J.O. Numéro 113 du 16 Mai 2000 page 7328
Textes généraux
Premier ministre
Circulaire du 2 mai 2000 relative à l'accès à la citoyenneté et la lutte contre
les discriminations
NOR : PRMX0004098C
Paris, le 2 mai 2000.
Le Premier ministre à Mesdames et Messieurs les préfets, Monsieur le préfet de
police, pour attribution, et Mesdames et Messieurs les procureurs généraux, Mesdames
et Messieurs les procureurs, pour information.
Près d'un millier de jeunes ont, le 18 mars 2000 à l'Arche de La Défense, participé
aux assises nationales de la citoyenneté, avec des représentants des principaux
acteurs, administratifs, judiciaires et associatifs, de la lutte contre les discriminations.
Les échanges entre les membres du Gouvernement et ces jeunes, souvent issus de
l'immigration, ont montré un engagement résolu de tous en faveur d'une citoyenneté
fondée sur l'égalité des droits et des devoirs et garantissant à chacun une égale
dignité.
L'accès de tous, et plus particulièrement des jeunes, à une pleine citoyenneté,
l'adhésion au pacte républicain et donc la lutte contre les discriminations exigent
l'engagement durable de l'Etat et de toutes les institutions.
Aider ces jeunes à formaliser leurs projets, à surmonter les obstacles qu'ils
rencontrent pour trouver un emploi, à réagir aux discriminations dont ils peuvent
être victimes et leur assurer ainsi une juste place dans la République sont des
objectifs qui doivent être au coeur des politiques de l'Etat et se traduire dans
l'action quotidienne de l'administration territoriale.
Dans cette perspective, vous veillerez tout particulièrement aux actions qui répondent
aux objectifs suivants :
1. Lutter contre les discriminations qui touchent la vie quotidienne, notamment
celles qui concernent l'emploi, le logement et les loisirs ;
2. Faciliter l'accès à l'emploi et à la formation professionnelle en mobilisant
le service public pour l'emploi ;
3. Favoriser la préparation aux concours de la fonction publique, en particulier
par l'allocation de bourses de service public ;
4. Valoriser les exemples de réussite scolaire, sportive, professionnelle ou sociale
des jeunes des quartiers ;
5. Améliorer les relations entre les jeunes des quartiers et les services publics.
Vous rappellerez, par ailleurs, aux différents services publics la nécessité absolue
d'être exemplaire dans le respect des règles d'impartialité et d'égalité à l'égard
des usagers, quelle que soit leur origine.
Un numéro d'appel gratuit, le 114, a été mis en service au début du mois de mai.
Il permet aux personnes s'estimant victimes de discriminations d'être conseillées
et orientées vers les services ou associations localement compétentes grâce au
relais local que constituent les commissions départementales d'accès à la citoyenneté
(CODAC).
Le groupement d'intérêt public dénommé « groupe d'études des discriminations »,
qui est chargé d'identifier et d'analyser les discriminations et de formuler des
propositions, remettra un rapport annuel sur ces questions. Ce rapport tiendra
compte des données issues de l'activité des CODAC et de celles recueillies grâce
au numéro 114.
Pour assurer la mise en oeuvre de cette politique, j'ai demandé aux membres du
Gouvernement de veiller à ce que chaque administration apporte son soutien et
sa contribution au fonctionnement des CODAC, dont les missions sont renforcées
et la composition élargie.
*
* *
L'adhésion de nos concitoyens à la conviction que les discriminations constituent
des atteintes inadmissibles à la loi républicaine est un facteur de la réussite
de cette mobilisation, que le Gouvernement vous demande d'organiser.
Vous trouverez, en annexe, les modalités de la mise en oeuvre de cette politique
dans le cadre des CODAC. Vous informerez sans délai vos partenaires locaux de
ce nouveau dispositif.
Vous établirez un rapport semestriel faisant apparaître les cas de discrimination
signalés et traités dans votre département que vous adresserez aux ministères
concernés, au comité de pilotage du numéro 114 et au groupement d'études sur les
discriminations (GED).
Vous présenterez en outre un bilan annuel des actions engagées dans votre département.
Vous ferez connaître régulièrement les initiatives et expériences concrètes susceptibles
d'être valorisées ou développées sur un plan national.
Je vous demande de veiller personnellement à la mise en oeuvre de ces directives.
Lionel Jospin
A N N E X E
ACCES A LA CITOYENNETE
ET LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS
Modalités de mise en oeuvre
1. Les missions de la CODAC
Créées au mois de janvier 1999, les commissions départementales d'accès à la
citoyenneté sont à la fois un lieu d'écoute, de réflexion, d'impulsion et de
mise en oeuvre des actions destinées à lutter contre les discriminations.
1.1. Favoriser les échanges d'informations
La CODAC permet aux différents services de l'Etat, aux collectivités locales,
aux partenaires sociaux, aux associations et aux organismes consulaires concernés
de définir ensemble un programme d'actions pour lutter contre les discriminations.
Le procureur de la République, vice-président de la CODAC, expose aux membres
de la commission la politique pénale menée dans le département en matière de
lutte contre les discriminations, contre le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme,
en application des directives de politique pénale du garde des sceaux, et notamment
la circulaire du 16 juillet 1998.
Les cellules départementales de coordination de la lutte contre le racisme,
la xénophobie et l'antisémitisme instituées par la circulaire du Premier ministre
du 1er mars 1993 sont supprimées. Leurs missions sont désormais assurées par
les CODAC.
1.2. Concevoir, mettre en place et coordonner les actions
Le préfet fixe chaque année, au nom des administrations de l'Etat, un programme
d'actions et des priorités. Ces orientations, élaborées à partir d'un diagnostic
établi localement, s'enrichiront de toutes les initiatives qu'il apparaîtra
utile de promouvoir et valoriser.
Un engagement de l'Etat et des collectivités locales peut être inscrit dans
les contrats de ville ou dans d'autres dispositifs de la politique de la ville
concernés par les thématiques de la lutte contre les discriminations et l'accès
à la citoyenneté (opérations ville-vie-vacances...).
Le vice-président de la commission définit et expose les orientations de la
politique pénale en application de la circulaire du garde des sceaux du 16 juillet
1998 en relation, le cas échéant, avec les autres procureurs de la République
du département.
1.3. Améliorer les signalements pour permettre
une plus grande efficacité de la réponse judiciaire
Le nombre encore faible et le caractère parfois incomplet des signalements adressés
à la justice nécessitent une meilleure articulation avec les administrations
et les associations afin d'accroître et d'améliorer les réponses judiciaires.
La CODAC n'est en aucun cas le lieu de la définition de la politique pénale
ni de l'exercice de l'action publique mise en oeuvre par les parquets.
Mais la présence aux côtés du préfet, du procureur de la République du chef-lieu
de département, en qualité de vice-président de la CODAC, doit permettre d'améliorer
l'efficacité de la saisine de l'autorité judiciaire.
Il appartient en conséquence au préfet, de concert avec le procureur de la République,
de sensibiliser les membres de la commission aux aspects juridiques et procéduraux
des situations décrites comme des discriminations manifestes.
Le ou les procureurs du département peuvent déterminer avec les membres de la
commission une méthodologie du signalement des faits susceptibles de constituer
des infractions pénales dont ils pourraient avoir connaissance.
L'obligation de dénoncer au procureur de la République les faits individuels
susceptibles de constituer des délits de discrimination ne fait pas obstacle
au devoir du préfet d'engager ou de faire engager parallèlement une enquête
administrative dès lors qu'une situation lui serait signalée comme discriminatoire
dans un secteur économique ou social sur lequel s'exerce un contrôle des services
de l'Etat.
Il est indispensable que les signalements qui parviendront, soit directement,
soit par le numéro 114, fassent l'objet d'un traitement effectif. Les réponses
appropriées différeront probablement dans leur contenu : simple information,
enquête administrative, action de médiation ou saisine de l'autorité judiciaire.
Mais il importe que tout cas signalé soit effectivement traité dans un délai
rapproché. Il en va de la crédibilité du dispositif dont le numéro 114 n'est
qu'un élément.
2. Organisation de la CODAC
2.1. L'organisation interne de la CODAC
La commission départementale d'accès à la citoyenneté se réunit en assemblée
plénière. Elle met au point un programme d'actions favorisant l'accès à la citoyenneté
et permettant de lutter efficacement contre les discriminations. Cette assemblée
délibère sur les priorités départementales proposées et en assure le suivi et
l'évaluation.
La CODAC est présidée par le préfet et, à Paris, par le préfet de police. Le
préfet veille à être personnellement présent pour animer les réunions plénières.
Le procureur de la République près le tribunal de grande instance du chef-lieu
du département en est le vice-président.
La CODAC est également constituée de groupes de travail thématiques (connaissance
des institutions, accès au logement, aux loisirs, à l'emploi...) mis en place
par l'assemblée plénière. Ils sont chargés d'étudier les différents aspects
que prennent les discriminations dans le département et de formuler un diagnostic
et des propositions d'action. Ces groupes de travail doivent faire une large
place aux jeunes issus de l'immigration ou membres d'associations.
Le préfet mobilise l'ensemble des membres du corps préfectoral pour la mise
en oeuvre de ce dispositif en fonction de leurs attributions et veille, dans
les départements pour lesquels la politique de la ville est un enjeu prioritaire,
à s'appuyer sur les sous-préfets chargés de mission pour la politique de la
ville.
2.2. Le secrétariat permanent
Le secrétariat permanent assure la préparation et l'évaluation des actions mises
en oeuvre par la CODAC. Il reçoit les signalements individuels, soit directement,
soit par l'intermédiaire du numéro 114, et assure le suivi de leur traitement.
Il est dans le département l'interlocuteur privilégié de la structure de gestion
du numéro 114.
Le secrétariat permanent travaille avec toutes les commissions et instances
administratives qui peuvent avoir connaissance de faits qui relèvent de son
champ de compétences : cellules interservices de la politique de la ville, commissions
locales d'insertion, fonds de solidarité logement, commission de l'action sociale
d'urgence, conseil départemental de la jeunesse, commission régionale pour l'intégration
des populations immigrées, l'instance chargée du plan départemental d'action
pour le logement des personnes défavorisées, les comités d'éducation à la santé
et à la citoyenneté, les commissions locales des contrats de ville. Il mène
le même travail avec toutes les structures associatives du département.
Les moyens nécessaires à son fonctionnement seront renforcés sans tarder. Ils
seront expressément prévus dans le projet territorial de l'Etat en cours de
préparation. Le préfet s'assure à cette fin de la mobilisation de l'ensemble
des services de l'Etat et utilise les possibilités offertes par le décret no
97-695 du 31 mai 1997 relatif à la déconcentration en matière de mise à disposition.
2.3. Des instances infra-départementales
Le préfet crée en tant que de besoin des commissions locales au niveau de l'arrondissement
(COLAC) placées sous la présidence du sous-préfet d'arrondissement. Leur composition
s'inspire de celle de la commission départementale et les fonctions de vice-présidence
sont confiées à l'autorité judiciaire.
2.4. Création d'un site intranet/internet
Un site intranet dédié à la citoyenneté et à la lutte contre les discriminations
géré par le ministère de l'intérieur présente les expériences innovantes conduites
dans les départements, les coordonnées des différents responsables des secrétariats
permanents des CODAC ainsi que les dispositifs législatifs et réglementaires
essentiels. Un forum permet d'y nouer un dialogue et d'échanger des expériences.
Le site internet du GIP « groupe d'études sur les discriminations » est en cours
de préparation. Ce site sera public et devra être alimenté par les différents
ministères membres du GIP et les secrétariats permanents des CODAC. Des liens
seront mis en place avec les différents ministères et, en particulier, ceux
du ministère de l'emploi et de la solidarité, du ministère de l'intérieur et
du ministère de la jeunesse et des sports qui traitent également du thème de
la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations, permettant notamment
aux représentants associatifs de bénéficier d'informations utiles.
3. Composition de la CODAC
La composition de la CODAC est élargie afin d'assurer une présence plus forte
des élus locaux, des principaux acteurs administratifs, judiciaires, associatifs
ainsi que des organisations représentatives des salariés et des employeurs.
Outre le préfet, président, elle comprend des représentants de l'autorité judiciaire,
des services administratifs de l'Etat, des chambres consulaires et de services
publics :
- le ou les procureurs de la République du département ;
- le président du tribunal de grande instance, président du conseil départemental
de l'accès au droit (CDAD) ;
- le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle
;
- le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ;
- le directeur départemental de l'équipement ;
- le directeur départemental de la jeunesse et des sports ;
- le directeur de la protection judiciaire de la jeunesse ;
- le délégué régional du fonds d'action sociale ;
- le directeur départemental de la sécurité publique, le directeur départemental
des renseignements généraux et le commandant du groupement de gendarmerie ;
- l'inspecteur d'académie ;
- le délégué régional au tourisme ;
- les déléguées aux droits des femmes ;
- les directeurs des missions locales pour l'emploi des jeunes et les responsables
des permanences d'accueil, d'information et d'orientation, de l'ANPE ;
- les présidents des chambres consulaires ;
- les directeurs des caisses d'allocations familiales, des caisses d'assurance
maladie et des organismes d'indemnisation du chômage ;
- les délégués départementaux du Médiateur de la République.
Les élus sont invités à participer aux travaux de cette commission, et notamment
:
- le président du conseil régional ;
- le président du conseil général ;
- les maires des villes les plus importantes, selon un critère qu'il vous appartient
de déterminer localement en fonction de la situation particulière du département.
Enfin, sont associés aux travaux :
- les responsables des services déconcentrés de l'Etat de compétence départementale
ou interdépartementale ;
- les services publics (EDF, SNCF, La Poste, France Télécom...) ;
- les organisations représentatives des salariés et des employeurs ;
- les principaux employeurs publics ou privés ;
- des représentants du conseil départemental de la jeunesse ;
- les principales associations de lutte contre le racisme et la xénophobie présentes
dans le département ;
- les principales associations de lutte contre l'exclusion et la précarité ;
- les associations conventionnées d'aide aux victimes ;
- les principaux bailleurs sociaux ;
- les associations de locataires, de consommateurs ou de parents d'élèves ;
- les associations de quartiers.
Le préfet veille à ce que les jeunes soient toujours directement et largement
représentés par des responsables d'associations oeuvrant dans ces quartiers.
Il importe que les participants reflètent, par leur diversité, la prise en compte
réelle des questions de discrimination.
*****************