 (Sommes annuelles). Publiée au Journal Officiel du 20.03 1941, la loi N° 1449 entre en vigueur le 11 Avril 1941. La population concernée est "l'infirmité" ou "les maladies reconnues incurables", les français privé de ressources à l'âge de soixante-cinq ans, ou incapables de subvenir à leurs besoins quand cesse l'obligation scolaire. La loi augmente le rôle des préfets et les conseils municipaux ne donnent que des avis. Les commissions départementales d'assistance décident l'attribution de l'aide sociale (article 7 du décret du 30 Octobre 1935). La nouvelle loi reprend l'idée de commission centrale. Le régime de Vichy crée un "Comité National de l'Assistance", qui ne se réunit qu'à sa création et ne fonctionne pas. La politique sociale du régime prend pour base la famille dont le Maréchal PETAINaffirme que "son droit est supérieur à celui de l'État comme à celui de l'individu" (4). Le Secours National chargé de l'action sociale fonctionne par l'appel à la charité privée. L'assistance des infirmes est sous la responsabilité de la famille, en particulier de la mère, "qui fait rayonner autour d'elle l'amour qui permet d'affronter les plus rudes épreuves avec un courage inébranlable". Le Maréchal PETAIN qualifie de "pitoyable" l'histoire des lois sociales de la III° République et lui préfère le corporatisme et la famille comme expression de la fraternité. Le régime de Vichy réalise la "Retraite des Vieux Travailleurs", soucieux de l’image sociale et paternaliste du Maréchal.

La solidarité du régime de Vichy sert à instituer des rapports entre des couches sociales aux intérêts opposés, en particulier les patrons et leurs ouvriers. Le Maréchal y fait allusion lourdement lors de son allocution sur la retraite des vieux, le 15.03.1941.Celle-ci s'adresse à des catégories sociales déterminées (beaucoup de bénéficiaires de la loi sont d'anciens combattants et la retraite figure depuis longtemps dans leurs revendications). Pour autant, les anciens combattants ne sont pas les seuls bénéficiaires de la sollicitude au régime. "L'attachement du Maréchal" traite bien les accidentés du travail. Des organisations d'invalides civils réussissent à s'organiser sous l'occupation. La Fédération Nationale des Mutilés du travail a pour secrétaire fédéral Baptiste MARCET en Juin 1940. La police de Vichy l'arrête en Décembre 1940 et l'interne au camp de Saint-Germain-Les-Belles (Haute-Vienne). BELIN, Ministre du Travail du gouvernement LAVAL, le libère après l'intervention des militants de l'association. Valentin HAÜY et des sourds-muets. L'affaire soulève des soupçons de collaboration avec Pierre LAVAL, à la libération, contre les avantages concédés aux mutilés du travail par le Conseil d'Etat et le Gouvernement).

Les mutilés du travail obtiennent des lois favorables :

-   Loi du 15 Février 1942 créant la carte de priorité en faveur des mutilés du travail.

-   Ordonnance du 3 Août 1942 sur la gratuité des prothèses par le Ministère des anciens combattants.

-   Loi du 16 Mars 1943 ajustant les droits pour les mutilés de l'agriculture. Deux conférences ont lieu en 1943 :

-  L'une à Nantes pour la zone occupée,

-    L'autre à Saint-Etienne pour la zone "libre". Le seizième congrès de la Fédération Nationale des mutilés du travail tient ses assises en 1943 à Saint- Etienne. Mais les événements ne permettent pas le rassemblement de tous les militants (5).

Avant 1919, l'infirmité connue était originaire des tranchées de la Grande Guerre. L'infirmité "civile" semblait rare et peu connue du grand public, sauf pour ce qui était des aveugles (Association des Paralysés de France pour la reconnaissance sociale des invalides civils reçoivent la sympathie du régime de Vichy. "La première manne semi-publique nous vint pendant la guerre, du Secours National" raconte André TRANNOY (6). M. LAMIRAND, Secrétaire d'Etat à la jeunesse, rend visite au centre A.P.F. d'artisanat pour handicapé à Saint Clément des Levées près de Saumur. Le Secours National fournit un appui précieux pour la fourniture du centre en matière première, ainsi que pour la Maison familiale d'Aix-les- Bains ouverte par l'A.P.F. en 1942 pour les enfants réfugiés.

Pourtant, l'atmosphère politique à l'œuvre en Europe ne prédispose guère aux initiatives à caractère social. Certes, il peut s'agir d'un calcul du gouvernement pour s'attacher la bienveillance populaire. Mais le rapport entretenu par le régime avec l'invalidité comporte un aspect plus spectaculaire : des dizaines de milliers de malades mentaux, vieillards, infirmes, mutilés meurent de famines dans les hôpitaux psychiatriques en France, à quelques kilomètres des grandes villes (hôpitaux psychiatriques de Bron et St Alban, qui ne sont que des exemples parmi les établissements français en cause). L'événement n'est spectaculaire qu'à l'échelle de l'histoire, puisqu'il faut des années après la libération pour porter le fait à la connaissance du grand public.

Max LAFONT démontre son ouvrage "L'extermination douce", l'évolution de la mortalité dans les asiles sous Vichy et les rapports médicaux sur la famine, l'avitaminose et sa dégénérescence vers la mort. 40000 personnes recensées meurent de faim dans des hospices situés souvent au cœur des régions agricoles. Il parle de l'hôpital du VINATIER : "L'établissement a dû héberger d'autres pensionnaires justifiables des autres lois d'assistance". Il réalise un tableau des entrées daté de Décembre 1940 à Juin 1945 où sont mêlés "enfants anormaux, Israélites aliénés, anormaux venant de maisons de retraite, population de l'hôpital Héliomarin (HYERES), population de l'Hôpital militaire ..." Les établissements psychiatriques hébergent toute la population économiquement faible : improductifs, vieillards, invalides de toute nature, aliénés (7). Il souligne les efforts du personnel et des malades pour faire face à la situation, tels ceux de St Alban en Lozère qui ont des liens avec la résistance. Les médecins, économes, battent la campagne pour trouver de la nourriture. Il ne s'agît même plus de soigner des malades, mais il faut nourrir des internés. La situation, en France "libre" comme en zone occupée, dans les asiles ressemble aux camps d'extermination en activité dans l'Europe en Guerre. Toutefois, on n'y maltraite pas volontairement les internés. Au contraire, le corps médical tente d'alerter les autorités, de trouver du ravitaillement. L'indifférence générale lui répond. Certes, l'euthanasie pour les malades mentaux et incurables se pratique en Allemagne. En France, il ne s'agît pas d'assassinat mais plutôt d'un "laisser mourir", conformément aux idées sur la "race pure" et l'eugénisme comme solution. Le national-socialisme en Allemagne va jusqu'à la "solution finale", au bout de sa logique.

L'idéologie Nazi n'accorde aucune valeur sociale à qui n'est pas "sain" physiquement ou moralement. La proposition pratique est d'abord la stérilisation, puis en cas d'inutilité économique, l'élimination: "Celui qui n'est pas sain, physiquement ou moralement, et par conséquent n'a pas de valeur du point de vue social, ne doit pas perpétuer ses maux dans le corps de ses enfants” dit Adolph HITLER (8). Le national-socialisme prend au sérieux l'idée-reçue selon laquelle il suffit d'éliminer les "anormaux" pour supprimer l'anomalie physique et mentale, comme si les enfants nés avec des maladies provenaient de couples "anormaux". HITLER prétend que ”l'esprit sain ne peut se développer que dans un corps sain”. Il amalgame ”l'intelligence perverse du juif’ au ''travail intellectuel qui provoque (...) des manifestations sexuelles” . L'Aryen doit cesser de mélanger son sang avec des races inférieures (juifs, ”tarés”...) pour redevenir un peuple fort, apte à affronter la nature. Pour cela la lutte pour la vie est nécessaire ”qui fortifie les forts et élimine les faibles”. Les faibles sont bien-entendu les malades, infirmes et autres ''inutiles sociaux”. Certes, "Mein Kampf" n'est qu'un programme politique théorique. Mais aucun n'avait été pratiqué aussi consciencieusement. Les juifs, tziganes, et autres "sous-hommes" sont éliminés, les livres et le travail intellectuel brûlés. Les malades mentaux, invalides, vieillards et autres inutiles économiques font l'objet du décret du 1° Septembre 1939. Jamais publié, celui-ci circule en sous-main chez les dirigeants chargés d'appliquer le programme de Guerre "14 F 13". Karl BRANDT et BOUHLER appliquent les mesures pour le meurtre des malades mentaux et incurables. Le "service communautaire du travail", "l'association charitable des soins", "la corporation des transports des malades", "les établissements d'euthanasie" sont chargés par le décret d'organiser, transporter, tuer. Recouverte par l'euphémisme "die Aktion" utilisé par les initiés, la procédure conduit 200 000 personnes dans les chambres à gaz (chiffre avancé par les éditeurs de "Mein Kampf" dans la préface des Nouvelles éditions latines). Les familles des victimes reçoivent une lettre les informant du décès pour une quelconque maladie (crise cardiaque ou autre). 75 000 personnes âgées sont assassinées. Si certains mutilés de la 1° Guerre servent dans les cérémonies officielles à exalter le nationalisme, le régime tue beaucoup de ces héros. Pour eux comme pour les vieillards il y a une visite d'un officier SS, puis une entrevue avec un médecin, une mise en tutelle et le transfert vers "l'établissement spécialisé" le plus proche (9).

Le régime de Vichy n'assassine pas les malades, vieillards, invalides et il faut attendre l'hiver 1942 pour voir un durcissement vis à vis de cette question (10) Toutefois, les mesures prises n'ont rien à voir avec la tuerie national-socialiste. Le décret du 1° Juillet 1942 limite l'accès de certaines professions aux personnes atteintes de différences physiologiques. Les conditions physiques de l'intelligence interdisent les emplois dans l'éducation nationale pour tout être atteint ”d'une maladie contagieuse ou d'une infirmité, maladie, vice de constitution qui le rend impropre aux fonctions d'enseignement" (art. 1). L'article 2 organise la commission médicale prévue à cet effet (11). L'arrêté du 2 Juillet 1942 d'Abel BONNARD et Raymond GRASSET énumère les incapacités physiques. La "valeur physiologique" stigmatise les maladies ou difformités, allant de l'angiome à la bronchite, du bec de lièvre à l'importance fonctionnelle grave. L'arrêté utilise le terme de "valeur" pour légitimer les interdictions, comme les nazis allemands l'emploient pour justifier l'élimination. Le point commun révèle la filiation entre l'idéal de la race aryenne et le régime "moraliste" de Vichy. L'arrêté cite en son article 16 alinéa b, "les difformités très importantes de la pyramide nasale surtout lorsqu'elles prêtent au ridicule" (ce critère est une allusion aux caractères physiques sémites utilisés pour la déportation). Pierre LAVAL, Raymond GRASSET, Pierre CATHALA, signent la loi N°299 du 15 Juillet 1944 portant relèvement des taux de la majoration instituée par l'article 20 bis de la loi du 14 Juillet 1905. Le relèvement de dernière minute provient peut-être d'une arrière-pensée tactique vis à vis d'une chute plus que probable du régime? (12)

La nature du régime de Vichy transforme l'approche institutionnelle des questions sociales. La concentration des pouvoirs entre les mains de l'exécutif produit un système administratif non régulé par la représentation politique des intérêts sociaux. Sans légitimité populaire le régime s'appuie sur les corporations professionnelles (Comités d'organisation industrielle par exemple) ainsi que sur les technocrates de l'appareil d'Etat, renforcés par les clercs de l'Eglise dans le domaine social. Les décisions politiques en matière économique se négocient directement entre les différents intérêts corporatifs et les hauts fonctionnaires. Les réformes de l'Etat Français sous Vichy modifient profondément les institutions administratives. La politique de l'enfance inadaptée par exemple, se subdivise en secteurs, comme la "jeunesse en danger". La neuropsychiatrie infantilo-juvénile ouvre un conflit entre les ministères de la Santé et de la Justice. L'échec des classes autonomes de perfectionnement inaugurées en 1909 (et qui perdurent jusqu'en 1951) prive l'Education Nationale des services spécialisés, ouvrant la voie à la médicalisation de la "débilité". Vichy représente une rupture dans le domaine social par rapport à la législation de la III° République. Les Ministères de l'Intérieur, de la Justice et de l'Education Nationale se déchargent de leurs services sociaux au profit d'institutions spécialisées épaulées par des œuvres privées, confessionnelles le plus souvent. La professionnalisation du travail social pointe son nez au bout du processus. La médecine et la santé organisent désormais la socialisation de l'invalidité. La Libération restaure la démocratie représentative, mais les réformes administratives entreprises par Vichy marquent durablement les politiques sociales futures.

La libération conserve certaines dispositions de Vichy concernant l'invalidité afin d'assurer la transition et ne pas laisser des gens sans contrôle administratif en attendant des mesures nouvelles. Ainsi, l'ordonnance N°45- 1275 du 15 Juin 1945 porte validation des actes relatifs aux vieillards, infirmes et incurables, publiée depuis le 16 Juin 1940 (13) (si la chute de Vichy libère les israélites, les invalides doivent attendre l'article 9 de la loi du 2 Août 1949 pour abroger le décret du 1° Juillet 1942 et l'arrêté du 2 Juillet 1942. Aujourd'hui encore, les barrières administratives et les critères physiques sévères en cours dans les rectorats et ministères relativisent les possibilités d'enseignement pour les enseignants handicapés physiques).

Rien à voir avec l’humanité des Anciens Combattants de le Grande Guerre ! En restant toujours unis dans les combats pour la dignité des poilus blessés, des pensions et de la réintégration professionnelle et sociale des mutilés, les soldats de 1914-1918 ont ouvert le cycle des législations sur l’invalidité et la société industrielle qui perdure aujourd’hui, et sans doute pour longtemps.

A l’époque, la loi sur les pensions a nécessité des engagements politiques des anciens combattants (la journée du 6 février 1934 par exemple) et la loi de 1924 sur l’emploi des mutilés n’a été obligatoire qu’à partir de 1927. Mais le cadre juridique de ces textes structure toujours les législations sur l’invalidité, ou le travailleur handicapé. La minoration du salaire, le défaut d’avancement et de promotion dans le travail, la taille des entreprises concernées fixée par la loi, la redevance payée par l’entreprise pour le non-embauche du mutilé, de l’invalide, puis du travailleur handicapé, toutes ces dispositions légales perdurent aujourd’hui, adaptées à la période économique et politique où s’élaborent les écrits renouvelant le rapport du handicap à la société contemporaine.

Robert O.PAXTON a démontré combien le mouvement des Anciens Combattants s’est tenu à l’écart du gouvernement de Vichy - 350 000 cartes d’associations payées de 1940 à 1944, alors que, selon Antoine PROST, il y avait 3 000000 de cartes payées de 1919 à 1940. Ceci démontre le désaveu des anciens mobilisés de la Grande Guerre sur la collaboration avec l’occupant. Aucune distinction entre les mutilés et les soldats indemnes n’a démenti la solidarité au cours des événements sociaux ou politiques des 20 années séparant les deux conflits. D’où la force de leurs mouvements, et la marque dans la mémoire de leur temps qui existe toujours aujourd’hui, au travers de l’héritage étonnant, fraternel, que les soldats ont laissé pour l’histoire des personnes handicapées.


 

REFERENCES

Références de : La première guerre mondiale, les mutilés et la solidarité nationale : la loi du 31.03.1919.

(1)    Jean-Jacques BECKER et Serge BERSTEIN Victoires et frustrations 1914-1929 Nouvelle Histoire de la France Contemporaine N°12, éd. Points, Avril 1990, pp.148. SAUVY Alfred Histoire économique de la France entre les deux guerres éd. Fayard, 1965, p. 442.

DE LA GORCE Paul-Marie (Direction) La première Guerre mondiale 2 tomes, éd. Flammarion, Octobre 1991, ch. 29 par

Jean-Jacques BECKER, La société ébranlée par la Guerre. p.581.

Lire les témoignages bouleversants des combattants sur le terrible carnage de la Grande Guerre et la misère où survivaient les hommes :

Henri BARBUSSE Le Feu, Journal d’une escouade suivi de Carnet de guerre éd. Flammarion, 1°édition Décembre 1916, disponible au Livre de Poche.

Erich Maria REMARQUE A l’ouest rien de nouveau éd. Stock, et Livre de Poche.

Roland DORGELES Les croix de bois éd. Albin Michel 1919, et au Livre de Poche. CÉLINE L-F. Casse-pipe suivi du Carnet du cuirassier Destouches éd. Gallimard 1952, et Folio Juin 1992.

(2)     Jean-Jacques BECKER Comment les Français sont entrés dans la Guerre. Contribution à l’étude de l’opinion publique, printemps--été1914 Presses de la Fondation nationale des Sciences Politiques, Nov. 1877.

DUROSELLE Jean-Baptiste Histoire de la Grande Guerre. La France et les Français, 1914-1920 éd. Richelieu diffusion Bordas, Oct. 1972.

(3)   Jean-Jacques BECKER. La France en Guerre 1914-1918. La grande mutation éd. Complexe, Oct. 1988, p.136.

BUCCAFURI C. article intitulé Organisation d’une journée patriotique. Tous derrière le front dans le Bulletin du Centre d’Histoire Contemporaine N° 26, 1985.

(4)   PROST Antoine Les Anciens Combattants Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 3 tomes, 1977.

(5)  Voir le Journal Officiel des Débats :

Chambre des Députés le 21.6.1916 : p.1638.

Chambre des Députés le 25.12.1917 : pp.3577-3593.

Chambre des Députés le 5.02.1918 : pp.301-315.

Sénat le 17.9.1918 : pp. 605-612.

Sénat le 27.9.1918 : pp.689-695.

Sénat le 28.3.1919 : pp.373-394.

La loi du 31.3.1919 sur les pensions aux mutilés et victimes de La Grande Guerre.

Orateurs cités à la Chambre des Députés :

Le 5/02/1918, EYMOND,p.306,

PUECH, BONNEVAY, LUGÜL,p.310-311,

ABRAMI, MOUTET, LUGOL, GOUDE, p.307-310-311-312-313,

GOUDE,MOUTET, pp.312-313, 315, EYMOND, p.305-306.

Le 17/12/1917, MOUTET. Le 5/02/1918, BÉTOULLE, p.309,

LUGOL, BOUVERY, PRESSEMANE, p.301-302-303.

Au Sénat :

Le 17 Septembre 1918, CHÉRON, p. 606-607-608-610.

Le 27/9/1918, DELAHAYE, pp.689, 693-694.

Le 17/9/1918, CHÉRON, HERVEY, pp.609-610.

(6)  PEITER Henri Les patrons, les mutiles de la Guerre, et la France article paru dans la revue Recherche 1977.

MONTES Jean-François Les entrepreneurs du reclassement professionnel article paru dans Handicaps et Inadaptations les cahiers du CNTERHI. N° 50, Avril-Juin 1990.De l’infirmité au handicap : jalons historiques pp.35 et s.

(7)  Archives Départementales de l’Hérault :

-2 R 783.Journée de l’Hérault le 15/10/1916, œuvres de l’Hérault.

-  2 R 784, 2 R 785, 2 R 786. Journées patriotiques.

-  8 R 59 . Journée de l’Hérault. Cocarde du souvenir. Journée du "poilu".

Pascal DORIGUZZI Solidarité et nationalisme dans l’Hérault de 1914 à 1939 mémoire de DEA. soutenu le 21/10/1988 à l’Université Paul VALERY de Montpellier, sous la direction de Raymond HUARD.

(8)  L’AGMG est créée en Août 1915 par l’abbé VIOLET et le Général MALLETERRE lui- même blessé sur la MARNE en 1914, et commandant la place des INVALIDES ; l’hôpital de MAISON-BLANCHE, parties des INVALIDES, est le plus important centre de rééducation et d’appareillage de la Grande Guerre. (cité par A. PROST, op.cit.).

(9)  Archives départementales de l’HERAULT, dossier 2 X228.

(10)  Chambre des Députés le 7/10/1915.

(11)  Archives Départementales de l’HERAULT, dossiers 10 R 228 et 3 R 131.

(12)   Voir l’article d’Henri PEITER Les patrons, les mutilés de la Guerre et la FRANCE déjà cité.

Pascal DORIGUZZI  "La III° République et la solidarité : la socialisation de l’infirmité", thèse soutenue à la Faculé de Droit de Montpellier I le 10 Mai 1989, pp. 66 à 124.

(13)  Henri BARBUSSE Le feu, Journal d’une escouade op. cit. p.372 et s. p.405. Références de "Les mutilés et l’emploi : la loi du 26/4/1924.”

(1)   DE MONTMOLLIN M. et PASTRE Le taylorisme éd. La découverte, Mai 1984. Article d’Aimée MOUTET La première guerre mondiale et le taylorisme p.67 et s.

Après la seconde guerre mondiale, le travail à la chaîne et l’Ouvrier spécialisé représentent l’organisation la plus courant du monde économique. La division du travail, le travail spécialisé, divisé en segments de tâches répétitives produisent un individu standard, capable d’occuper sa place dans la machine sociale, de contribuer à son fonctionnement... Cela modifie le concept d’être humain, de travailleur, en produisant un individu idéal moyen, calibré, fantasmatique, qui s’il n’existe pas devient la norme, « le normal ». Frédéric Taylor définit l’homme idéal pour l’organisation scientifique du travail, en 1902, il lui donne neuf qualités auxquelles chacun doit être mesuré, évalué, comparé : Les neufs qualités qui font un homme suffisamment universel sont l’intelligence, l’éducation, les connaissances spéciales ou techniques et l’habilité manuelle ou la vigueur physique, le tact, l’énergie, la fermeté, l’honnêteté, le jugement ou le bon sens, et une bonne santé. On peut en conclure, cinquante-cinq ans plus tard, que celui qui n’est pas en bonne santé, a peu de formation technique et d’habilité manuelle pour manifester son intelligence, son tact, sa fermeté et l’énergie nécessaire pour mettre ces qualités en valeur, celui-là est un travailleur handicapé... Voir Pascal DORIGUZZI L’HISTOIRE POLITIQUE DU HANDICAP de l’infirme au travailleur handicapé ouvrage préfacé par Raymond Huard, éditions L’Harmattan, Octobre 1994 (230 pages), p. 125.

(2)   De GAUDEMAR Jean-Paul L’ordre de la production. Naissance et formes de la discipline d’usine ed. Dunod, coll. L’oeil économique, Octobre 1982.

(3)  J.O. des Débats du Sénat du 13-04-1924, DELAHAYE, JAPY, p. 862. M. JAPY p. 865­866, M. SARRAUT p. 865, PIQUEMARD p. 867, DELAHAIE p. 867, Comte Louis DE BLOIS, POINCARE, MARSAL, SARRAUT p. 869 et s.

À propos de l’emploi des mutilés, voir MONTES J-F La rééducation professionnelle et l’emploi des mutilés du travail et des mutilés de guerre en France paru dans Maladies, médecines et sociétés. Approches historiques pour le présent - actes du VI° colloque d’Histoire au Présent, éd. L’Harmattan et Histoire au Présent, Juin 1993, tome2, pp.253 et s.

(4)   J.O. des Débats, Sénat du 13-04-1924, DELAHAYE, FARJON, JAPY, SCHEUER p. 864.

(5)   ROUSSEAU Max-Jules-Alfred Le problème de l’enfance estropiée dans le monde. L’urgence d’une solution en France

Thèse pour le Doctorat en Médecine, soutenu à Paris en1939,pp.15 et s.,pp. 129 et s.

(6)  Voir L.F. CELINE, ou B. CENDRARS par exemples...

(7)   A. TRANNOY et P. BOULINIER APF. hier et aujourd’hui, demain article paru dans Réadaptation N 215, p.4. (A. TRANNOY est un des fondateurs et le premier président de l’APF. le 17.4.1933), et Président d’Honneur.

(8)  Voir H.J. STICKER Corps infirmes et sociétés éd. Aubier-Montaigne, 1982, pp.204 et s.

Voir également ROUSSEAU M.J.A., op. cit. pp.168-169.

(9)  Sur l’histoire politique de la III° République, voir :

BORNE D. et DUBIEF H. La crise des années 30 ! 1929-1938 Nouvelle Histoire de la France Contemporaine N°13, éd. Points, Oct. 1989, pp.11 à 74 et pp. 108 et s.

PROST Antoine, op. cit. tome 1.

LIGOU D. Histoire du socialisme en France (1871-1961) éd. PUF, 1962, pp.396 et s. MAYEUR J.M. La vie politique sous la III° République 1870-1940 déjà cité, p.329.

Références de : la rupture de Vichy (1940-1944).

(1)   Max LAFONT L’extermination douce. La mort de 40 000 malades mentaux dans les hôpitaux psychiatriques en France, sous le régime de Vichy éd. de l’ARFFPPI, 1987.

(2)  Robert O.PAXTON La France de Vichy 1940-1944 éditions Seuil Collection Histoire, 1974, p. 240. Chapitre intitulé "La revanche des minorités".

(3)    Journal Officiel de l’Etat Français, 11 Avril 1941, p. 1555 à 1556, loi signée par Philippe PETAIN, Y. BOUTHILLIER, J. CHEVALIER, portant réforme de la loi du 14.07.1905 sur l’assistance obligatoire aux vieillards, infirmes et incurables.

(4)   PETAIN Philippe Les paroles et les écrits du Maréchal PETAIN, 16 Juin 1940-1° Janvier 1942 publié par la "Légion Française des Combattants et des volontaires de la Révolution Nationale".

La famille est la base de la société. Elle sera honorée, protégée, aidée, pour préparer la jeunesse à entrer dans la vie. Sous-entendu, le cadre familial est le lieu de la solidarité aux invalides, sinon aux hospices si la famille fait défaut. P. 60.

Le Secours National fait l’objet d’un appel le 10 Novembre 1940 à l’entrée de l’hiver. Il appelle "le souffle de solidarité et d’entraide" pour les prisonniers en Allemagne, les réfugiés et les indigents. Il s’agit d’une œuvre caritative nationale (les autorités allemandes en zone occupée permettent au Secours National d’agir sur tout le territoire). P. 95.

L’allocution du 25 Mai 1941 institue "la fête des mères" célébrant les vertus idéales de la Maîtresse du foyer dont "la tâche est la plus rude mais aussi la plus belle". Les indigents, invalides et vieux parents, seront à sa charge en pratique, bien que financièrement aidée par la modeste pension de la loi du 29 mars 1941. P. 171-172.

La "Revue des Deux Monde" du 15 Septembre 1940 paraît dans l’ouvrage sous le titre "La Nouvelle Organisation Sociale" P. 57 à 65. L’article conspue les lois sociales de la Troisième République car "elles n’ont pas relevé la condition ouvrière, elles n’ont pas abaissé la féodalité capitaliste, elles ont plus qu’à demi ruiné l’économie nationale" P. 59.

La retraite des vieux travailleurs est annoncée par l’allocution du 15 Mars 1941. C’est "un grand geste de sollicitude et d’équité" qui repose sur "la solidarité de la nation : solidarité de classes, solidarité des âges", P. 129 à 131.

Voir Henri AMOUROUX La grande histoire des français sous l’occupation éd. Laffont, de 1988 à 1993, 10 tomes. Le dernier est consacré au Maréchal PETAIN.

(5)  Voir à ce sujet le supplément au N°43 du Mutilé du travail, édité à l’occasion du XXX° congrès de la Fédération Nationale des Mutilés du Travail à Saint-Etienne/ Palais des sports le 4 Septembre 1971 revue parue le 4 Octobre 1971, intitulé 1921-1971 Cinquante années d’action et de solidarité

Egalement :

. La loi du 15 Février 1942, Journal Officiel de l’Etat Français instituant la carte de priorité pour les mutilés du travail.

. L’ordonnance du 3 Août 1942, Journal Officiel de l’Etat Français fournissant des prothèses gratuites aux mutilés du travail.

. La loi du 16 Mars 1943, Journal Officiel de l’Etat Français unifiant les mesures pour les mutilés de l’agriculture.

(6)   André TRANNOY et Paul BOULINIER, article A.P.F. : hier, aujourd’hui, demain dans Réadaptation , op cit.

(7)  Max LAFONT Idem (1), P. 112 à 114.

(8)  HITLER Adolf Mein Kampf, Nouvelles éditions latines, 1980,passage "l’état raciste et l’hygiène de la race" P. 402.

Passage intitulé "Un esprit sain seulement dans un corps sain" P.252.

Passage intitulé "Résultat du croisement des races" P. 283.

(9)   Décret de la Chancellerie (BERLIN) du 1° Septembre 1939, sur l’extermination des "Untermenschen".

(10)  Robert O.PAXTON La France de Vichy déjà cité, P. 220 à 224.

(11)    Journal Officiel de l’Etat, décret N°1966 du 1° Juillet 1942 fixant les conditions physiologiques à l’enseignement, signé par Philippe PETAIN, Abel BONNARD, Raymond GRASSET, P. 2327-2328. Egalement : Journal Officiel de l’Etat, l’arrêté du 2 Juillet 1942 énumérant les cas physiques d’interdiction à l’enseignement. P. 2328 à 2329.

(12)  Journal Officiel de l’Etat, 15 Juillet 1944, P. 1920.

(13)  Journal Officiel de la République Française, 15 Juin 1945.

(14)   Journal Officiel de la République Française, ordonnance du 3 Juillet 1945, portant sur les mesures sociales à propos de certaines catégories d’aveugles, P. 4059.

Pascal Doriguzzi, le 02 Novembre 2014