Publié par Philippe le 13 mai 2010

 

 

Handicap sous le choc : les dérogations à l’accessibilité des bâtiments passeront en loi Sénatoriale avec l’aide des associations pour handicapés et de Nadine Morano.

 

Et de cinq ! Il n’aura pas fallu attendre très longtemps pour que le principe de dérogations à l’accessibilité dans les ERP repasse en force mais cette fois, avec de très grandes chances d’y arriver car elle se fera avec l’aide de certaines associations de personnes handicapés.

On peut dire bien joué ! Les propositions d’introduction de dérogations à l’accessibilité ( qui ont été à chaque fois bloquées grâce à l’opposition des associations, du conseil d’Etat et de politiques avisés ) passeront cette fois avec… la caution d’associations pour personnes handicapées.

Il n’était pas possible pour les lobbies de faire passer ce principe de dérogation légale en jouant seulement la carte du législatif. Il fallait donc trouver de façon urgente une autre méthode.

Après l’échec de l’introduction de ce cheval de Troie ( 4 tentatives infructueuses ) il fallait pour les lobbies trouver une autre stratégie imparable… et ils l’ont trouvé.

Si nous ne pouvons pas faire passer ces dérogations par nous-même, en faisant cavalier seul, alors essayons d’associer des associations de défense des handicapés.

Nous pourrons alors faire valoir que ces dérogations sont possibles vu que nous avons obtenu la caution du monde du handicap.

Beau jeu hypocrite !

Fallait-il encore trouver les associations qui pourraient prêter main forte. Il n’aura pas fallu attendre très longtemps pour savoir que cette possibilité allait bientôt devenir réalité !

La fissure est apparue à la fin du rejet des dérogations lors de l’examen de « Grenelle 2?.

Si l’APF dénonçait encore clairement et radicalement ces dérogations, la FNATH quant à elle modifiait la teneur du message en demandant au Gouvernement soit de se positionner clairement contre toute tentative ultérieure ou alors d’ouvrir des négociations avec le monde du handicap.

Cette vision conciliante basée sur le compromis était une grande nouveauté, le front du refus, du « non absolu » devenait le front du « oui, peut-être ».

La porte était ouverte par une association majeure et la fissure dans le front du refus collectif bien visible.

Il n’aura pas fallu attendre longtemps, en réalité deux jours après ces déclarations, pour que Nadine Morano annonce au Sénat une concertation avec les associations sur les dérogations aux obligations d’accessibilité et indique qu’elles seront introduites dans une proposition de loi sénatoriale.

« La seule méthode qui vaille, c’est la concertation et c’est pour cette raison que les amendements déposés dans le Grenelle 2 n’ont pas été défendus », a-t-elle ajouté.

Sous entendu, les dérogations seront totalement possible après avoir associé les associations.

Pour Nadine Morano, le fait que la FNATH ait ouvert le processus ne pourra que pousser les autres associations à venir la table des » tenant des dérogations ».

En fait de concertation, il y a fort à parier que les jeux sont déjà joués et que l’on risque de voir juste un petit jeu de dupe ou les associations seront seulement un « faire valoir ».

Nadine Morano en a peut-être un peu trop dit en affirmant : « »Nous avons un véhicule législatif qui semblerait plus approprié, la proposition de loi de Paul Blanc (UMP, Pyrénées-Orientales) pour introduire ces mesures qui sera examinée dans quelques semaines ».

Ceci voudrait dire que le texte est déjà bien pensé et prévu, il suffirait de modifier quelques miettes, faire quelques concessions aux associations pour obtenir leur caution et faire passer le principe des dérogations comme une lettre à la poste !

Et c’est bien ce qui risque de se produire.

Le principe des lobbies est bien connu : donner des coups de butoirs ininterrompus jusqu’au moment ou les opposants seront convaincus que la victoire est inéluctable, qu’il ne s’agit que d’une question de temps.

Il suffit alors de tendre la main vers l’opposant ébranlé, de l’associer au projet dans le grand théâtre du compromis soit disant « gagnant-gagnant » pour tous pour ensuite avoir champ libre et obtenir ce qui n’aurait jamais pu l’être si les opposants avaient continués à activer le front commun du refus.

Il est d’ailleurs fort probable que les associations iront à la table des négociations avec les meilleurs sentiments du monde mais sont-ils bien armé pour affronter le monde des lobbies ?

Rien n’est moins sur ! Le monde des lobbies est un monde sauvage ou seul l’intérêt financier compte et les associations vivent dans le secteur » humanitaire « .
Ces deux-mondes ont un décalage idéologique certain ou la parole donnée un jour n’a pas nécessairement la même valeur.

Le langage à double sens des lobbies n’est pas toujours bien décodé par les associations.

Un exemple ?

Il est certain que si des dérogations sont accordées, de nombreux pouvoirs en place trouveront bien un article auquel ils pourront se référer même abusivement pour ne pas réaliser les travaux qui auraient été obligatoires.

Que feront alors les associations face aux abus ? Iront-elles chaque fois en justice ? Laisseront-elles le citoyen attaquer lui-même les ERP devant les tribunaux ? Combien d’années faudra-t-il pour obtenir un jugement ?

Il n’y a de pire poison que celui de la démotivation, ce qui risque vite d’arriver si les abus apparaissent en trop grand nombre.

Il semble donc que le talon d’Achille qui permettra d’introduire les principes de dérogation est… le monde associatif lui-même !
Un monde qui n’a peut-être pas pris le temps nécessaire pour analyser l’impact et les implications liés au fait d’ouvrir une négociation en ce sens.

Comment vont réagir les associations ? Il suffira sans doute d’attirer une grande organisation à la table comme la FNATH ou l’APF pour que toute les autres suivent, car tout le monde voudra alors donner son avis et ne pas rester à l »écart.

Les associations auront sans doute le sentiment que les dérogations ne seront accordées qu’a bon escient, que la loi corrigera les abus et que le mécanisme permettra de sanctionner durement les contrevenant…

Douce utopie, dès le principe de dérogation passé, rien n’empêchera les abus et rien ne permettra de les sanctionner rapidement ! Notre système législatif et juridique ne le permet pas… Autant le savoir…

Lorsque dans le futur, une personne handicapée n’aura pas accès à un ERP au même titre que le valide, il faudra qu’il se souvienne que c’est avec la caution du monde associatif du handicap… Pas sur que cela effacera la sanction et le sentiment discriminatoire qui sera le sien.

Qui aurait donc dit que les dérogations deviendraient possible grâce au monde du handicap ? Personne…jusqu’il y a deux jours !